Droits de la Personne | Gestion des Mesures de Protections Juridiques - écrit par Cabinet d’avocats Marie-Hélène ISERN-REAL - dernière mise à jour le 06 juillet 2019

Le consentement de la personne vulnérable au regard des 70 ans de la déclaration universelle des droits humains

Le consentement est la source de la connaissance et de la reconnaissance de la volonté de la personne. Par définition, la personne vulnérable n’est pas apte à consentir et pourtant les aidants, qu’ils soient familiaux, médicaux, sociaux ou juridiques doivent respecter sa volonté et assurer sa sécurité. Devant ce paradoxe, que dit la loi sur la pratique de la détermination du consentement afin que soit respectée la volonté de la personne alors que son état de santé empêche l’expression de sa volonté ?

Quels sont les principes et comment peut-on les adapter concrètement dans des situations complexes ? Comment lui faire exprimer son consentement alors qu’elle est souffrante, dépendante, et de ce fait, souvent opposante ?

Le droit civil, le droit pénal apportent des réponses différentes. Mais le droit de la santé peut servir de référence.



LE DROIT CIVIL ET LES EXCEPTIONS EN PROTECTION DES MAJEURS


1) Les textes du droit commun :


Le droit commun s’applique à tous les citoyens.


Le code civil :


Article 414 : La majorité est fixée à 18 ans accomplis;  à cet âge, chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance. 

 La capacité totale liée à la majorité en âge, comporte des exceptions qui ne sont pas liées à la faculté de discernement, comme pour les enfants, mais à la double condition de l’article 425 : Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée, soit de e ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté, peut bénéficier d’une mesure de protection juridique. 

 La personne, même sous protection judiciaire, bénéficie de tous les droits dévolus à un citoyen majeur.
Ses droits ne sont diminués qu’en fonction de la loi, en vertu d’une décision de justice et dans les limites de cette décision. 

La France dispose d’un régime juridique de protection des personnes depuis son code civil de 1804.
Cependant, les progrès de la médecine ont permis l’évolution de ce régime de protection en mettant l’accent sur la protection de la personne en fonction de son état de santé. 

De ce fait, le droit médical s’impose au juge des tutelles mais aussi au juge de la détention et de la liberté en matière d’hospitalisation psychiatrique sans consentement.

La situation est en train d’évoluer. 
Selon le rapport mondial de l’OMS du 30 septembre 2015 sur vieillissement et santé, la législation s’oriente vers la prise en charge de la personne non plus en fonction de son état de santé, mais en fonction de ses besoins de façon globale : médicaux, sociaux, juridiques. (1)

Cette orientation implique un changement radical pour l’appréhension de la situation de la personne en état de dépendance. Selon le rapport de Madame CARON-DEGLISE du 21 septembre 2018, la personne à protéger ne devrait pas être définie exclusivement en fonction de sa pathologie, décrite par un seul médecin. (2)

Un ensemble de lois a permis d’évoluer en ce sens :
Loi du 2 janvier 2002 sur les établissements et les services de santé ;
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Loi du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des personnes, car il n’y a pas de différence en France entre la protection des personnes handicapées et celle des personnes âgées.
Loi du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement.

La France a signé toutes les conventions internationales, elle a donc l’obligation de les respecter et de les faire respecter.

Les conventions et déclarations internationales :

Cette évolution a marqué la volonté de la France de respecter les conventions qu’elle a signées et les déclarations universelles qui conduisent à l’organisation mondiale des Etats pour le respect de la dignité, de la liberté et la recherche de la meilleure autonomie de la personne, en conformité avec :

- la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont on fête ce 10 décembre 2018 le 70ème anniversaire ;
- la Convention  de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et leurs déclinaisons avec les protocoles additionnels ;
- la Convention relative aux droits de personnes handicapées ;
- la Convention de La Haye sur la protection internationale des adultes ;
- la recommandation du conseil de l’Europe aux Etats membres du 23 février 1999 ; 
- le traité de Lisbonne de 2007 qui valide la Charte des droits fondamentaux des citoyens.

Les articles 5, 6 & 7 de la CEDH :
- Le droit à la liberté et à la sûreté (on dirait maintenant la sécurité) ;
- Le droit au procès équitable :    un juge impartial ;
   une défense effective (témoins et défenseur) ;
                                                    un délai raisonnable ;

- Pas de peine sans loi et notamment le respect de la procédure en toute matière. La procédure est la gardienne du procès équitable, car il s’agit d’égalité qui consiste en ce que les parties disposent d’armes égales. Ce principe conduit à l’équité.  L’équité est différente de l’égalité. L’égalité est un principe, l’équité est son application.

L’article 8 de la CEDH :
- Le droit au respect de la vie privée et familiale ;
- Le droit au respect du domicile ;
- Le droit au respect des correspondances.

2)  L’exercice effectif des droits :

 Les chartes :
- Charte du patient hospitalisé ;
- Charte de la personne âgée ;
- Charte du majeur protégé selon le décret 2008-1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales.

Le droit sanitaire et social apprécie beaucoup les chartes. Cela le sécurise, comme les conditions générales de vente sécurisent le vendeur : "Signez-là et je serai garanti". Par exemple, le directeur de l’EHPAD est chargé de recevoir le consentement de la personne entrante dans son établissement, mais lui demande-t-on son consentement sur la manière dont le contrat sera exécuté ? Aura-t-elle l’application de la loi et a-t-elle son mot à dire pour le contrat de soin et de prise en charge ?

Les règlements :
Ils conduisent au respect formel de la loi. Beaucoup interprètent le respect des règlements comme supérieur à celui des chartes. Mais c’est un leurre, surtout pour le citoyen, car s’il n’y a aucun tribunal impartial pour faire respecter la loi ou, si le citoyen n’a pas accès à un tribunal, les chartes et les règlements deviennent finalement la source de grandes souffrances. Celles du professionnel qui a le sentiment de ne respecter ni la personne ni ses obligations professionnelles et évidemment celles de la personne qui est la grande perdante car les grands principes ne lui sont pas appliqués. 

Il faut rappeler les droits la personne prise en charge perd alors que la protection est censée l'aider à les faire respecter :
- La liberté, car elle est contraint par des règlements qu’on lui impose pour son bien ; 
- L’égalité, vain mot pour celui qui est dépendant d’autrui ; 
- La fraternité, si ses droits à la compensation ne lui sont pas consentis.

Il est important de se référer à cette devise de l’État français : liberté, égalité, fraternité,  car elle est le fondement de notre législation. Son respect est impératif en droit français.
Il n’y a pas d’exception pour le majeur protégé. 

 Toutes les exceptions sont règlementées, comme l’atteinte à l’intégrité du corps humain selon l’article 16 du code civil qui sert de référence au code de la santé publique qui lui-même contient le code de déontologie médicale. Il est aussi la référence de tous les textes applicables en droit social.

Il est très simple :
Article 16 La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.

Ainsi pour tous les professionnels, il suffit de respecter la personne plutôt que les règlements professionnels qui ne peuvent en aucun cas être contraires à ce texte.

Le juge est le garant du respect des droits fondamentaux, qu’il soit juge au tribunal de grande instance, du tribunal d’instance, comme le juge des tutelles, ou du tribunal administratif.

Pour la protection des majeurs le code civil n’énonce pas le contraire :

Article 428 : La mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, des droits et devoirs respectifs des époux et régimes matrimoniaux, par une autre mesure de protection moins contraignante et par un mandat de protection future.
La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles. 

Le juge a l’obligation, comme tous les citoyens, d’appliquer les principes généraux rappelés dans les articles 415 à 424 du code civil :

La protection vise la personne et les biens ;
Elle est instaurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et la dignité de la personne.
Elle a pour finalité son intérêt et favorise, autant que faire se peut, son autonomie.
Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique.
C’est parce que ces principes ne sont pas respectés, qu’il est prévu une nouvelle révision de la loi de 2007 sur la protection des majeurs.

Ces principes généraux s’appliquent aussi à tous les acteurs du secteur médical et social dans tous les domaines de leur intervention.

 Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent la surveillance des mesures de protection de leur ressort.
Ils peuvent faire visiter les personnes protégées et celles qui font l’objet d’une demande de protection, et donc de donner suite au signalement.
Les personnes chargées de la protection sont tenues de déférer à leur convocation à condition que le juge prenne la peine de les convoquer.
Le juge des tutelles peut prononcer contre eux des injonctions, les condamner à une amende civile, les dessaisir de leur mission en cas de manquement caractérisé, après les avoir entendues ou appelées. Les juges qui manquent de mandataires compétents préfèrent en changer plutôt que de sévir contre ceux qui abusent de leur pouvoir ou se révèlent incompétents.
Il peut demander au procureur de la République de solliciter leur radiation de la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

L’information de la personne : 
La loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoit que le mandataire peut s’appuyer sur toute personne compétente pour donner des informations à la personne protégée. 

L’article L. 471-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
Art. L. 471-6. – Afin de garantir l’exercice effectif des droits et libertés de la personne protégée, notamment de prévenir tout risque de maltraitance, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs remet personnellement à la personne protégée ou, dès lors que l’état de cette dernière ne lui permet pas d’en mesurer la portée, à un membre du conseil de famille s’il a été constitué ou, à défaut, à un parent, un allié ou une personne de son entourage dont il connaît l’existence, le cas échéant à la personne de confiance désignée au titre de l’article L. 311-5-1 :
1° Une notice d’information à laquelle est annexée une charte des droits de la personne protégée ;
2° Un document individuel de protection des majeurs qui vaut, le cas échéant, document individuel de prise en charge pour l’application du quatrième alinéa de l’article L. 311-4.
Ce document définit les objectifs et la nature de la mesure de protection, dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et, le cas échéant, du projet de service. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que le montant prévisionnel des prélèvements opérés sur les ressources de la personne protégée. Le contenu minimal de ce document est fixé par décret.
Une copie des documents mentionnés aux 1° et 2° du présent article est, dans tous les cas, adressée à la personne par tout moyen propre à en établir la date de réception.
2° L’article L. 471-8 est ainsi modifié :
a) Au 1°, la référence : « à l’article L. 471-6 » est remplacée par la référence : « au 1° de l’article L. 471-6 » ;
b) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Le document individuel de protection des majeurs prévu au 2° de l’article L. 471-6 est également remis à la personne.
Par la même décision, le juge ordonne qu’il soit donné connaissance de la procédure engagée au majeur selon des modalités appropriées à son état.Il est fait mention au dossier de l’exécution de cette décision.

