L'assistance du curateur pour changer une clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie est obligatoire mais pas suffisante

Commentaire de l’arrêt : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 janvier 2020, 18-26.683

 

La Cour de cassation vient de rappeler à l'occasion d'un changement de bénéficiaire d'assurance vie sous curatelle, que l'assistance du curateur est certes obligatoire mais que cette assistance ne valide pas que le majeur protégé était nécessairement sain d'esprit.

L’article 414-1 du Code civil dispose que : « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte ».

En application de cette décision, tous les contrats conclus par un majeur sous curatelle  peuvent être annulés en cas d'insanité d'esprit, quand bien même le curateur a bien validé l'opération.

En pratique, ces situations sont toutefois assez rares puisque le curateur va par définition s'assurer que le majeur qu'il assiste conclut un acte conforme à ses intérêts et que ce dernier en maîtrise bien les enjeux.

Dans le cas d'espèce, le souscripteur d’une assurance-vie, placé en curatelle renforcée, a modifié par avenant sa clause bénéficiaire avec l’assistance de son curateur, conformément à l’article L132-4-1 du code des assurances

A son décès, la veuve du majeur sous curatelle a agi en nullité de l’avenant pour insanité d’esprit.

La Cour d’appel a rejeté sa demande. Elle expose que l'avenant a bien été daté et signé par le curateur et que ce dernier, de par son mandat, avait nécessairement vérifié tant la volonté du souscripteur que  l’adéquation de sa demande avec la protection de ses intérêts.

Ainsi, la Cour d'Appel considère que l'assistance et la validation de l'opération par le curateur avaient de facto juridiquement validé que le majeur sous curatelle disposait de toutes ses facultés au moment de l'acte.

La Cour de Cassation a cassé cet arrêt au visa des articles 414-1, 414-2, 3° du Code civil et vient confirmer sa jurisprudence en la matière en retenant :
« qu’en statuant ainsi, alors que le respect des dispositions relatives à la régularité des actes accomplis par une personne placée sous le régime de curatelle ne fait pas obstacle à l’action en nullité pour insanité d’esprit, la Cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter l’existence du trouble mental [du souscripteur ]au moment de la conclusion du contrat d’assurance sur la vie litigieux […] a violé les textes susvisés ».

La question qui se posait dans l’affaire commentée était de savoir si la circonstance que le changement de bénéficiaire ait été accompli avec l’assistance du curateur et donc dans le respect des règles afférentes au régime de curatelle faisait obstacle à l’action en nullité des héritiers.

La Cour d'Appel a davantage privilégié la forme sur le fond. L'acte était valable au regard des dispositions de l'article  l’article L132-4-1 du code des assurances imposant l'assistance du curateur mais il ne l'était pas automatiquement sur le plan de l'intégrité du consentement du majeur sous curatelle.

En clair, la Cour de Cassation a rappelé que quand bien même les conditions de forme étaient réunies et que le curateur avait bien apposé sa signature sur l'acte de changement de bénéficiaire, il était toujours possible de faire annuler cet acte en apportant la preuve de l'insanité d'esprit du majeur sous curatelle.

Le critère déterminant est l’existence ou non d’un état d’insanité d’esprit au moment de l’acte litigieux qui s’apprécie principalement au regard des éléments médicaux, la charge de la preuve incombant au demandeur en nullité. A titre d'exemple, une hospitalisation au moment de la signature d'un acte aussi important permet souvent d'apporter la preuve d'un consentement altéré du majeur protégé.

En conclusion, l’assistance du curateur est une condition nécessaire à la régularité d’un avenant au contrat d’assurance-vie mais elle n’est pas suffisante.

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Assurance-Vie et Majeur Protégé

Signez là ! Voilà une formule qu’on connait bien en matière contractuelle pour le meilleur et pour le…  pire. 

Cette formule, on l’entend entre autres lors de la signature d’un contrat d’assurance-vie, et parfois, dans ce type de contrat on rencontre une situation malheureusement trop connue : 

Le contrat est imprimé, le nom du bénéficiaire déjà apposé, suggéré par une personne indélicate tenant la main du souscripteur. 
Il ne reste plus qu’à le signer. 
Il n’est alors pas très difficile de faire apposer une signature pour que la personne indélicate se voit transférer le bénéfice du contrat d’assurance-vie. 

