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Question de M. Stéphane Piednoir (Maine-et-Loire - Les Républicains) publiée le 17/10/2019

M. Stéphane Piednoir attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet des nouvelles dispositions pénales applicables depuis le 1er juin 2019, ayant un impact sur les majeurs protégés dans le cadre d'une garde à vue.
L'article 706-112-1 du code de procédure pénale instaure l'obligation pour un officier ou agent de police judiciaire d'aviser le tuteur ou curateur d'un majeur protégé placé en garde à vue, dans un délai de six heures « à compter du moment où est apparue l'existence d'une mesure de protection juridique ».
Cette obligation répond à des objectifs tout à fait compréhensibles, mais s'avère difficile à mettre en oeuvre dans la pratique.
En effet, l'interprétation de cet article est différente d'un parquet à l'autre. Certains parquets demandent la mise en place d'astreintes dans les organismes de tutelle, pour qu'ils soient joignables à tout moment en cas de garde à vue d'un majeur protégé. Or, la mise en oeuvre d'une telle mesure d'astreinte entraînerait pour ces organismes des charges qu'ils ne sont pas en mesure de supporter.
Aussi, il lui demande de bien vouloir clarifier les conséquences de l'article précité sur l'organisation des services de majeurs protégés.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/11/2019

L'article 706-112-1 du code de procédure pénale prévoit en effet désormais l'obligation pour l'officier ou agent de police judiciaire d'aviser le curateur ou le tuteur « lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d'une personne font apparaître que celle-ci fait l'objet d'une mesure de protection juridique ». Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences incombant aux enquêteurs en application de ce texte doivent intervenir « au plus tard dans un délai de six heures à compter du moment où est apparue l'existence d'une mesure de protection juridique ». Cette disposition vise à assurer l'effectivité des droits de la personne protégée gardée à vue en permettant au tuteur, curateur ou mandataire spécial de désigner un avocat ou de solliciter la désignation d'un avocat commis d'office ainsi que de solliciter un examen médical pour la personne protégée. Elle fait suite à la décision du Conseil constitutionnel en date du 14 septembre 2018 qui relevait que « dans le cas où il n'a pas demandé à ce que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l'incapacité d'exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles » et qu'« il est alors susceptible d'opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard notamment de l'exercice de son droit de s'entretenir avec un avocat et d'être assisté par lui au cours de ses auditions et confrontations ». Si ces nouvelles dispositions modifient le régime applicable aux personnes protégées placées en garde à vue et prescrivent un certain nombre de diligences aux services d'enquête, elles n'imposent nullement de modifier l'organisation actuelle des services de mandataires à la protection juridique des majeurs. À titre liminaire, il convient de préciser que la nécessité d'entrer en contact avec le curateur ou le tuteur à tout moment lors d'une garde à vue existait avant la loi du 23 mars 2019, en vertu de l'article 63-2 du code de procédure pénale, mais aux seules fins de l'aviser de la mesure, et le cas échéant, de lui permettre d'entrer en contact avec la personne gardée à vue (droit de communication transféré à l'article D. 47-14). La circulaire du 27 mai 2019 de présentation des dispositions de procédure pénale de la loi du 23 mars 2019 relatives à l'enquête et à l'instruction applicables au 1er juin 2019 précise les conséquences pratiques des dispositions de l'article 706-112-1 du code de procédure pénale. Ainsi, il est relevé que « lorsque le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial n'est pas avisé en raison d'une circonstance insurmontable, pouvant notamment résulter de l'impossibilité pour les enquêteurs de l'identifier ou de le contacter, il sera en pratique souhaitable que les enquêteurs invitent la personne à demander elle-même l'assistance d'un avocat, si elle ne l'a pas déjà fait ». Elle ajoute qu'il « conviendra de veiller à ce que les dispositions de l'article 706-112-1 soient bien appliquées par les enquêteurs, dans la mesure où leur non-respect est susceptible de constituer une cause de nullité de la procédure ». La portée de ces dispositions doit cependant être nuancée. Comme toute diligence incombant aux enquêteurs, l'obligation d'aviser le tuteur ou le curateur n'est qu'une obligation de moyen et non de résultat. Ainsi, les circonstances insurmontables pouvant légalement justifier de ne pas aviser effectivement le tuteur ou le curateur peuvent résulter de l'impossibilité pour les enquêteurs de l'identifier ou de le contacter. En revanche, le fait de ne pas tenter de l'identifier ou de l'aviser alors que l'existence d'une mesure de protection est connue est susceptible d'être sanctionné. Par ailleurs, la généralisation d'astreintes n'apparaît pas constituer une réponse satisfaisante dans la mesure où, en pratique, il peut être difficile de déterminer si le tuteur-curateur est un membre de la famille, un professionnel exerçant individuellement ou membre d'une association et le cas échéant de déterminer à quel organisme il appartient. D'autres solutions sont dès lors préconisées par le ministère de la justice comme le recours à l'envoi de mail à l'association l'informant de la mesure et l'invitant à prendre attache rapidement avec le service d'enquête ou encore l'invitation du majeur protégé par les enquêteurs à demander un avocat et à faire l'objet d'un examen médical.

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