Le code de procédure civile :

  1. a) La mesure de protection n’est pas un procès. Juridiquement, le juge n’est pas chargé de trancher un conflit dans le cadre d’une procédure contentieuse. Il est chargé, par une procédure, qualifiée, de façon évocatrice, de « gracieuse », de donner à la personne à protéger ou protégée,la meilleure protection possible dans son intérêt exclusif.
  2. b) La procédure est l’apanage des juges et de l’avocat. Il ne suffit pas d’avoir raison, il faut en convaincre le juge. Ce dernier a pour première mission de faire respecter les principes de la procédure et d’abord le principe du contradictoire. 

Les avocats ont appris au cours de leurs études à connaître et respecter les principes de la procédure. Ils ont l’obligation déontologique de respecter et faire respecter le principe exigeant que les demandes, tous les documents doivent pouvoir être discutés devant le juge et donc avoir été communiqués aux autres parties.

Les parties ont parfois du mal à comprendre cette nécessité. 

Art. 1220-3. – Le juge des tutelles ne peut statuer sur une requête concernant un majeur protégé et relative à la protection de sa personne qu’après avoir entendu ou appelé celui-ci sauf si l’audition est de nature à porter atteinte à la santé de l’intéressé ou si celui-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté.

Art. 1220-4. – Le juge procède à l’audition, s’il l’estime opportun, des personnes énumérées à l’article 430 du code civil. Cette audition est de droit lorsqu’elle est sollicitée par une personne demandant à exercer la mesure de protection.

Art. 1221. – Le juge peut, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’instruction. Il peut notamment faire procéder à une enquête sociale ou à des constatations par toute personne de son choix. 

Ainsi le juge sera en mesure de rendre une décision éclairée, sur des éléments précis, dont les données lui auront été précisément expliquées.

C’est pourquoi, le rapport du 21 septembre 2018 propose de supprimer les notions de tutelle et curatelle pour remplacer la saisine du juge par une requête faisant état des besoins précis d’aide et de représentation, afin que la mesure soit effectivement individualisée.

  1. b) L’audition de la personne est indispensable. Même si elle n’a pas la capacité d’exprimer son consentement. Il est déplorable que le juge n’ait pas toujours la possibilité de la rencontrer. Il est toujours intéressant de voir comment elle est entourée, comment on s’occupe d’elle, de la voir sur son lieu de vie.

Avant la mesure de protection, le juge délègue parfois cette mission à l’avocat afin de porte un regard neutre sur la situation. Il nomme parfois un mandataire spécial MJPM pour faire un rapport.

3) Les différentes protections de la personne à titre d’exception au droit commun :

La loi n’est pas destinée à protéger le professionnel, ni à lui donner des moyens qu’il ne peut avoir par ailleurs. Le médecin soigne et décrit l’état de santé quand on le lui demande, les travailleurs sociaux mettent en place les droits sociaux, les juges, assistés par les greffiers et les avocats prennent des décisions en application de la loi.

La loi prévoit que certains actes sont strictement personnels.  Ce ne sont pas seulement ceux ayant trait à la filiation, selon l’article 458 du code civil.

La plainte en justice est un acte strictement personnel. Il est inconcevable, dans ces procédures qui mettent en cause des relations familiale, de porter plainte contre un proche d’une personne sous tutelle sans lui demander son avis et sans lui avoir expliqué que la plainte est faite pour punir l’auteur d’une faute non pas seulement pour faire indemniser un préjudice ou faire cesser l’infraction.

L’article 459-2 : rappelle que la personne a le choix du lieu de résidence et de ses relations personnelles avec les tiers, parents ou non.
En cas de difficulté le juge ou le conseil de famille statue.

Il s’agit des droits fondamentaux. Notamment le choix du logement. 

Ces principes sont rappelés par l’arrêt ZEHENTNER contre l’Autriche de la Cour européenne des droits humains. La Cour fait de la protection de son logement un élément essentiel de la protection de la personne vulnérable, malgré la protection du titre de propriété d'un tiers qui a acquis légitimement. (3)
Mais aussi, elle lui donne accès direct aux juridictions, même contre l'avis de sa tutrice en l’occurrence.

En matière de logement, un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 8 février 2013 fait primer la volonté de la personne sur le principe de précaution. (4)

Un rappel rapide du contenu des mesures de protection permet d'en mesurer la portée du point de vue de la recherche du consentement de la personne.

La sauvegarde de justice :

Article 433 à 439 : En cas de besoin de protection temporaire ou représentation pour certains actes déterminésou pour la durée de l’instance.
La personne conserve l’exercice de ses droits, sauf nullité pour les actes confiés à un mandataire spécial.

En l’absence de mandat, les règles de la gestion d’affaire sont applicables. Les tiers sont tenus d’effectuer les actes conservatoires, dès qu’ils ont connaissance de l’urgence et de l’ouverture de la mesure.
Tout intéressé peut en donner avis au juge.

Ainsi, la seule obligation est celle du signalement et de faire la gestion d'un point de vue strictement conservatoire.

Le juge peut désigner un mandataire spécial à l’effet d’accomplir un ou plusieurs actes déterminés, y compris de disposition et notamment engager les actions en nullité.

Le mandataire doit rendre compte à la personne protégée et au juge dans les conditions des articles 510 à 515 sur la reddition et vérification des comptes.

Il peut recevoir mission de la protection de la personne.

La mesure ne peut dépasser un an sous peine de caducité, c’est-à-dire qu’elle tombe d’elle-même. Renouvelable une fois.

Art. 1252. – Lorsque les biens d’un majeur placé sous sauvegarde de justice risquent d’être mis en péril, le procureur de la République ou le juge des tutelles peuvent prendre toutes mesures conservatoires et, notamment, requérir ou ordonner l’apposition des scellés.
Les frais occasionnés par ces mesures sont assimilés aux frais de justice prévus au 3° de l’article R. 93 du code de procédure pénale.

La curatelle :

Article 440 : La personne, qui, sans être hors d’état d’agir elle-même a besoin, pour une des causes prévues à l’article 425, d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile  peut être placée en curatelle. La curatelle ne peut être prononcée que s’il est établi que la sauvegarde ne peut assurer une protection suffisante.

La curatelle reste une mesure de simple d’assistance pour les actes graves ou de disposition. 

En cas de curatelle renforcée, le curateur appréhende les ressources pour payer les charges, ce qui l’oblige cependant à élaborer le budget avec la personne en curatelle.

Le curateur doit participer à toute action en justice que ce soit en demande ou en défense. Il ne peut se substituer à la personne. Il pourra demander une autorisation supplétive si la personne compromet gravement ses intérêts ou  provoquer l’ouverture de la tutelle.

Le curatélaire conserve aussi le droit de solliciter une autorisation supplétive en cas de litige avec son curateur.

Ainsi, il faut rappeler inlassablement que la curatelle même renforcée n’est pas une tutelle. La personne sous curatelle doit prendre librement les décisions qui la concernent. Sa volonté est capable de s'exprimer, en conséquence son consentement doit être acquis.

La tutelle :

Article 440 alinéa 3 : La tutelle peut être prononcée si la personne doit être représentée d’une manière continue pour les actes de la vie civile. Elle ne peut être prononcée que si la sauvegarde et la curatelle ne peuvent suffire. 

L’interdiction du droit de vote n’est plus automatique. Le juge doit le prévoir expressément sur avis médical spécialement motivé.Aucun droit ne peut être retiré, seul l'exercice des droits doit être accompagné.

 Le juge peut énumérer les actes que la personne peut accomplir seule ou avec une simple assistance de son tuteur. Ainsi la tutelle peut être aménagée. Qui pense à le demander ? Quel juge ose sortir de la routine et surtout ose prendre un risque ?

La personne est représentée en justice. Mais pour l’exercice des actions extrapatrimoniales, le tuteur doit avoir reçu autorisation ou injonction du juge ou du conseil de famille. De même pour  le désistement ou la transaction.

 

LA PROTECTION DES PERSONNES DANS LE CODE PENAL


1) La protection de l’intégrité physique

 L'obligation du signalement est un impératif absolu.

223-1 du code pénal : Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence est puni d’un an de prison et 15 000 euros d’amende.  
223-6 : Quiconque pouvant empêcher, par son action immédiate, sans risque pour lui ou les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire, est puni de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Même peine pour tout le défaut d’apporter assistance ou provoquer un secours.
Mais aussi 434-1 : Le fait pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administrative, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Et 434-3 : Le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligées à (une personne vulnérable…) de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni (de la même peine). 

2)  L’exception au secret professionnel :

 A tel point que, selon le code pénal, les professionnels non seulement sont exemptés du respect du secret professionnel, mais en outre sont protégés en cas de signalement.

Les travailleurs sociaux ont l’obligation de répondre à la police. Seulement par écrit, et dans le seul but de remettre des documents. 

Article 226-14 - Modifié par LOI n°2015-1402 du 5 novembre 2015 - art. 1

L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :

1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;

2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être, mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ;

3° Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi.

3) L’obligation de signalement :

Le silence fait le lit de la maltraitance et maintient la victime d’une « influence préjudiciable » en situation d’abus de faiblesse. 

Le législateur organise des cellules de signalement de la maltraitance dans un objectif de prévention. Les professionnels doivent y collaborer. 

Dans notre domaine de personnes vulnérables, enfermées dans leur handicap, dans les déficiences liées à l’âge, souffrant de l’emprise d’un prédateur économique, il y a lieu de considérer que ne pas faire un signalement constitue un délit de non-assistance à personne en danger.