On l’a compris des dérives sérieuses sont à craindre, car le souscripteur est en général âgé et influençable. 
Il est alors susceptible, souvent en fin de vie, de souscrire une assurance-vie ou de procéder au changement de la clause bénéficiaire d’un contrat déjà existant, au bénéfice d’une personne malveillante. 
La  question de l’intention réelle du souscripteur pourra se poser. 
Il conviendra d’agir vite, car les recours existent. 

D’un autre côté tout peut très bien se passer avec l’assurance-vie, car en dépit d’être un des terrains d’action préféré des prédateurs patrimoniaux, elle reste aussi un placement avantageux, c’est même le préféré des français. 

Elle a l’avantage de permettre de faire fructifier un capital et de le transmettre à un bénéficiaire désigné, qui au décès du souscripteur sera destinataire des fonds,  hors droits de succession en majeur partie. 

Mais attention, la souscription ou la gestion de ce type de contrat ont de lourdes conséquences juridiques. 
C’est la raison pour laquelle des dispositions spécifiques ont été mises en place en faveur des personnes qui n’ont pas la pleine capacité juridique. 
Nous verrons qu’il en découle des obligations particulières pour les personnes en charge des mesures de protection de ces dernières. 


DISPOSITIONS PARTICULIERES EN FAVEUR DU MAJEUR PROTEGE ET OBLIGATIONS SPECIFIQUES DU MANDATAIRE JUDICIAIRE A LA PROTECTION DES MAJEURS

  • DISPOSITIONS PARTICULIERES CONCERNANT L’ASSURANCE-VIE EN TUTELLE ET EN CURATELLE

Une personne placée sous mesure de protection juridique ne pourra réaliser seule des opérations concernant l’assurance-vie. 
 

En tutelle 

Lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la souscription ou le rachat d'un contrat d'assurance sur la vie ainsi que la désignation ou la substitution du bénéficiaire ne peuvent être accomplis qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué (art.L.132-4-1.al.1 du code des assurances). 

Il s’agit d’actes de disposition. 

C’est le tuteur représentant la personne protégée dans la gestion de son patrimoine qui sollicitera l’autorisation du juge des tutelles  à cette fin. 

La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé dans un arrêt du 19 mars 2014, que seul le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. (cass.civ.1, 19 mars 2014 , n° de pourvoi: 13-12016). 

Si le majeur protégé a besoin de récupérer les sommes placées sur l’assurance-vie, le tuteur  pourra éventuellement procéder au rachat du contrat d’assurance-vie. 
Par contre, le bénéficiaire devra donner son accord au rachat. 

En curatelle 

Dans le cas de la curatelle, les opérations relatives à l’assurance-vie nécessitent la double signature du curateur et de la personne majeure sous protection. 

Le curateur assistera son protégé pour désigner un bénéficiaire,  modifier ou révoquer le bénéficiaire du contrat d’assurance-vie. 

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation l’a rappelé en précisant qu’une personne en curatelle ne peut procéder qu’avec l’assistance de son curateur à la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie pour lequel elle avait stipulé (Civ.2ème, 8 juin 2017, n°15-12.544). 

Dans l’hypothèse où le majeur protégé a besoin des fonds placés sur le contrat d’assurance-vie, il a la possibilité  de racheter le contrat. Par contre si le bénéficiaire  a accepté la clause bénéficiaire, il devra donner son accord au rachat 

  • OBLIGATIONS DU MANDATAIRE JUDICIAIRE A LA PROTECTION DES MAJEURS

Compte rendu annuel de gestion 

L’assurance vie fait partie du patrimoine de la personne sous tutelle, et à ce titre, elle doit apparaitre dans les comptes annuels de gestion. 

Soins prudents 

Il est conseillé au mandataire judiciaire à la protection des majeurs de ne prendre aucun risque dans la gestion des contrats d’assurance-vie, et donc d’apporter des soins prudents, diligents et avisés. 
A défaut la responsabilité du mandataire judiciaire pourrait être engagée. 

Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux le 1er juillet 2015, permet d’illustrer cette situation. 
Dans cette affaire, un tuteur avait résilié un contrat d’assurance-vie d’une personne sous protection juridique pensant qu’il s’agissait d’un simple placement financier. 
Ce faisant il a commis une faute engageant sa responsabilité, et permettant au bénéficiaire de l’assurance-vie de lui réclamer des dommages et intérêts (CA Bordeaux, 1er juillet 2015, n°13/06344). 

Le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, bénéficiaire du contrat d’assurance-vie 

Si le bénéficiaire du contrat d’assurance vie souscrit par un majeur sous tutelle ou sous curatelle n’est autre que son propre tuteur ou curateur, il y a une présomption d’opposition d’intérêts. 
Un autre tuteur ou curateur est nommé alors par le juge, afin d’assister le majeur. 


