Une nouvelle reforme sur les soins psychiatriques contraints : la loi du 27 novembre 2013

UNE NOUVELLE REFORME SUR LES SOINS PSYCHIATRIQUES CONTRAINTS : LA LOI DU 27 SEPTEMBRE 2013

Ainsi qu’il l’a été rappelé dans un précédent article, le droit concernant les conditions d’hospitalisation non volontaire en hôpital psychiatrique a fait l’objet d’une très importante réforme : la loi du 5 juillet 2011

Pourtant, une nouvelle réforme législative vient d’intervenir dans ce domaine, peu de temps après.

Il s’agit de la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 « modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011, relative aux droits et la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. »

Le but de cette loi est de tenir compte des limites de la précédente réforme et des retours de la pratique depuis deux ans.

L’un des problèmes majeurs qu’a posé le contrôle du Juge des Libertés et de la Détention sur les hospitalisations dans le cadre de soins psychiatriques contraints est la disparition des sorties à l’essai, qui étaient un moyen de réadaptation utilisé dans le cadre de la prise en charge thérapeutique des malades.

Nous nous trouvions alors dans une situation où soit la personne devait bénéficier d’une mainlevée des soins psychiatriques contraints, soit elle ne pouvait pas faire de sortie d’essai (week-end pour retrouver une vie familiale ou journée pour faire des démarches de recherche d’emploi).

C’est dans ce but que l’article 2 de la loi du 27 septembre 2013 prévoit :

« Afin de favoriser leur guérison, leur réadaptation, leur réinsertion sociale, ou si des démarches extérieures sont nécessaires, les personnes faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre […] sous la forme d’une hospitalisation complète, peuvent bénéficier d’autorisations de sortie de courte durée. »

Il peut s’agir soit de sorties accompagnées n’excédant pas 12 heures, soit de sorties non accompagnées d’une durée maximale de 48 heures.

L’autorisation de sortie de courte durée est accordée par le directeur de l’établissement d’accueil, après avis favorable d’un psychiatre de cet établissement.

Dans ce cas-là, la mesure d’autorisation est faite suite à la demande d’un tiers, le directeur de l’établissement informant préalablement celui-ci de l’autorisation de sortie non accompagnée et de sa durée.

Il semble important que le curateur ou le tuteur familial puisse être informé de cette sortie de courte durée.

Le but est double :

  1. apporter une aide à la gestion de cette courte durée ;
  1. informer le service psychiatrique de tout problème qui peut se poser à cette occasion.

Si le curateur ou le tuteur est le tiers à l’origine de la mise en place de la mesure de soins psychiatriques contraints, il en sera donc automatiquement informé.

S’il ne l’est pas, il paraîtrait opportun que l’établissement le tienne informé.

Le deuxième point de modification de la loi du 5 juillet 2011 est une réduction du délai de contrôle par le Juge des Libertés et de la Détention de la mesure de soins psychiatriques contraints.

Jusque-là, le Juge devait statuer dans les 15 jours de l’admission de la personne en service psychiatrique fermé.

Ce délai est désormais réduit à 12 jours, avec obligation pour l’hôpital de transmettre le dossier au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention dans les huit jours de l’admission du patient.

Le délai est contraignant, mais le but est de limiter une atteinte à la liberté d’aller et venir, sans contrôle du Juge.

En outre, ce qui est un fait nouveau visant à assurer les meilleurs droits pour le patient :

« A l’audience, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques est entendue, assistée ou représentée par un Avocat choisi, désigné au titre de l’aide juridictionnelle ou commis d’office.

Si, au vu d’un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacles, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un Avocat dans les conditions prévues au présent alinéa ».

Il est donc important que le tuteur ou le curateur puisse à la fois être en contact avec un Avocat qui aura été choisi et qui connaitra parfaitement la situation de la personne protégée faisant l’objet de soins psychiatriques contraints, et détenir un dossier qui pourra être remis à un Avocat commis d’office qui aura été désigné dans l’urgence.

Une collaboration entre l’Avocat et le curateur ou le tuteur semble indispensable.

Autre nouveauté importante : les audiences devront maintenant se tenir dans une salle dûment aménagée et attribuée au Ministère de la Justice dans l’établissement psychiatrique.

Jusqu’ici, les patients étaient amenés, ce qui posait d’importants problèmes de gestion pour les hôpitaux psychiatriques, au Tribunal de Grande Instance dont dépendait l’établissement.

On peut en revanche se demander quels moyens vont être accordés au Ministère de la Justice et/ou au Ministère de la Santé pour l’aménagement desdites salles et pour assurer leur conformité avec les règles de confidentialité et de dignité afférentes à une salle d’audience.

Dans le même but, ce texte vise à rationnaliser le nombre de certificats médicaux produits dans le cadre d’une mesure de soins de ce type.

La multiplication des certificats médicaux émanant de psychiatres différents compliquait considérablement la tâche des établissements, surtout lorsqu’ils étaient de petite taille.

La majeure partie de cette loi va entrer en vigueur à compter du 1er septembre 2014, le but étant justement d’organiser essentiellement les changements qu’elle apporte et de trouver un budget pour cela.

Il semble important que les curateurs et tuteurs familiaux soient pleinement informés de ces nouveaux droits accordés aux majeurs protégés faisant l’objet de soins psychiatriques contraints, afin de leur assurer la meilleure prise en charge possible.