Notre déontologie nous demande de recevoir le consentement de la victime. Nous devons la convaincre de se défendre et se protéger. Il est aussi tout à fait possible de faire intervenir un tiers qui agira.

Le secret professionnel est destiné à protéger le secret du client et non celui de l’avocat ou du médecin. 

Ainsi le secret professionnel cède devant la non-assistance à personne en danger.

4) La protection du patrimoine :

Le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance peuvent être invoqués au profit de toute personne. 

Mais la loi du 28 décembre 2015 a prévu deux exceptions à l’immunité familiale qui interdisaient toute poursuite lorsqu’il y avait lien de parenté proche : conjoint, ascendant, descendant :

Le dernier alinéa de l’article 311-12 du code pénal est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés : 
Le présent article n’est pas applicable : 
a) Lorsque le vol porte sur des objets ou des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d’identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d’un étranger, ou des moyens de paiement ; 
b) Lorsque l’auteur des faits est le tuteur, le curateur, le mandataire spécial désigné dans le cadre d’une sauvegarde de justice, la personne habilitée dans le cadre d’une habilitation familiale ou le mandataire exécutant un mandat de protection future de la victime.

L’abus de faiblesse : Ce texte est très puissant, mais d’un usage difficile.

Article 223-15-2 du Code pénal :  Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont laparticulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Il n’y a pas de définition objective de la faiblesse en dehors de l’état de grossesse et de la minorité. Elle doit être qualifiée par une expertise médicale.

Pour les personnes dépendantes, les médecins se cantonnent à l’analyse des compétences cognitives comme dans la maladie d’Alzheimer, car ils disposent de tests objectifs qui permettent de déterminer le degré de mémoire, antérieure et actuelle, de capacité à écrire, compter, de compréhension, de vigilance, etc.

En revanche il est plus difficile de mesurer la dépendance affective qui en découle et de mesurer si le proche exerce une influence bienveillante ou malveillante. Ils ne se focalisent pas assez sur l’influence indue : isolement, chantage affectif, procédés de suggestion comme dans les sectes. Le rapport d’Alain KOSKAS, en collaboration avec le Défenseur des droits, la MIVILUDE, commandé par la Ministre des affaires sociale et des solidarités, La maltraitance financière, un fléau silencieux, illustre cette difficulté. Il est difficile de faire émerger la maltraitance, et donc encore plus de la prévenir. (5)

On se heurte aussi au refus de la personne de reconnaître son état de faiblesse et d’avouer qu’elle a été abusée. Elle a des liens affectifs avec son abuseur et ne veut pas lui nuire. Comment mesurer l’état de dépendance de la vieille dame amoureuse de son prédateur ? Quel degré de liberté doit-on lui laisser ? Est-il possible de perturber un lien fort qui n’est pas totalement négatif ?

La demande de nullité des actes auprès du juge civil est plus efficace, car les critères sont mieux définis.

La protection en droit de la consommation :

 Il s’agit de la nullité des contrats en matière de démarchage à domicile lorsque la démarche prend appui sur un abus de vulnérabilité.
Prendre de l’argent avant la fin du délai de rétractation de sept jours... revenir au domicile pour faire retirer la rétractation, etc.

Dans ce cas la victime accepte plus facilement de porter plainte ou de solliciter la nullité des contrats.
Le code de la consommation punit pénalement l’abus de démarchage à domicile. 
Dans ces cas, les banquiers ont le devoir d’accepter l’opposition à un chèque et de bloquer l’argent. 

La cyber protection a encore bien du chemin pour être effective. 

En conclusion sur la protection de la personne en droit pénal.

Avocat et présence du protecteur sont obligatoires en cas de poursuites pénales, aussi bien pour l’auteur que pour la victime et dès le début de la garde à vue.

Articles 706-112 à 706-118 CODE DE PROCEDURE PENALE
Au cours de l’instruction, au cours de la phase de jugement, le procureur de la République doit veiller d’une part à ce que le majeur protégé soit assisté de son mandataire qui devient partie à la procédure et a accès au dossier comme la personne elle-même, en présence obligatoire d’un avocat qui peut le représenter.
Sauf si son état psychique est suffisamment connu par ailleurs, il  doit être expertisé pour que sa responsabilité pénale soit clairement définie et analysée.
  Ce texte est consécutif à l’arrêt VAUDELLE contre France de la CEDH du 30 janvier 2001.(6) 

La Cour considère qu’en raison du régime de protection qui constate son incapacité à se défendre seul, le majeur protégé a droit à des garanties particulières.

La représentation par avocat est d’ailleurs obligatoire pour toute personne poursuivie (Arrêt VAN PELT contre France de la CEDH -23 mai 2000 et Arrêt DENTICO de l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation - 2 mars 2OO1) qui ont entraîné la modification des articles  410 & 411 du code de procédure pénale. 

Attention : pour l’instant il n’y a pas de définition précise du secret professionnel du MJPM.
Il est convoqué à la procédure pénale comme témoin  prêtant serment. (7)


LE CONSENTEMENT ET LA NÉCÉSSAIRE PROTECTION 


Le doyen CARBONNIER, rédacteur de la loi de 1968 sur la protection des majeurs, constate dans son précis de droit civil (Edition 2000) : “Depuis 50 ans, ce droit civil n’a pas cessé d’être concurrencé, envahi, par des réglementations et pratiques de  droit social et sanitaire. On se demandera si celles-ci ne finiront pas par constituer le véritable droit commun des incapacités.”

Il prédit ainsi la disparition du droit civil des incapacités, dans l’esprit de la Convention européenne des droits de l’homme. En réalité, on voit émerger un droit dit « social » exprimant, non pas un corps de règles de droit autonomes, mais des droits alloués aux personnes en vue d’une assistance qui s’inscrit dans une nouvelle organisation juridique. La finalité est différente, si bien que la coordination entre les règles traditionnelles issues du code civil et celles, plus récentes, du droit de la protection sociale, sont parfois difficilement compatibles.

Il est d’autant plus nécessaire de connaître ces règles car elles devraient servir en matière de responsabilité professionnelles en général.

C’est l’exigence de respecter les personnes plutôt que les règlements particuliers. Le droit de la santé et le code de déontologie médicale sont une référence en la matière qu’il faut connaître.

« L’obligation du médecin d’informer son patient avant de porter atteinte à son corps est fondée sur la sauvegarde de la dignité humaine ; Le médecin qui manque à cette obligation fondamentale cause nécessairement un préjudice à son patient, fût-il uniquement moral, que le juge ne peut laisser sans indemnisation ».

Cette forte appréciation porte autant sur le consentement aux soins, le refus de soins, le non- respect de préconisations médicales que sur toutes les protections de nature juridique ou sociale.

Que nous enseigne le droit de la santé ?


DROITS DES MALADES

  1. Consentement aux soins et dialogue avec le praticien

Les droits généraux :
Le droit à la santé est un droit fondamental. Le médecin doit préserver la dignité des malades. 
L’État doit garantir les soins appropriés, efficaces, ne présentant pas un risque disproportionnés par rapport au bénéfice escompté, ceci sur tout le territoire.
La fin de vie doit être digne, sans souffrance.
L’obstination déraisonnable est interdite, les soins palliatifs sont obligatoires et les proches doivent être accompagnés.
Ces droits sont garantis et s’ils ne sont pas respectés, la responsabilité du praticien est engagée, y compris pénale.

  1. Le droit à l’informationest absolu : les conséquences exceptionnelles et celles normalement prévisibles, sauf si la personne ne veut pas connaître le diagnostic.

Il doit informer sur le coût et la prise en charge.

  1. Le consentement 

Savoir c’est pouvoir.
La personne décide avec le médecin.
Elle a droit aussi de refuser les soins, mais le médecin doit tout faire pour la convaincre. Il doit collaborer avec le médecin référent.

S’il y a  impossibilité à consentir, la personne de confiance intervient ou la famille ou un proche.

Le consentement du majeur sous tutelle doit être recherché dans tous les cas.

Si le tuteur refuse l’autorisation et si le refus a des conséquences graves pour la santé le médecin délivre les soins indispensables.

Le juge des tutelles peut autoriser la désignation d’une personne de confiance.Si elle a été désignée antérieurement, il peut la confirmer ou la révoquer.

La personne et ses proches doivent être formés aux soins quotidiens médicaux et infirmiers.

  1. L’accès au dossier médical

 - De son vivant la personne a libre copie de son dossier, directement ou par son médecin traitant ;
- Son tuteur a accès aux informations dans les mêmes conditions.
Je ne suis pas d’accord. Si on lit bien l’article 459 du code civil, le tuteur n’intervient que si la personne n’est pas apte à prendre une décision éclairée. Les médecins demandent une décision administrative car ils pensent à tort qu’elle couvrira leur responsabilité en cas d’accident médical.
Les juges des tutelles exigent du tuteur qu'il veille à ce que la personne ait bien compris et a bien donné un consentement éclairé. 

Le principe est une  assistance. La tutelle à la personne n’a pas pour objectif de donner des autorisations sans l’accord de la personne.

Le représentant ne peut, sans l’accord du juge des tutelles, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée, ou à l’intimité de sa vie privée

Ce terme d'atteinte à la vie privée est très large et est susceptible de sanctionner toute action qui n'aurait pas recueilli le consentement de la personne.

En revanche, elle doit prendre toute mesure si la personne se met en danger et doit en informer le juge.

Ainsi, en coordination avec le code civil, le droit commun de la santé s’impose à toute personne y compris sous curatelle. SON CONSENTEMENT DOIT ETRE RECHERCHE DANS TOUS LES CAS.

- Après le décès : 
Depuis la loi du 4 mars 2002, l’article L1110-4 du Code de la santé publique permet aux ayants droit d’accéder directement au dossier médical, à condition que le défunt ne s’y soit pas opposé expressément de son vivant et pour trois motifs clairement énumérés:
- connaître la cause du décès,
- défendre la mémoire du défunt,
- ou faire valoir leurs droits.