LA CLAUSE  BENEFICIAIRE DE L’ASSURE PROTEGE : DERIVES ET RECOURS 

  • LES DERIVES

Détournement de l'intention  réelle du souscripteur

Les dérives se traduisent par un processus de détournement de l’intention réelle du souscripteur. 

Le souscripteur peut jusqu’à son décès désigner, voir changer le bénéficiaire de son ou ses contrats d’assurances-vie, par voie d’avenant. 
Les changements tardifs posent la question de son intention réelle. 
Sa volonté est-elle réelle, ou a-t-elle été influencée par une ou des personnes de son entourage, profitant de son affaiblissement ? 

En effet, « l’ami qui vous veut du bien » comme on l’appelle communément, n’est jamais très loin. 
Il rôde souvent  autour du souscripteur vulnérable. 
Il se montrera particulièrement attentif au souscripteur dans ses dernières années de vie, et sera soudainement  à ses petits soins, dans un objectif intéressé. 
Il oeuvrera souvent à un isolement organisé de sa victime. 
Attention, car ll pourra se montrer particulièrement convaincant. 
Comme on dit : « la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ». 

Il n’est pas rare de voir un ami, une femme de ménage, un voisin du souscripteur être désigné bénéficiaire d’assurance-vie, au détriment des héritiers. 
Ces derniers ne le sauront généralement que postérieurement au décès de l’assuré, qui verra le contrat d’assurance-vie se dénouer. 
Le solde se trouvant sur le contrat ira alors aux bénéficiaires désignés.

 

Les dérives dans le temps

Les dérives peuvent survenir à différents moments. 
C’est pourquoi plusieurs situations doivent être distinguées dans le temps : 

Le souscripteur pourra souscrire un contrat d’assurance-vie au bénéfice d’une personne déterminée, ou faire un avenant sur son contrat initial modifiant alors le bénéficiaire, avant ou après sa mise sous protection juridique. 

Le tuteur ou le curateur pourront être amenés à avoir connaissance de l’existence de la souscription de contrats ou d’avenants préalables à la mise sous protection. 
Absence de protection ne signifie pas absence de vulnérabilité. 
Le tuteur ou le curateur pourront le cas échéant détecter un abus et tenter d’y mettre fin. 

Après sa mise sous protection, le majeur protégé dispose des mêmes prérogatives de souscription de contrat ou modification de clause bénéficiaire, avec bien entendu l’intervention de son tuteur ou curateur. 
Ces derniers devront faire preuve de la plus grande prudence afin de contrecarrer le cas échéant les plans de personnes indélicates. 

Que ce soit avant ou après la mise sous protection, le curateur ou le tuteur auront un rôle particulièrement complexe à jouer. 

D’une manière générale, la clause  qui prévoit que les héritiers dans l’ordre des successibles sont bénéficiaires est conseillée. 
En effet, le principe reste que la clause bénéficiaire légale est « mes héritiers ». 

Cependant le choix du majeur protégé n’ira pas toujours dans cette direction. 
En matière de tutelle le juge peut en décider autrement en fonction des circonstances. Il autorisera, à la demande du tuteur, la désignation, voir le changement du bénéficiaire du contrat. 
Après l’ouverture d’une curatelle, le majeur protégé pourra se faire assister par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs pour ce faire. 
En tout état de cause, si le tuteur ou le curateur estiment que leur protégé a été abusé, ils disposent de recours. 

  • LES RECOURS DE L’ASSURE SOUS PROTECTION JURIDIQUE


L’opposabilité de la mise sous protection 

Il pourrait arriver que dans certaines circonstances, l’assuré protégé sous le régime de la curatelle ou de la tutelle, signe une nouvelle clause bénéficiaire sans l’intervention de son curateur ou tuteur. 
Evidemment ce changement de bénéficiaire ne pourra être opposable car il n’aura pas respecté les exigences de l’article L 132-4 du code des assurances. 
On rappelle que le curateur devra assister la personne protégée pour ce faire. 
Dans le cas d’une tutelle, le juge des tutelles devra autoriser le changement. 

La règle des deux ans 

L'acceptation du bénéfice d'un contrat d'assurance sur la vie conclu moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la curatelle ou de la tutelle du stipulant peut être annulée sur la seule preuve que l'incapacité était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés (art.L.132-4.al.3 du code des assuranceset 464 du code civil). 