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Le rôle du juge sur l'hospitalisation psychiatrique

LE ROLE DU JUGE SUR L’HOSPITALISATION PSYCHIATRIQUE

La Loi du 5 juillet 2011

Le droit concernant les conditions d’hospitalisation de manière non-volontaire en Hôpital psychiatrique a fait l’objet d’une très importante réforme dans le cadre de la Loi du 5 juillet 2011, entrée en vigueur le 1er août 2011.

Il s’agit d’un texte, notamment en ce qui concerne les Majeurs Protégés, extrêmement important.

Il convient de rappeler que sur les dernières années en FRANCE, en moyenne, 70.000 personnes sont hospitalisées sans leur consentement chaque année.

Depuis les premiers textes fondateurs du 30 juin 1838, la règlementation a beaucoup évolué et surtout a permis la possibilité de mettre en place un recours judiciaire par la personne hospitalisée ou son tuteur, face à une décision qui est au départ strictement administrative (Préfet).

La réforme de la Loi du 5 juillet 2011 est intervenue après que le Conseil Constitutionnel ait estimé le 26 novembre 2010 que l’article L3212-7 du Code de la Santé Publique concernant les Hospitalisations d’Office ou les Hospitalisations à la Demande d’un Tiers, faute d’être soumis au contrôle d’un Juge, était non conforme à notre Constitution.

En effet, il s’agit d’une atteinte à la liberté d’aller et de venir, liberté fondamentale qui doit impérativement faire l’objet d’un contrôle par le Juge judiciaire.

Jusque là, le Juge judiciaire (Juge de la Liberté et de la Détention) du Tribunal de Grande Instance du ressort où est hospitalisée la personne, n’était saisi et amené à contrôler le bien fondé de l’hospitalisation, que dans le cadre d’un recours que pouvait effectuer notamment la personne hospitalisée et/ou son tuteur.

Dans le cadre de cette réforme, le dossier d’une personne hospitalisée dans le cadre de ce que l’on appelle maintenant dans le nouveau texte pour des Soins Psychiatriques Contraints (quelque soit l’origine de la décision d’hospitalisation) doit impérativement faire l’objet, dans les 15 jours, du contrôle du Juge de la Liberté et de la Détention.

Si dans les 15 jours, une décision n’est pas rendue confirmant cette hospitalisation contrainte, la mainlevée est automatique, et l’Hôpital psychiatrique doit, quelque soit la situation médicale dans laquelle se trouve la personne, la laisser sortir.

Si l’hospitalisation contrainte perdure, le Juge de la Liberté et de la Détention doit renouveler l’hospitalisation contrainte tous les six mois.

Ces audiences sont tenues en Chambres du Conseil (c’est-à-dire à huit clos).

L’article R3211-5 du Code de la Santé Publique prévoit que la personne hospitalisée et, si elle en a un, son Curateur ou son Tuteur, sont convoqués à cette audience.

Une Expertise psychiatrique peut être ordonnée dans un certain nombre de cas.

L’ensemble des pièces médicales sont transférées au Greffe du Tribunal où elles peuvent être consultées par l’Avocat qui peut être désigné pour la personne hospitalisée.

Cette demande d’Avocat peut être faite par son Tuteur et/ou Curateur.

Dans un première temps, le pouvoir d’action du Juge des Libertés et de la Détention était limité à ordonner une mainlevée ou pas.

Il se fonde essentiellement sur les éléments médicaux du dossier.

Les critères d’hospitalisation sont que la personne soit atteinte de troubles mentaux qui rendent impossible son consentement, et que cet état mental impose des soins immédiats assortis, soit d’une surveillance médicale constante justifiant d’une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière, justifiant une prise en charge dans le cadre d’un programme de soin.

Dans un certain nombre de cas d’admission, il faut aussi qu’il existe un péril imminent pour la santé de la personne.

L’ensemble de ces points doivent ressortir de différents certificats médicaux qui doivent être conformément d’ailleurs à une jurisprudence relativement ancienne, être particulièrement circonstanciées.

Le Tuteur et le Curateur ont un rôle important à jouer  pour permettre à la personne Majeur Protégé, objet de Soins Psychiatriques Contraints, dans le cadre d’une hospitalisation, d’exercer leur droit en bénéficiant d’une défense la plus complète possible.

Ceci est d’autant plus important que depuis le 1er janvier 2013, le Juge des Libertés et de la Détention près le Tribunal a aussi la possibilité de statuer, si cela lui est demandé, non seulement sur le bien fondé de l’hospitalisation, mais aussi, sur la régularité des actes administratifs qui ont amené à cette hospitalisation.

Jusque là, il fallait, pour remettre en cause ces actes, faire une procédure distincte devant le Tribunal Administratif et si on avait gain de cause, ressaisir le Tribunal de Grande Instance pour une demande indemnitaire contre l’Etat.

Cette multiplicité de juridictions et de recours constituait une entrave évidente à l’exercice des droits par le malade.

Il convient de rappeler en ce qui concerne l’indemnisation d’une hospitalisation qui s’est avérée infondée, que la Cour de Cassation dans une décision du 26 janvier 2011, a rappelé que l’octroi de dommages et intérêts résulte de la seule illégalité de l’hospitalisation et ne dépend pas du bien ou du mal fondé de la mesure.

Aujourd’hui, du fait de cette réforme fondamentale, un pan entier du Droit des Soins Psychiatriques Contraints, Droit qui concerne énormément les Majeurs Protégés, est en train de se construire, à partir d’une Jurisprudence qui jusque là, était strictement administrative.

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