La loi ne donne aucune définition de la notion d’ayant-droit. En revanche, c’est la loi qui octroie des droits à certaines personnes par rapport à leur auteur.
La question est donc de savoir de quelle manière la notion doit  être définie : doit- elle être rapprochée de la notion d’héritier ou de la notion de famille proche ? 

Ont ainsi la qualité d’ayant droit sous certaines conditions:
- le conjoint survivant,
- les enfants légitimes, naturels ou adoptés, 
- les ascendants. 

La notion d’entourage dans le code de déontologie médicale est très floue. Il s’agit de la personne qui se trouve au domicile du malade lorsque le médecin vient le visiter et l’accompagne dans ses soins.
Selon l’article 34 du code de déontologie médicale: “le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution”. Ainsi l’entourage du patient est mis à contribution mais exclusivement dans le but d’assurer la bonne exécution du traitement.

L’entourage du patient est aussi pris en compte par l’article 38: “Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage.” 

 Le médecin doit se contenter des apparences et prendre soin de l’entourage au moment du décès, sans se préoccuper de savoir quels sont les droits de ce dernier par rapport au malade.

Cette ambiguïté n’aide pas les médecins à respecter les règles que la loi leur impose en droit civil pour le respect de la personne et sa dignité.

Une solution existe en procédure :

Dès 1986 (1ère chambre civile 18 mars 1986) la Cour de cassation, si les certificats se révélaient insuffisants pour apporter la preuve des droits, renvoyait à l’expertise médicale la possibilité de faire examiner le contenu du dossier. 

Pour obtenir judiciairement une expertise médicale, c’est assez facile, il suffit de montrer qu’il y a un litige sur l’acte médical. Il n’y a pas lieu de démontrer la faute. Un simple certificat médical décrivant le traumatisme suffit.

Il est constamment rappelé que l’expert médical, de par le code de  procédure civile (article 244 dispositions communes à tous les techniciens) et le code de déontologie (article 108: “Dans la rédaction de son rapport, le médecin ne doit révéler que les éléments de nature à apporter une réponse aux questions posées.”) reste tenu au secret médical et ne doit pas révéler ce qui n’est pas nécessaire pour répondre aux questions du juge.  

La définition du "proche aidant" est tout aussi complexe. Il est évident qu'il est nécessaire de se conformer à ce qui se passe. Mais qu'en est-il lorsque le professionnel constate que l'aidant n'est pas bienveillant ?

Il a une obligation de signalement.

5- La protection du lanceur d'alerte

L'article 226-14 du code pénal protège le lanceur d'alerte qui remplit son obligation de citoyen.

Son risque d'être poursuivi pour diffamation est faible compte tenu du court délai de prescription prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

De même l'article 226-16 du code pénal ne sanctionne la dénonciation calomnieuse si la dénonciation est faite de mauvaise foi et sur des faits que le dénonciateur sait erronés. 

En revanche, le risque professionnel est considérable et la loi a prévu des protections supplémentaires.

La circulaire du 30 avril 2002, protège spécifiquement les professionnels du secteur sanitaire et social. 

Article 313-24 du code de l'action sociale et des familles : dans les établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1, le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire. 
En cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande. 
Ces dispositions sont applicables aux salariés de l'accueillant familial visé à l'article L. 441-1.

La loi Blandin du 16 avril 2013 renforce cette protection par la création d'une commission nationale de déontologie et d'alerte  en matière de santé publique et d'environnement. 

Elle est chargée de recueillir les alertes et d'en tenir registre. Madame Marie-Christine BLANDIN en a été nommée présidente en avril 2017. C'est tout ce que l'on peut en savoir pour l'instant. (8)

La loi dite Sapin 2 du 6 décembre 2013 aura-t-elle plus d'efficacité ?

Elle introduit un article L1132-3-3 du code du travail dont l'alinéa 3 prévoit :
En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Ce texte est important, car c'est à l'employeur de faire la preuve de ce que les données signalées sont fausses.

Ce texte prévoit aussi tout un processus destiné à préserver l'anonymat du lanceur d'alerte.

 

EN CONCLUSION

Le droit civil est très ambigu par rapport au droit médical, mais il doit s’en servir comme modèle sur la recherche du consentement qui ne peut être valide que s’il y a une information réelle et compréhensible.

Pour cela il faut prendre le temps, écouter, comprendre, deviner, connaître l’histoire de la personne, son passé, comme le révèle le film l’Eveil (1990) avec Robert de Niro et Robin Williams. Des personnes, atteintes d’une encéphalite léthargique qui leur a fait perdre tout moyen de communiquer, peuvent de nouveau s’exprimer suite à l’essai d’un nouveau traitement. Elles racontent leur souffrance devant les maladresses des soignants, pourtant bienveillants, mais qui ne tiennent pas compte de leur personnalité, de leurs besoins quotidiens, face à des soins stéréotypés.
Les soignants, lorsque les personnes perdent de nouveau leurs moyens d’expression suite à l’échec du traitement, abandonnent la simple idée du soin pour se préoccuper des attentes qu’ils ont exprimées en fonction de leur personnalité. 

Au-delà de ce cas extrême mais significatif, c’est ainsi qu’il faut multiplier les regards sur la prise en charge : la personne, si on lui fait confiance, les proches, les soignants sont les meilleurs agents de l’aide bienveillante afin d’assurer le respect de la dignité et de la liberté de la personne dépendante. 

Ces regards différenciés permettent d’éviter les décisions stéréotypées, plus proches du respect des règlements que des personnes permettent de tenir compte de leur volonté. Chacun peut collaborer à l’expression de son consentement, ou même à la simple recherche de son consentement.

Il est possible de donner de la souplesse au traitement juridique de la dépendance :

- Nommer un curateur à la personne, indépendant du tuteur aux biens quand il est hospitalier ;
- Organiser des consultations ouvertes dans les établissements. L’existence de maisons de justice et du droit ne suffit pas. Une antenne où la personne doit se déplacer ne suffit pas, pas plus que des consultations téléphoniques ;
- Les centres d’écoute bénévole comme le 3977, pour les personnes âgées et les personnes atteintes de handicap y compris de troubles psychiatriques ;
- Le recours aux professionnels du droit. Les magistrats et avocats, comme les médecins ont souvent Bac plus 8 ou double cursus, une formation longue qui leur donne une base de connaissances dans leur domaine très solide à laquelle s’ajoute rapidement l’expérience des situations. Pour le respect des procédures, ils sont la seule référence.
- Le recours à la médiation par des médiateurs spécialement formés. (9)
- La collaboration est nécessaire.

 Le certificat médical est indispensable pour mesurer le degré de dépendance, à condition qu’il soit réellement et précisément descriptif. 

Pour suivre la logique de la requête indifférenciée, le médecin devrait devenir un véritable expert. À la demande du juge saisi de questions précises, il serait chargé de décrire, de manière précise et enfin circonstanciée, le degré de possibilité pour la personne d’effectuer seule, assistée ou représentée, tel ou tel acte pour lequel sa protection est demandée.

Ainsi le juge ne serait pas dépendant d’un avis médical peu individualisé.

Le dossier social est très éclairant. Pour éviter la charge des redondances, le rapport du 21 septembre 2018 préconise qu’il soit confié au juge des tutelles pour l’harmonisation des prises en charge.

Ainsi, la protection judiciaire pourrait tenir compte ou voire même corriger la prise en charge sociale qui parfois est excessive ou inadaptée, selon les conclusions de la Conf’ Cap 2017 sur les abus de protection médicale ou juridique.

C’est ainsi que sera garanti le droit de toute personne à donner son consentement à toute protection destinée à garantir l’exercice de ses droits fondamentaux.



NOTES 
1- Rapport sur le vieillissement et la santé, OMS publié en 2016 
https://www.who.int/ageing/publications/world-report-2015/fr/

2- Rapport de Madame Anne CARON-DEGLISE du 21 septembre 2018 
http://www.justice.gouv.fr/la-garde-des-sceaux-10016/rapport-sur-levolution-de-la-protection-juridique-des-personnes-31802.html

3- Affaire ZEHENTNER C/ Autriche CEDH (Requête N° 20082/02 du 16 juillet 2009) 
https://www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/CHAMBER/2009/CEDH001-93595

4- Arrêt CA DOUAI 8 février 2013 
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027080726

5-  Rapport La maltraitance financière, un fléau silencieux
http://www.le3977.info/rapport-maltraitances-financieres-egard-personnes-agees/

6- CEDH, 5 septembre 2001, requête n°35683/97, VAUDELLE C/ France  

7- Intervention Marie-Hélène ISERN-REAL – La justice du 21e siècle – 10-11 janvier 2014 Atelier 3 p. 305

8- LA COMMISSIONS NATIONALE DE LA DÉONTOLOGIE ET DES ALERTES EN MATIÈRE DE SANTÉ PUBLIQUE ET D'ENVIRONNEMENT 
https://www.bnds.fr/dictionnaire/cndase.html

9- Le CENTRE NATIONAL DE MÉDIATION DES AVOCATS 
https://cnma.avocat.fr/

BIBLIOGRAPHIE

Protection de la personne vulnérable - Nathalie PETERKA – Anne CARON-DEGLISE – Edition DALLOZ REFERENCE 2018 – 2019

Le GUIDE DU HANDICAP - ESF éditeur 

L'AVOCAT PROTECTEUR Rapport de la Sous-commission Les protections des personnes vulnérables LexBase hebdo N° 143 Mercredi 6 février 2013 Edition professions N ° 5669BT7

L'ACTIVITÉ DE L'AVOCAT DU MAJEUR SOUS MESURE DE PROTECITON JURIDIQUE ET DU MAJEUR VULNÉRABLE - GUIDE PRATIQUE
http://www.avocatparis.org/system/files/publications/mhisernreal-vade_mecum_final_avocat_protection_majeurs.pdf

LE DROIT DU MAJEUR À UN AVOCAT PERSONNEL
www.aidonslesnotres.fr/le-juridique-et-le-financier/article?url...