Au-delà des deux ans : l’annulation pour insanité d’esprit 

Absence de mesure de protection au-delà des deux ans, ne signifie pas absence de vulnérabilité au-delà des deux ans. 

Aussi, l’acceptation d’un contrat d’assurance-vie, conclu plus de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la mesure de protection juridique, pourra encore être annulée. 
Il faudra pour cela se tourner vers l’article 414-1 du code civil selon lequel : 
« Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ». 

En d’autres termes, cela signifie que toute personne insane placée ou non sous un régime de protection peut agir en nullité d’un acte juridique. 
La santé mentale est donc la condition de validité de tout acte juridique, qui devra être annulé, s’il est passé par une personne affectée par un trouble mental. 
La jurisprudence le confirme et en exige la preuve. 

L’âge avancé de l’assuré permet de présumer – parfois à tort – que lors du changement de la clause bénéficiaire, il a pu subir un environnement proche qui aura su profiter d’une santé quelque peu défaillante, marquée par des troubles mentaux plus ou moins caractérisés, ne lui permettant pas de participer clairement, consciemment, au changement de bénéficiaire effectué. 
Ce sera au demandeur de prouver l’existence d’une altération des facultés mentales au moment de l’acte. 

Tant qu’il est en vie, l’absence de consentement ne peut être invoquée que par l’assuré lui-même (414-2 c.civ). 
La demande sera réalisée par la personne victime du trouble mental, ou en cas de tutelle, de son tuteur. 
En cas de curatelle, la personne protégée sera assistée de son curateur. 

En conclusion, comme tout instrument patrimonial, l’assurance-vie du majeur protégé  ou à protéger, pourra susciter la convoitise de personnes malhonnêtes. 

On l’a vu des recours juridiques existent, souvent fondés sur l’existence de preuves de l’incapacité ou du trouble mental du souscripteur. 

Certains prédateurs patrimoniaux plus organisés que les autres, et de manière préméditée, « prépareront le terrain » de manière à rendre ces recours plus difficiles. 

Aussi, la meilleure arme face à cette triste situation sera encore l’anticipation. 

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Fallait-il placer Johnny Hallyday sous tutelle ?

Depuis quelques jours, nous avons découvert que Johnny HALLYDAY avait établi un testament olographe par lequel il lègue tous ses biens à son épouse. Les deux enfants, Laura et David, a priori déshérités si la loi Californienne devait s'appliquer, se sentent bafoués et accusent leur belle-mère...mais de quoi au juste?

"Jamais notre Johnny n'aurait pu faire ça!" "il a été abandonné par son père, comment peut-il à son tour abandonner ses enfants"

Les commentaires des fans comme de beaucoup de commentateurs "autorisés" n'en reviennent pas. Leur Johnny si gentil a laissé un testament écrit de sa main par lequel son épouse Laetitia hérite de toute sa fortune (et de ses nombreuses dettes au passage).

Laetitia HALLYDAY est vilipendée, vouée aux gémonies, la belle-mère marâtre de Cendrillon, qui a tout manigancé, et qui est l'origine du désarroi des deux enfants biologiques de Johnny.

Ah bon? Mais si tel est le cas, alors j'en déduis que Johnny était sous influence, a été manipulé,  abusé de sa faiblesse, et, en un mot, qu'il relevait d'une mesure de protection...

De deux choses l'une :

- ou bien Johnny HALLYDAY était parfaitement libre de son consentement, non altéré mentalement au sens de la loi c'est à dire sain d'esprit, et dans ce cas ce testament est valable. C'est donc lui qui a décidé de tout léguer à son épouse. C'est lui le "méchant père" dans cette histoire et certainement pas son épouse;

- ou bien, au moment où son testament a été rédigé il n'était pas en capacité de rédiger cet acte, qu'il était donc diminué et sous influence et qu'il n'a donc pas compris les enjeux de ce qu'il a écrit, et dans ce cas, le testament pourrait être attaqué voire annulé.

Aux termes de l’article 414-1 du Code civil :

« Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité de prouver l’insanité d’esprit »

Aux termes de l’article 901 du Code Civil :

« Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ».

Ceux qui contestent le testament doivent donc prouver qu'au moment de le rédiger, Johnny était atteint d'un trouble mental.

Cette preuve est très difficile à apporter en pratique.

Elle est plus facile à apporter lorsque la personne qui a testé s'est trouvée placée sous mesure de protection quelque temps après avoir établi son testament.

