Droit Patrimonial - écrit par Cabinet T.R. AVOCAT - dernière mise à jour le 01 mars 2021

L'assistance du curateur pour changer une clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie est obligatoire mais pas suffisante

Commentaire de l’arrêt : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 janvier 2020, 18-26.683

 

La Cour de cassation vient de rappeler à l'occasion d'un changement de bénéficiaire d'assurance vie sous curatelle, que l'assistance du curateur est certes obligatoire mais que cette assistance ne valide pas que le majeur protégé était nécessairement sain d'esprit.

L’article 414-1 du Code civil dispose que : « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte ».

En application de cette décision, tous les contrats conclus par un majeur sous curatelle  peuvent être annulés en cas d'insanité d'esprit, quand bien même le curateur a bien validé l'opération.

En pratique, ces situations sont toutefois assez rares puisque le curateur va par définition s'assurer que le majeur qu'il assiste conclut un acte conforme à ses intérêts et que ce dernier en maîtrise bien les enjeux.

Dans le cas d'espèce, le souscripteur d’une assurance-vie, placé en curatelle renforcée, a modifié par avenant sa clause bénéficiaire avec l’assistance de son curateur, conformément à l’article L132-4-1 du code des assurances

A son décès, la veuve du majeur sous curatelle a agi en nullité de l’avenant pour insanité d’esprit.

La Cour d’appel a rejeté sa demande. Elle expose que l'avenant a bien été daté et signé par le curateur et que ce dernier, de par son mandat, avait nécessairement vérifié tant la volonté du souscripteur que  l’adéquation de sa demande avec la protection de ses intérêts.

Ainsi, la Cour d'Appel considère que l'assistance et la validation de l'opération par le curateur avaient de facto juridiquement validé que le majeur sous curatelle disposait de toutes ses facultés au moment de l'acte.

La Cour de Cassation a cassé cet arrêt au visa des articles 414-1, 414-2, 3° du Code civil et vient confirmer sa jurisprudence en la matière en retenant :
« qu’en statuant ainsi, alors que le respect des dispositions relatives à la régularité des actes accomplis par une personne placée sous le régime de curatelle ne fait pas obstacle à l’action en nullité pour insanité d’esprit, la Cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter l’existence du trouble mental [du souscripteur ]au moment de la conclusion du contrat d’assurance sur la vie litigieux […] a violé les textes susvisés ».

La question qui se posait dans l’affaire commentée était de savoir si la circonstance que le changement de bénéficiaire ait été accompli avec l’assistance du curateur et donc dans le respect des règles afférentes au régime de curatelle faisait obstacle à l’action en nullité des héritiers.

La Cour d'Appel a davantage privilégié la forme sur le fond. L'acte était valable au regard des dispositions de l'article  l’article L132-4-1 du code des assurances imposant l'assistance du curateur mais il ne l'était pas automatiquement sur le plan de l'intégrité du consentement du majeur sous curatelle.

En clair, la Cour de Cassation a rappelé que quand bien même les conditions de forme étaient réunies et que le curateur avait bien apposé sa signature sur l'acte de changement de bénéficiaire, il était toujours possible de faire annuler cet acte en apportant la preuve de l'insanité d'esprit du majeur sous curatelle.

Le critère déterminant est l’existence ou non d’un état d’insanité d’esprit au moment de l’acte litigieux qui s’apprécie principalement au regard des éléments médicaux, la charge de la preuve incombant au demandeur en nullité. A titre d'exemple, une hospitalisation au moment de la signature d'un acte aussi important permet souvent d'apporter la preuve d'un consentement altéré du majeur protégé.

En conclusion, l’assistance du curateur est une condition nécessaire à la régularité d’un avenant au contrat d’assurance-vie mais elle n’est pas suffisante.

Cabinet T.R. AVOCAT
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