Le consentement est la source de la connaissance et de la reconnaissance de la volonté de la personne. Par définition, la personne vulnérable n’est pas apte à consentir et pourtant les aidants, qu’ils soient familiaux, médicaux, sociaux ou juridiques doivent respecter sa volonté et assurer sa sécurité. Devant ce paradoxe, que dit la loi sur la pratique de la détermination du consentement afin que soit respectée la volonté de la personne alors que son état de santé empêche l’expression de sa volonté ?

Quels sont les principes et comment peut-on les adapter concrètement dans des situations complexes ? Comment lui faire exprimer son consentement alors qu’elle est souffrante, dépendante, et de ce fait, souvent opposante ?

Le droit civil, le droit pénal apportent des réponses différentes. Mais le droit de la santé peut servir de référence.



LE DROIT CIVIL ET LES EXCEPTIONS EN PROTECTION DES MAJEURS


1) Les textes du droit commun :


Le droit commun s’applique à tous les citoyens.


Le code civil :


Article 414 : La majorité est fixée à 18 ans accomplis;  à cet âge, chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance. 

 La capacité totale liée à la majorité en âge, comporte des exceptions qui ne sont pas liées à la faculté de discernement, comme pour les enfants, mais à la double condition de l’article 425 : Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée, soit de e ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté, peut bénéficier d’une mesure de protection juridique. 

 La personne, même sous protection judiciaire, bénéficie de tous les droits dévolus à un citoyen majeur.
Ses droits ne sont diminués qu’en fonction de la loi, en vertu d’une décision de justice et dans les limites de cette décision. 

La France dispose d’un régime juridique de protection des personnes depuis son code civil de 1804.
Cependant, les progrès de la médecine ont permis l’évolution de ce régime de protection en mettant l’accent sur la protection de la personne en fonction de son état de santé. 

De ce fait, le droit médical s’impose au juge des tutelles mais aussi au juge de la détention et de la liberté en matière d’hospitalisation psychiatrique sans consentement.

La situation est en train d’évoluer. 
Selon le rapport mondial de l’OMS du 30 septembre 2015 sur vieillissement et santé, la législation s’oriente vers la prise en charge de la personne non plus en fonction de son état de santé, mais en fonction de ses besoins de façon globale : médicaux, sociaux, juridiques. (1)

Cette orientation implique un changement radical pour l’appréhension de la situation de la personne en état de dépendance. Selon le rapport de Madame CARON-DEGLISE du 21 septembre 2018, la personne à protéger ne devrait pas être définie exclusivement en fonction de sa pathologie, décrite par un seul médecin. (2)

Un ensemble de lois a permis d’évoluer en ce sens :
Loi du 2 janvier 2002 sur les établissements et les services de santé ;
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Loi du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des personnes, car il n’y a pas de différence en France entre la protection des personnes handicapées et celle des personnes âgées.
Loi du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement.

La France a signé toutes les conventions internationales, elle a donc l’obligation de les respecter et de les faire respecter.

Les conventions et déclarations internationales :

Cette évolution a marqué la volonté de la France de respecter les conventions qu’elle a signées et les déclarations universelles qui conduisent à l’organisation mondiale des Etats pour le respect de la dignité, de la liberté et la recherche de la meilleure autonomie de la personne, en conformité avec :

- la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont on fête ce 10 décembre 2018 le 70ème anniversaire ;
- la Convention  de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et leurs déclinaisons avec les protocoles additionnels ;
- la Convention relative aux droits de personnes handicapées ;
- la Convention de La Haye sur la protection internationale des adultes ;
- la recommandation du conseil de l’Europe aux Etats membres du 23 février 1999 ; 
- le traité de Lisbonne de 2007 qui valide la Charte des droits fondamentaux des citoyens.

Les articles 5, 6 & 7 de la CEDH :
- Le droit à la liberté et à la sûreté (on dirait maintenant la sécurité) ;
- Le droit au procès équitable :    un juge impartial ;
   une défense effective (témoins et défenseur) ;
                                                    un délai raisonnable ;

- Pas de peine sans loi et notamment le respect de la procédure en toute matière. La procédure est la gardienne du procès équitable, car il s’agit d’égalité qui consiste en ce que les parties disposent d’armes égales. Ce principe conduit à l’équité.  L’équité est différente de l’égalité. L’égalité est un principe, l’équité est son application.

L’article 8 de la CEDH :
- Le droit au respect de la vie privée et familiale ;
- Le droit au respect du domicile ;
- Le droit au respect des correspondances.

2)  L’exercice effectif des droits :

 Les chartes :
- Charte du patient hospitalisé ;
- Charte de la personne âgée ;
- Charte du majeur protégé selon le décret 2008-1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales.

Le droit sanitaire et social apprécie beaucoup les chartes. Cela le sécurise, comme les conditions générales de vente sécurisent le vendeur : "Signez-là et je serai garanti". Par exemple, le directeur de l’EHPAD est chargé de recevoir le consentement de la personne entrante dans son établissement, mais lui demande-t-on son consentement sur la manière dont le contrat sera exécuté ? Aura-t-elle l’application de la loi et a-t-elle son mot à dire pour le contrat de soin et de prise en charge ?

Les règlements :
Ils conduisent au respect formel de la loi. Beaucoup interprètent le respect des règlements comme supérieur à celui des chartes. Mais c’est un leurre, surtout pour le citoyen, car s’il n’y a aucun tribunal impartial pour faire respecter la loi ou, si le citoyen n’a pas accès à un tribunal, les chartes et les règlements deviennent finalement la source de grandes souffrances. Celles du professionnel qui a le sentiment de ne respecter ni la personne ni ses obligations professionnelles et évidemment celles de la personne qui est la grande perdante car les grands principes ne lui sont pas appliqués. 

Il faut rappeler les droits la personne prise en charge perd alors que la protection est censée l'aider à les faire respecter :
- La liberté, car elle est contraint par des règlements qu’on lui impose pour son bien ; 
- L’égalité, vain mot pour celui qui est dépendant d’autrui ; 
- La fraternité, si ses droits à la compensation ne lui sont pas consentis.

Il est important de se référer à cette devise de l’État français : liberté, égalité, fraternité,  car elle est le fondement de notre législation. Son respect est impératif en droit français.
Il n’y a pas d’exception pour le majeur protégé. 

 Toutes les exceptions sont règlementées, comme l’atteinte à l’intégrité du corps humain selon l’article 16 du code civil qui sert de référence au code de la santé publique qui lui-même contient le code de déontologie médicale. Il est aussi la référence de tous les textes applicables en droit social.

Il est très simple :
Article 16 La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.

Ainsi pour tous les professionnels, il suffit de respecter la personne plutôt que les règlements professionnels qui ne peuvent en aucun cas être contraires à ce texte.

Le juge est le garant du respect des droits fondamentaux, qu’il soit juge au tribunal de grande instance, du tribunal d’instance, comme le juge des tutelles, ou du tribunal administratif.

Pour la protection des majeurs le code civil n’énonce pas le contraire :

Article 428 : La mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, des droits et devoirs respectifs des époux et régimes matrimoniaux, par une autre mesure de protection moins contraignante et par un mandat de protection future.
La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles. 

Le juge a l’obligation, comme tous les citoyens, d’appliquer les principes généraux rappelés dans les articles 415 à 424 du code civil :

La protection vise la personne et les biens ;
Elle est instaurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et la dignité de la personne.
Elle a pour finalité son intérêt et favorise, autant que faire se peut, son autonomie.
Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique.
C’est parce que ces principes ne sont pas respectés, qu’il est prévu une nouvelle révision de la loi de 2007 sur la protection des majeurs.

Ces principes généraux s’appliquent aussi à tous les acteurs du secteur médical et social dans tous les domaines de leur intervention.

 Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent la surveillance des mesures de protection de leur ressort.
Ils peuvent faire visiter les personnes protégées et celles qui font l’objet d’une demande de protection, et donc de donner suite au signalement.
Les personnes chargées de la protection sont tenues de déférer à leur convocation à condition que le juge prenne la peine de les convoquer.
Le juge des tutelles peut prononcer contre eux des injonctions, les condamner à une amende civile, les dessaisir de leur mission en cas de manquement caractérisé, après les avoir entendues ou appelées. Les juges qui manquent de mandataires compétents préfèrent en changer plutôt que de sévir contre ceux qui abusent de leur pouvoir ou se révèlent incompétents.
Il peut demander au procureur de la République de solliciter leur radiation de la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

L’information de la personne : 
La loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoit que le mandataire peut s’appuyer sur toute personne compétente pour donner des informations à la personne protégée. 

L’article L. 471-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
Art. L. 471-6. – Afin de garantir l’exercice effectif des droits et libertés de la personne protégée, notamment de prévenir tout risque de maltraitance, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs remet personnellement à la personne protégée ou, dès lors que l’état de cette dernière ne lui permet pas d’en mesurer la portée, à un membre du conseil de famille s’il a été constitué ou, à défaut, à un parent, un allié ou une personne de son entourage dont il connaît l’existence, le cas échéant à la personne de confiance désignée au titre de l’article L. 311-5-1 :
1° Une notice d’information à laquelle est annexée une charte des droits de la personne protégée ;
2° Un document individuel de protection des majeurs qui vaut, le cas échéant, document individuel de prise en charge pour l’application du quatrième alinéa de l’article L. 311-4.
Ce document définit les objectifs et la nature de la mesure de protection, dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et, le cas échéant, du projet de service. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que le montant prévisionnel des prélèvements opérés sur les ressources de la personne protégée. Le contenu minimal de ce document est fixé par décret.
Une copie des documents mentionnés aux 1° et 2° du présent article est, dans tous les cas, adressée à la personne par tout moyen propre à en établir la date de réception.
2° L’article L. 471-8 est ainsi modifié :
a) Au 1°, la référence : « à l’article L. 471-6 » est remplacée par la référence : « au 1° de l’article L. 471-6 » ;
b) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Le document individuel de protection des majeurs prévu au 2° de l’article L. 471-6 est également remis à la personne.
Par la même décision, le juge ordonne qu’il soit donné connaissance de la procédure engagée au majeur selon des modalités appropriées à son état.Il est fait mention au dossier de l’exécution de cette décision.

