2025/06/24 - Statut et rémunération des MJPMi - Question écrite n° 6014 de M. Joël Bruneau (Assemblée nationale) – Date de la question : 15 avril 2025 – Date de la réponse / 24 juin 2025
M. Joël Bruneau attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la condition d'exercice des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, exerçant à titre individuel.
Question
En effet, depuis 2014, l'indice de rémunération de cette fonction est figé, tandis qu'il était à l'origine fixé sur l'évolution du montant alloué aux adultes handicapés (AAH) et sur le SMIC. Cette décision pèse lourdement sur leur activité qui s'avère pourtant essentielle à la protection judiciaire des majeurs. Leur rémunération est basée sur la participation du majeur protégé, rémunération qui peut être complétée par l'État dans le cas où le majeur protégé ne possède pas les ressources suffisantes. Or les MJPMi consacrent l'essentiel de leur activité à des majeurs protégés dont les revenus sont largement inférieur à la moyenne nationale. Si l'État a cru répondre à cette difficulté en augmentant de 9,3 % le montant qu'il consacre à la protection des meurs, il s'avère que les coûts engendrés par l'inflation, les prélèvements de l'URSSAF, le fonctionnement des services et l'extension du domaine d'action des MJPMi, sont à peine couverts par ces montants qui absorbent 50 % de leur chiffre d'affaires. De plus, avec l'augmentation flagrante des dossiers de majeurs pris en charge, les MJPM indépendants voient leur charge de travail croître de manière exponentielle. En effet, ils servent de variable d'ajustement pour prendre en charge les dossiers que les associations tutélaires ne peuvent assurer lorsqu'elles ont atteint le nombre maximal de dossiers prévu dans l'agrément préfectoral qui les autorise à exercer. D'après l'enquête nationale de la FNMJI, près de 64 % des répondants déclarent avoir vu le volume de mesures augmenter ces dernières années. Il faut aussi rappeler que les dépenses relatives à la protection juridique des majeurs doivent s'envisager comme un investissement pour la stabilité des rapports socio-économiques plus que comme une perte sèche. En effet, une étude d'impact réalisée par le cabinet Citizing en 2020 montre que pour 1 euro dépensé dans la protection juridique des majeurs, l'État en économise 1,5. Il faut enfin relever l'absence de dispositifs légaux pour encadrer les indisponibilités temporaires des MJPMi (grossesses, maladies, accidents...), qui doivent eux-mêmes se charger de la bonne continuité de l'exercice de la mesure judiciaire en mettant en place une organisation réfléchie. Il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en place pour assurer à une profession aussi importante un statut et une rémunération à la hauteur de leur charge.
Réponse
La protection juridique des majeurs est une politique publique à la croisée des problématiques d'autonomie, de santé, de protection des droits fondamentaux, d'inclusion sociale des personnes âgées et handicapées et de lutte contre les maltraitances. Ce dispositif de solidarité, permet de répondre efficacement aux questions de vulnérabilité et d'isolement social, dans la mesure où le positionnement particulier des mandataires, judiciaire d'un côté, social de l'autre, leur permet d'accompagner les personnes et de garantir le respect de leurs droits, au plus près de leurs difficultés et de leurs besoins. Les principes guidant la rémunération des mandataires à la protection juridique des majeurs sont fixés aux articles 419 et 420 du code civil. Le code de l'action sociale et des familles en précise les modalités. L'encadrement du financement des mesures de protection s'explique par la diversité, tant des profils des personnes protégées que des modes d'exercice des professionnels en charge de ces mesures, puisque les Mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) peuvent en effet exercer soit à titre libéral, soit en qualité de délégués dans des services, soit comme préposés dans des établissements publics. Lorsque la mesure judiciaire de protection est exercée par un MJPM, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée, en fonction de ses ressources, avec de manière subsidiaire un financement de l'Etat. Le code de l'action sociale et des familles prévoit des modalités de financement différentes entre les services mandataires et les mandataires individuels. Les premiers sont financés sous forme de dotation globale et les seconds sur la base de tarifs mensuels, à la mesure. Ces différences se justifient par des modalités d'organisation et de fonctionnement différentes qui entraînent des charges (personnel, fonctionnement et structure) importantes pour les services. Pour autant, les tarifs des mandataires individuels ont également vocation à couvrir les frais de fonctionnement de ces intervenants. Par ailleurs, pour tenir compte des différences en termes de charge de travail, les tarifs perçus par les mandataires individuels varient en fonction de la nature de la mesure, du lieu de vie et du niveau de ressources de la personne protégée. L'État consacrera, en 2025, 893 M€ (projet de loi de finances 2025) à la protection juridique des majeurs (+4 % par rapport à 2024), dont plus de 109 M€ pour les 2 300 mandataires individuels agréés sur le territoire national. Conformément au principe de subsidiarité du financement public, ce montant vient compléter la participation financière des personnes à leur mesure de protection. La part de la participation dans la rémunération des mandataires individuels atteint 43 %, contre 15 % dans le budget des services. Des travaux sont envisagés depuis plusieurs années en vue de réformer le financement du secteur de la protection juridique des majeurs, quel que soit le mode d'exercice, et ce afin que la rémunération de la mesure soit plus adaptée à la charge effective de travail effectuée. Concernant la charge de travail des mandataires individuels, il convient de noter que, compte tenu de la hausse du nombre de mesures confiées à ces professionnels (+ 6,2 % entre 2023 et 2024), les services de l'Etat agréent de plus en plus de professionnels exerçant à titre libéral et ce, afin de répondre aux besoins des territoires. Ainsi, le nombre de mandataires individuels est passé de 2644 mandataires inscrits en 2019 (et 2170 financés) à 2821 inscrits (et 2465 financés) en 2024. Des mesures spécifiques ont également été prises pour faciliter les conditions de travail des mandataires individuels, notamment en assouplissant les règles relatives au recours au secrétariat spécialisé pour permettre son élargissement à la prestation de service, et en favorisant l'utilisation de locaux professionnels partagés. Par ailleurs, des réformes importantes ont été engagées sur le plan de la formation professionnelle pour favoriser la montée en compétence des mandataires judiciaires et leur garantir un niveau de qualification optimal avec, notamment, la création d'une licence professionnelle confiée aux universités en lieu et place du certificat national de compétence précédemment délivré. L'accent a également été mis sur la formation continue des mandataires qui est devenue obligatoire depuis la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie. Le décret qui permettra de définir les contours de cette nouvelle obligation est en cours d'élaboration. Ces réformes doivent permettre de renforcer l'intervention de ces professionnels auprès des personnes concernées et contribuer ainsi à asseoir davantage leur légitimité auprès des autres acteurs, mais aussi à renforcer l'attractivité du métier de MJPM et ainsi, multiplier les professionnels sur le terrain. Par ailleurs, afin d'accompagner la hausse d'activité des MJPM, le gouvernement a pris des dispositions pour financer des actions visant à améliorer le pilotage, l'interconnaissance et la coordination des acteurs intervenant auprès des majeurs protégés et à soutenir et le recours aux mesures alternatives aux mesures judiciaires de protection. Ces actions, conduites depuis trois ans, ont permis de financer 43 projets en 2024 pour un montant total de 1 400 000 €. S'agissant de l'indisponibilité temporaire des MJPM, le gouvernement a conscience de la situation particulière des MJPM exerçant à titre individuel et a entamé des réflexions, en lien avec le ministère de la Justice, afin de leur permettre de se faire substituer par un tiers en cas d'indisponibilité, dans le but d'éviter les situations de rupture de prise en charge des adultes vulnérables et de protéger au mieux les intérêts de ces derniers.