Le code de procédure civile :

  1. a) La mesure de protection n’est pas un procès. Juridiquement, le juge n’est pas chargé de trancher un conflit dans le cadre d’une procédure contentieuse. Il est chargé, par une procédure, qualifiée, de façon évocatrice, de « gracieuse », de donner à la personne à protéger ou protégée,la meilleure protection possible dans son intérêt exclusif.
  2. b) La procédure est l’apanage des juges et de l’avocat. Il ne suffit pas d’avoir raison, il faut en convaincre le juge. Ce dernier a pour première mission de faire respecter les principes de la procédure et d’abord le principe du contradictoire. 

Les avocats ont appris au cours de leurs études à connaître et respecter les principes de la procédure. Ils ont l’obligation déontologique de respecter et faire respecter le principe exigeant que les demandes, tous les documents doivent pouvoir être discutés devant le juge et donc avoir été communiqués aux autres parties.

Les parties ont parfois du mal à comprendre cette nécessité. 

Art. 1220-3. – Le juge des tutelles ne peut statuer sur une requête concernant un majeur protégé et relative à la protection de sa personne qu’après avoir entendu ou appelé celui-ci sauf si l’audition est de nature à porter atteinte à la santé de l’intéressé ou si celui-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté.

Art. 1220-4. – Le juge procède à l’audition, s’il l’estime opportun, des personnes énumérées à l’article 430 du code civil. Cette audition est de droit lorsqu’elle est sollicitée par une personne demandant à exercer la mesure de protection.

Art. 1221. – Le juge peut, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’instruction. Il peut notamment faire procéder à une enquête sociale ou à des constatations par toute personne de son choix. 

Ainsi le juge sera en mesure de rendre une décision éclairée, sur des éléments précis, dont les données lui auront été précisément expliquées.

C’est pourquoi, le rapport du 21 septembre 2018 propose de supprimer les notions de tutelle et curatelle pour remplacer la saisine du juge par une requête faisant état des besoins précis d’aide et de représentation, afin que la mesure soit effectivement individualisée.

  1. b) L’audition de la personne est indispensable. Même si elle n’a pas la capacité d’exprimer son consentement. Il est déplorable que le juge n’ait pas toujours la possibilité de la rencontrer. Il est toujours intéressant de voir comment elle est entourée, comment on s’occupe d’elle, de la voir sur son lieu de vie.

Avant la mesure de protection, le juge délègue parfois cette mission à l’avocat afin de porte un regard neutre sur la situation. Il nomme parfois un mandataire spécial MJPM pour faire un rapport.

3) Les différentes protections de la personne à titre d’exception au droit commun :

La loi n’est pas destinée à protéger le professionnel, ni à lui donner des moyens qu’il ne peut avoir par ailleurs. Le médecin soigne et décrit l’état de santé quand on le lui demande, les travailleurs sociaux mettent en place les droits sociaux, les juges, assistés par les greffiers et les avocats prennent des décisions en application de la loi.

La loi prévoit que certains actes sont strictement personnels.  Ce ne sont pas seulement ceux ayant trait à la filiation, selon l’article 458 du code civil.

La plainte en justice est un acte strictement personnel. Il est inconcevable, dans ces procédures qui mettent en cause des relations familiale, de porter plainte contre un proche d’une personne sous tutelle sans lui demander son avis et sans lui avoir expliqué que la plainte est faite pour punir l’auteur d’une faute non pas seulement pour faire indemniser un préjudice ou faire cesser l’infraction.

L’article 459-2 : rappelle que la personne a le choix du lieu de résidence et de ses relations personnelles avec les tiers, parents ou non.
En cas de difficulté le juge ou le conseil de famille statue.

Il s’agit des droits fondamentaux. Notamment le choix du logement. 

Ces principes sont rappelés par l’arrêt ZEHENTNER contre l’Autriche de la Cour européenne des droits humains. La Cour fait de la protection de son logement un élément essentiel de la protection de la personne vulnérable, malgré la protection du titre de propriété d'un tiers qui a acquis légitimement. (3)
Mais aussi, elle lui donne accès direct aux juridictions, même contre l'avis de sa tutrice en l’occurrence.

En matière de logement, un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 8 février 2013 fait primer la volonté de la personne sur le principe de précaution. (4)

Un rappel rapide du contenu des mesures de protection permet d'en mesurer la portée du point de vue de la recherche du consentement de la personne.

La sauvegarde de justice :

Article 433 à 439 : En cas de besoin de protection temporaire ou représentation pour certains actes déterminésou pour la durée de l’instance.
La personne conserve l’exercice de ses droits, sauf nullité pour les actes confiés à un mandataire spécial.

En l’absence de mandat, les règles de la gestion d’affaire sont applicables. Les tiers sont tenus d’effectuer les actes conservatoires, dès qu’ils ont connaissance de l’urgence et de l’ouverture de la mesure.
Tout intéressé peut en donner avis au juge.

Ainsi, la seule obligation est celle du signalement et de faire la gestion d'un point de vue strictement conservatoire.

Le juge peut désigner un mandataire spécial à l’effet d’accomplir un ou plusieurs actes déterminés, y compris de disposition et notamment engager les actions en nullité.

Le mandataire doit rendre compte à la personne protégée et au juge dans les conditions des articles 510 à 515 sur la reddition et vérification des comptes.

Il peut recevoir mission de la protection de la personne.

La mesure ne peut dépasser un an sous peine de caducité, c’est-à-dire qu’elle tombe d’elle-même. Renouvelable une fois.

Art. 1252. – Lorsque les biens d’un majeur placé sous sauvegarde de justice risquent d’être mis en péril, le procureur de la République ou le juge des tutelles peuvent prendre toutes mesures conservatoires et, notamment, requérir ou ordonner l’apposition des scellés.
Les frais occasionnés par ces mesures sont assimilés aux frais de justice prévus au 3° de l’article R. 93 du code de procédure pénale.

La curatelle :

Article 440 : La personne, qui, sans être hors d’état d’agir elle-même a besoin, pour une des causes prévues à l’article 425, d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile  peut être placée en curatelle. La curatelle ne peut être prononcée que s’il est établi que la sauvegarde ne peut assurer une protection suffisante.

La curatelle reste une mesure de simple d’assistance pour les actes graves ou de disposition. 

En cas de curatelle renforcée, le curateur appréhende les ressources pour payer les charges, ce qui l’oblige cependant à élaborer le budget avec la personne en curatelle.

Le curateur doit participer à toute action en justice que ce soit en demande ou en défense. Il ne peut se substituer à la personne. Il pourra demander une autorisation supplétive si la personne compromet gravement ses intérêts ou  provoquer l’ouverture de la tutelle.

Le curatélaire conserve aussi le droit de solliciter une autorisation supplétive en cas de litige avec son curateur.

Ainsi, il faut rappeler inlassablement que la curatelle même renforcée n’est pas une tutelle. La personne sous curatelle doit prendre librement les décisions qui la concernent. Sa volonté est capable de s'exprimer, en conséquence son consentement doit être acquis.

La tutelle :

Article 440 alinéa 3 : La tutelle peut être prononcée si la personne doit être représentée d’une manière continue pour les actes de la vie civile. Elle ne peut être prononcée que si la sauvegarde et la curatelle ne peuvent suffire. 

L’interdiction du droit de vote n’est plus automatique. Le juge doit le prévoir expressément sur avis médical spécialement motivé.Aucun droit ne peut être retiré, seul l'exercice des droits doit être accompagné.

 Le juge peut énumérer les actes que la personne peut accomplir seule ou avec une simple assistance de son tuteur. Ainsi la tutelle peut être aménagée. Qui pense à le demander ? Quel juge ose sortir de la routine et surtout ose prendre un risque ?

La personne est représentée en justice. Mais pour l’exercice des actions extrapatrimoniales, le tuteur doit avoir reçu autorisation ou injonction du juge ou du conseil de famille. De même pour  le désistement ou la transaction.

 

LA PROTECTION DES PERSONNES DANS LE CODE PENAL


1) La protection de l’intégrité physique

 L'obligation du signalement est un impératif absolu.

223-1 du code pénal : Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence est puni d’un an de prison et 15 000 euros d’amende.  
223-6 : Quiconque pouvant empêcher, par son action immédiate, sans risque pour lui ou les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire, est puni de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Même peine pour tout le défaut d’apporter assistance ou provoquer un secours.
Mais aussi 434-1 : Le fait pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administrative, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Et 434-3 : Le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligées à (une personne vulnérable…) de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni (de la même peine). 

2)  L’exception au secret professionnel :

 A tel point que, selon le code pénal, les professionnels non seulement sont exemptés du respect du secret professionnel, mais en outre sont protégés en cas de signalement.

Les travailleurs sociaux ont l’obligation de répondre à la police. Seulement par écrit, et dans le seul but de remettre des documents. 

Article 226-14 - Modifié par LOI n°2015-1402 du 5 novembre 2015 - art. 1

L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :

1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;

2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être, mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ;

3° Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi.

3) L’obligation de signalement :

Le silence fait le lit de la maltraitance et maintient la victime d’une « influence préjudiciable » en situation d’abus de faiblesse. 

Le législateur organise des cellules de signalement de la maltraitance dans un objectif de prévention. Les professionnels doivent y collaborer. 

Dans notre domaine de personnes vulnérables, enfermées dans leur handicap, dans les déficiences liées à l’âge, souffrant de l’emprise d’un prédateur économique, il y a lieu de considérer que ne pas faire un signalement constitue un délit de non-assistance à personne en danger.

Notre déontologie nous demande de recevoir le consentement de la victime. Nous devons la convaincre de se défendre et se protéger. Il est aussi tout à fait possible de faire intervenir un tiers qui agira.

Le secret professionnel est destiné à protéger le secret du client et non celui de l’avocat ou du médecin. 

Ainsi le secret professionnel cède devant la non-assistance à personne en danger.

4) La protection du patrimoine :

Le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance peuvent être invoqués au profit de toute personne. 

Mais la loi du 28 décembre 2015 a prévu deux exceptions à l’immunité familiale qui interdisaient toute poursuite lorsqu’il y avait lien de parenté proche : conjoint, ascendant, descendant :

Le dernier alinéa de l’article 311-12 du code pénal est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés : 
Le présent article n’est pas applicable : 
a) Lorsque le vol porte sur des objets ou des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d’identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d’un étranger, ou des moyens de paiement ; 
b) Lorsque l’auteur des faits est le tuteur, le curateur, le mandataire spécial désigné dans le cadre d’une sauvegarde de justice, la personne habilitée dans le cadre d’une habilitation familiale ou le mandataire exécutant un mandat de protection future de la victime.

L’abus de faiblesse : Ce texte est très puissant, mais d’un usage difficile.

Article 223-15-2 du Code pénal :  Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont laparticulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Il n’y a pas de définition objective de la faiblesse en dehors de l’état de grossesse et de la minorité. Elle doit être qualifiée par une expertise médicale.

Pour les personnes dépendantes, les médecins se cantonnent à l’analyse des compétences cognitives comme dans la maladie d’Alzheimer, car ils disposent de tests objectifs qui permettent de déterminer le degré de mémoire, antérieure et actuelle, de capacité à écrire, compter, de compréhension, de vigilance, etc.

En revanche il est plus difficile de mesurer la dépendance affective qui en découle et de mesurer si le proche exerce une influence bienveillante ou malveillante. Ils ne se focalisent pas assez sur l’influence indue : isolement, chantage affectif, procédés de suggestion comme dans les sectes. Le rapport d’Alain KOSKAS, en collaboration avec le Défenseur des droits, la MIVILUDE, commandé par la Ministre des affaires sociale et des solidarités, La maltraitance financière, un fléau silencieux, illustre cette difficulté. Il est difficile de faire émerger la maltraitance, et donc encore plus de la prévenir. (5)

On se heurte aussi au refus de la personne de reconnaître son état de faiblesse et d’avouer qu’elle a été abusée. Elle a des liens affectifs avec son abuseur et ne veut pas lui nuire. Comment mesurer l’état de dépendance de la vieille dame amoureuse de son prédateur ? Quel degré de liberté doit-on lui laisser ? Est-il possible de perturber un lien fort qui n’est pas totalement négatif ?

La demande de nullité des actes auprès du juge civil est plus efficace, car les critères sont mieux définis.

La protection en droit de la consommation :

 Il s’agit de la nullité des contrats en matière de démarchage à domicile lorsque la démarche prend appui sur un abus de vulnérabilité.
Prendre de l’argent avant la fin du délai de rétractation de sept jours... revenir au domicile pour faire retirer la rétractation, etc.

Dans ce cas la victime accepte plus facilement de porter plainte ou de solliciter la nullité des contrats.
Le code de la consommation punit pénalement l’abus de démarchage à domicile. 
Dans ces cas, les banquiers ont le devoir d’accepter l’opposition à un chèque et de bloquer l’argent. 

La cyber protection a encore bien du chemin pour être effective. 

En conclusion sur la protection de la personne en droit pénal.

Avocat et présence du protecteur sont obligatoires en cas de poursuites pénales, aussi bien pour l’auteur que pour la victime et dès le début de la garde à vue.

Articles 706-112 à 706-118 CODE DE PROCEDURE PENALE
Au cours de l’instruction, au cours de la phase de jugement, le procureur de la République doit veiller d’une part à ce que le majeur protégé soit assisté de son mandataire qui devient partie à la procédure et a accès au dossier comme la personne elle-même, en présence obligatoire d’un avocat qui peut le représenter.
Sauf si son état psychique est suffisamment connu par ailleurs, il  doit être expertisé pour que sa responsabilité pénale soit clairement définie et analysée.
  Ce texte est consécutif à l’arrêt VAUDELLE contre France de la CEDH du 30 janvier 2001.(6) 

La Cour considère qu’en raison du régime de protection qui constate son incapacité à se défendre seul, le majeur protégé a droit à des garanties particulières.

La représentation par avocat est d’ailleurs obligatoire pour toute personne poursuivie (Arrêt VAN PELT contre France de la CEDH -23 mai 2000 et Arrêt DENTICO de l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation - 2 mars 2OO1) qui ont entraîné la modification des articles  410 & 411 du code de procédure pénale. 

Attention : pour l’instant il n’y a pas de définition précise du secret professionnel du MJPM.
Il est convoqué à la procédure pénale comme témoin  prêtant serment. (7)


LE CONSENTEMENT ET LA NÉCÉSSAIRE PROTECTION 


Le doyen CARBONNIER, rédacteur de la loi de 1968 sur la protection des majeurs, constate dans son précis de droit civil (Edition 2000) : “Depuis 50 ans, ce droit civil n’a pas cessé d’être concurrencé, envahi, par des réglementations et pratiques de  droit social et sanitaire. On se demandera si celles-ci ne finiront pas par constituer le véritable droit commun des incapacités.”

Il prédit ainsi la disparition du droit civil des incapacités, dans l’esprit de la Convention européenne des droits de l’homme. En réalité, on voit émerger un droit dit « social » exprimant, non pas un corps de règles de droit autonomes, mais des droits alloués aux personnes en vue d’une assistance qui s’inscrit dans une nouvelle organisation juridique. La finalité est différente, si bien que la coordination entre les règles traditionnelles issues du code civil et celles, plus récentes, du droit de la protection sociale, sont parfois difficilement compatibles.

Il est d’autant plus nécessaire de connaître ces règles car elles devraient servir en matière de responsabilité professionnelles en général.

C’est l’exigence de respecter les personnes plutôt que les règlements particuliers. Le droit de la santé et le code de déontologie médicale sont une référence en la matière qu’il faut connaître.

« L’obligation du médecin d’informer son patient avant de porter atteinte à son corps est fondée sur la sauvegarde de la dignité humaine ; Le médecin qui manque à cette obligation fondamentale cause nécessairement un préjudice à son patient, fût-il uniquement moral, que le juge ne peut laisser sans indemnisation ».

Cette forte appréciation porte autant sur le consentement aux soins, le refus de soins, le non- respect de préconisations médicales que sur toutes les protections de nature juridique ou sociale.

Que nous enseigne le droit de la santé ?


DROITS DES MALADES

  1. Consentement aux soins et dialogue avec le praticien

Les droits généraux :
Le droit à la santé est un droit fondamental. Le médecin doit préserver la dignité des malades. 
L’État doit garantir les soins appropriés, efficaces, ne présentant pas un risque disproportionnés par rapport au bénéfice escompté, ceci sur tout le territoire.
La fin de vie doit être digne, sans souffrance.
L’obstination déraisonnable est interdite, les soins palliatifs sont obligatoires et les proches doivent être accompagnés.
Ces droits sont garantis et s’ils ne sont pas respectés, la responsabilité du praticien est engagée, y compris pénale.

  1. Le droit à l’informationest absolu : les conséquences exceptionnelles et celles normalement prévisibles, sauf si la personne ne veut pas connaître le diagnostic.

Il doit informer sur le coût et la prise en charge.

  1. Le consentement 

Savoir c’est pouvoir.
La personne décide avec le médecin.
Elle a droit aussi de refuser les soins, mais le médecin doit tout faire pour la convaincre. Il doit collaborer avec le médecin référent.

S’il y a  impossibilité à consentir, la personne de confiance intervient ou la famille ou un proche.

Le consentement du majeur sous tutelle doit être recherché dans tous les cas.

Si le tuteur refuse l’autorisation et si le refus a des conséquences graves pour la santé le médecin délivre les soins indispensables.

Le juge des tutelles peut autoriser la désignation d’une personne de confiance.Si elle a été désignée antérieurement, il peut la confirmer ou la révoquer.

La personne et ses proches doivent être formés aux soins quotidiens médicaux et infirmiers.

  1. L’accès au dossier médical

 - De son vivant la personne a libre copie de son dossier, directement ou par son médecin traitant ;
- Son tuteur a accès aux informations dans les mêmes conditions.
Je ne suis pas d’accord. Si on lit bien l’article 459 du code civil, le tuteur n’intervient que si la personne n’est pas apte à prendre une décision éclairée. Les médecins demandent une décision administrative car ils pensent à tort qu’elle couvrira leur responsabilité en cas d’accident médical.
Les juges des tutelles exigent du tuteur qu'il veille à ce que la personne ait bien compris et a bien donné un consentement éclairé. 

Le principe est une  assistance. La tutelle à la personne n’a pas pour objectif de donner des autorisations sans l’accord de la personne.

Le représentant ne peut, sans l’accord du juge des tutelles, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée, ou à l’intimité de sa vie privée

Ce terme d'atteinte à la vie privée est très large et est susceptible de sanctionner toute action qui n'aurait pas recueilli le consentement de la personne.

En revanche, elle doit prendre toute mesure si la personne se met en danger et doit en informer le juge.

Ainsi, en coordination avec le code civil, le droit commun de la santé s’impose à toute personne y compris sous curatelle. SON CONSENTEMENT DOIT ETRE RECHERCHE DANS TOUS LES CAS.

- Après le décès : 
Depuis la loi du 4 mars 2002, l’article L1110-4 du Code de la santé publique permet aux ayants droit d’accéder directement au dossier médical, à condition que le défunt ne s’y soit pas opposé expressément de son vivant et pour trois motifs clairement énumérés:
- connaître la cause du décès,
- défendre la mémoire du défunt,
- ou faire valoir leurs droits.

La loi ne donne aucune définition de la notion d’ayant-droit. En revanche, c’est la loi qui octroie des droits à certaines personnes par rapport à leur auteur.
La question est donc de savoir de quelle manière la notion doit  être définie : doit- elle être rapprochée de la notion d’héritier ou de la notion de famille proche ? 

Ont ainsi la qualité d’ayant droit sous certaines conditions:
- le conjoint survivant,
- les enfants légitimes, naturels ou adoptés, 
- les ascendants. 

La notion d’entourage dans le code de déontologie médicale est très floue. Il s’agit de la personne qui se trouve au domicile du malade lorsque le médecin vient le visiter et l’accompagne dans ses soins.
Selon l’article 34 du code de déontologie médicale: “le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution”. Ainsi l’entourage du patient est mis à contribution mais exclusivement dans le but d’assurer la bonne exécution du traitement.

L’entourage du patient est aussi pris en compte par l’article 38: “Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage.” 

 Le médecin doit se contenter des apparences et prendre soin de l’entourage au moment du décès, sans se préoccuper de savoir quels sont les droits de ce dernier par rapport au malade.

Cette ambiguïté n’aide pas les médecins à respecter les règles que la loi leur impose en droit civil pour le respect de la personne et sa dignité.

Une solution existe en procédure :

Dès 1986 (1ère chambre civile 18 mars 1986) la Cour de cassation, si les certificats se révélaient insuffisants pour apporter la preuve des droits, renvoyait à l’expertise médicale la possibilité de faire examiner le contenu du dossier. 

Pour obtenir judiciairement une expertise médicale, c’est assez facile, il suffit de montrer qu’il y a un litige sur l’acte médical. Il n’y a pas lieu de démontrer la faute. Un simple certificat médical décrivant le traumatisme suffit.

Il est constamment rappelé que l’expert médical, de par le code de  procédure civile (article 244 dispositions communes à tous les techniciens) et le code de déontologie (article 108: “Dans la rédaction de son rapport, le médecin ne doit révéler que les éléments de nature à apporter une réponse aux questions posées.”) reste tenu au secret médical et ne doit pas révéler ce qui n’est pas nécessaire pour répondre aux questions du juge.  

La définition du "proche aidant" est tout aussi complexe. Il est évident qu'il est nécessaire de se conformer à ce qui se passe. Mais qu'en est-il lorsque le professionnel constate que l'aidant n'est pas bienveillant ?

Il a une obligation de signalement.

5- La protection du lanceur d'alerte

L'article 226-14 du code pénal protège le lanceur d'alerte qui remplit son obligation de citoyen.

Son risque d'être poursuivi pour diffamation est faible compte tenu du court délai de prescription prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

De même l'article 226-16 du code pénal ne sanctionne la dénonciation calomnieuse si la dénonciation est faite de mauvaise foi et sur des faits que le dénonciateur sait erronés. 

En revanche, le risque professionnel est considérable et la loi a prévu des protections supplémentaires.

La circulaire du 30 avril 2002, protège spécifiquement les professionnels du secteur sanitaire et social. 

Article 313-24 du code de l'action sociale et des familles : dans les établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1, le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire. 
En cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande. 
Ces dispositions sont applicables aux salariés de l'accueillant familial visé à l'article L. 441-1.

La loi Blandin du 16 avril 2013 renforce cette protection par la création d'une commission nationale de déontologie et d'alerte  en matière de santé publique et d'environnement. 

Elle est chargée de recueillir les alertes et d'en tenir registre. Madame Marie-Christine BLANDIN en a été nommée présidente en avril 2017. C'est tout ce que l'on peut en savoir pour l'instant. (8)

La loi dite Sapin 2 du 6 décembre 2013 aura-t-elle plus d'efficacité ?

Elle introduit un article L1132-3-3 du code du travail dont l'alinéa 3 prévoit :
En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Ce texte est important, car c'est à l'employeur de faire la preuve de ce que les données signalées sont fausses.

Ce texte prévoit aussi tout un processus destiné à préserver l'anonymat du lanceur d'alerte.

 

EN CONCLUSION

Le droit civil est très ambigu par rapport au droit médical, mais il doit s’en servir comme modèle sur la recherche du consentement qui ne peut être valide que s’il y a une information réelle et compréhensible.

Pour cela il faut prendre le temps, écouter, comprendre, deviner, connaître l’histoire de la personne, son passé, comme le révèle le film l’Eveil (1990) avec Robert de Niro et Robin Williams. Des personnes, atteintes d’une encéphalite léthargique qui leur a fait perdre tout moyen de communiquer, peuvent de nouveau s’exprimer suite à l’essai d’un nouveau traitement. Elles racontent leur souffrance devant les maladresses des soignants, pourtant bienveillants, mais qui ne tiennent pas compte de leur personnalité, de leurs besoins quotidiens, face à des soins stéréotypés.
Les soignants, lorsque les personnes perdent de nouveau leurs moyens d’expression suite à l’échec du traitement, abandonnent la simple idée du soin pour se préoccuper des attentes qu’ils ont exprimées en fonction de leur personnalité. 

Au-delà de ce cas extrême mais significatif, c’est ainsi qu’il faut multiplier les regards sur la prise en charge : la personne, si on lui fait confiance, les proches, les soignants sont les meilleurs agents de l’aide bienveillante afin d’assurer le respect de la dignité et de la liberté de la personne dépendante. 

Ces regards différenciés permettent d’éviter les décisions stéréotypées, plus proches du respect des règlements que des personnes permettent de tenir compte de leur volonté. Chacun peut collaborer à l’expression de son consentement, ou même à la simple recherche de son consentement.

Il est possible de donner de la souplesse au traitement juridique de la dépendance :

- Nommer un curateur à la personne, indépendant du tuteur aux biens quand il est hospitalier ;
- Organiser des consultations ouvertes dans les établissements. L’existence de maisons de justice et du droit ne suffit pas. Une antenne où la personne doit se déplacer ne suffit pas, pas plus que des consultations téléphoniques ;
- Les centres d’écoute bénévole comme le 3977, pour les personnes âgées et les personnes atteintes de handicap y compris de troubles psychiatriques ;
- Le recours aux professionnels du droit. Les magistrats et avocats, comme les médecins ont souvent Bac plus 8 ou double cursus, une formation longue qui leur donne une base de connaissances dans leur domaine très solide à laquelle s’ajoute rapidement l’expérience des situations. Pour le respect des procédures, ils sont la seule référence.
- Le recours à la médiation par des médiateurs spécialement formés. (9)
- La collaboration est nécessaire.

 Le certificat médical est indispensable pour mesurer le degré de dépendance, à condition qu’il soit réellement et précisément descriptif. 

Pour suivre la logique de la requête indifférenciée, le médecin devrait devenir un véritable expert. À la demande du juge saisi de questions précises, il serait chargé de décrire, de manière précise et enfin circonstanciée, le degré de possibilité pour la personne d’effectuer seule, assistée ou représentée, tel ou tel acte pour lequel sa protection est demandée.

Ainsi le juge ne serait pas dépendant d’un avis médical peu individualisé.

Le dossier social est très éclairant. Pour éviter la charge des redondances, le rapport du 21 septembre 2018 préconise qu’il soit confié au juge des tutelles pour l’harmonisation des prises en charge.

Ainsi, la protection judiciaire pourrait tenir compte ou voire même corriger la prise en charge sociale qui parfois est excessive ou inadaptée, selon les conclusions de la Conf’ Cap 2017 sur les abus de protection médicale ou juridique.

C’est ainsi que sera garanti le droit de toute personne à donner son consentement à toute protection destinée à garantir l’exercice de ses droits fondamentaux.



NOTES 
1- Rapport sur le vieillissement et la santé, OMS publié en 2016 
https://www.who.int/ageing/publications/world-report-2015/fr/

2- Rapport de Madame Anne CARON-DEGLISE du 21 septembre 2018 
http://www.justice.gouv.fr/la-garde-des-sceaux-10016/rapport-sur-levolution-de-la-protection-juridique-des-personnes-31802.html

3- Affaire ZEHENTNER C/ Autriche CEDH (Requête N° 20082/02 du 16 juillet 2009) 
https://www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/CHAMBER/2009/CEDH001-93595

4- Arrêt CA DOUAI 8 février 2013 
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027080726

5-  Rapport La maltraitance financière, un fléau silencieux
http://www.le3977.info/rapport-maltraitances-financieres-egard-personnes-agees/

6- CEDH, 5 septembre 2001, requête n°35683/97, VAUDELLE C/ France  

7- Intervention Marie-Hélène ISERN-REAL – La justice du 21e siècle – 10-11 janvier 2014 Atelier 3 p. 305

8- LA COMMISSIONS NATIONALE DE LA DÉONTOLOGIE ET DES ALERTES EN MATIÈRE DE SANTÉ PUBLIQUE ET D'ENVIRONNEMENT 
https://www.bnds.fr/dictionnaire/cndase.html

9- Le CENTRE NATIONAL DE MÉDIATION DES AVOCATS 
https://cnma.avocat.fr/

BIBLIOGRAPHIE

Protection de la personne vulnérable - Nathalie PETERKA – Anne CARON-DEGLISE – Edition DALLOZ REFERENCE 2018 – 2019

Le GUIDE DU HANDICAP - ESF éditeur 

L'AVOCAT PROTECTEUR Rapport de la Sous-commission Les protections des personnes vulnérables LexBase hebdo N° 143 Mercredi 6 février 2013 Edition professions N ° 5669BT7

L'ACTIVITÉ DE L'AVOCAT DU MAJEUR SOUS MESURE DE PROTECITON JURIDIQUE ET DU MAJEUR VULNÉRABLE - GUIDE PRATIQUE
http://www.avocatparis.org/system/files/publications/mhisernreal-vade_mecum_final_avocat_protection_majeurs.pdf

LE DROIT DU MAJEUR À UN AVOCAT PERSONNEL
www.aidonslesnotres.fr/le-juridique-et-le-financier/article?url...

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