Très souvent avant la mise sous tutelle d'une personne, des personnes mal intentionnées se font remettre des procurations, se font désigner sur des assurances vie ou sur un testament. C'est la mise sous protection qui permet de constater ces exactions et de les faire annuler.

Alors Johnny avait-il besoin d'une mesure de protection? Bien que ne le connaissant pas personnellement, j'en doute.

Tout d'abord, Johnny ne s'est jamais caché de vouloir contourner la loi française quand elle lui était défavorable, surtout sur le plan fiscal.

Ainsi, il avait acheté un chalet en Suisse pour se déclarer résident suisse et ne plus payer d'impôts en France.

Les droits de succession n'existent pas en Californie. Ainsi, si la loi californienne devait s'appliquer à la succession du rocker français, la dévolution de tout le patrimoine se fera sans que Laeticia n'ait à payer le moindre droit.

Si ce testament n'avait pas existé et si la loi française s'appliquait, les enfants HALLYDAY n'auraient pas eu nécessairement davantage accès au patrimoine de leur père.

Lorsque l’un des époux a des enfants issus d'une précédente union, son conjoint ne peut prétendre qu’au quart de sa succession en pleine propriété.

Mais de nombreux époux se consentent une donation au dernier vivant pour augmenter la protection de leur conjoint.

La donation entre époux est alors particulièrement intéressante car elle lui permettra soit de recueillir des droits en propriété plus étendus, soit d'exercer un usufruit sur la totalité de la succession, soit encore de mélanger propriété et usufruit.

En l'espèce, si une telle donation existe, Laetitia HALLYDAY pourrait devenir, sous le régime légal français par exemple, usufruitière de la totalité de la fortune de Johnny. Elle pourrait percevoir les fruits de cette succession (loyers de villas, droits d'auteur etc...). Ce n'est qu'au décès de l'usufruitier ou avec son accord, que les nus-propriétaires (dans notre exemple David, Laura et les deux enfants adoptées Jade et Joy) pourraient accéder à la propriété du patrimoine.

Laetitia HALLYDAY étant âgée de seulement 43 ans, c'est à dire plus jeune que David, et à peine plus âgée que Laura, ces derniers n'ont que peu de chance de toucher l'héritage de leur père au décès de leur belle-mère...sauf à ce que celle-ci meurt prématurément.

Une des hypothèses qui pourrait réhabiliter Johnny HALLYDAY dans le rôle du "gentil" est que ce dernier a pu souhaiter, via ce testament, que son épouse, en qui il avait manifestement toute confiance notamment pour gérer ses biens, hérite de tout, sous couvert de la loi californienne, fiscalement bien plus intéressante puisqu’il n’y a pas de droits de succession. Ainsi, la succession est dévolue sans que les héritiers ne payent un centime au fisc français.

A charge ensuite pour elle de négocier avec ses beaux enfants, David et Laura, sur ce qui pourrait leur revenir. Johnny HALLYDAY a peut-être prévu ce type d’engagement moral, imposant à son épouse de négocier avec ses deux premiers enfants, ce que nous ignorons pour l'instant.

En mettant sur la place publique une affaire qui aurait dû rester privée, Laura et David HALLYDAY remplissent l'objectif qu'ils poursuivaient : obtenir qu'un pays entier se ligue contre leur belle-mère pour la forcer à s'asseoir à une table de négociations. Ils savent que quelle que soit la loi applicable, ils auraient eu un accès très restreint à leur part d’héritage.

En revanche, qu’ils soient tous deux privés d’un droit de regard voire d’autorisation sur le droit moral de leur père, c'est-à-dire sur le devenir de son œuvre, semble plus critiquable dans la mesure où Laura et David sont tous deux artistes et que David HALLYDAY notamment a réalisé l’album le plus vendu de son idole de père...

A suivre, le feuilleton ne fait que commencer!

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Le point sur le testament du majeur protégé

LE POINT SUR LE TESTAMENT DU MAJEUR PROTEGE

« Mon patrimoine…le travail de toute une vie… » raconte Claude.« J’ai bien le droit d’en faire ce que je veux et de savoir ce qu’il en adviendra après mon décès…alors quelles solutions s’offrent à moi, et dans quelles conditions ? » s’interroge t-il.

Quant à Gisèle, elle explique qu’elle n’a pas de patrimoine, mais que sa tante souhaite lui léguer sa maison à sa mort.
Elle se demande si sa situation le lui permet.

Cette situation, Claude et Gisèle la vivent tous les deux : ils sont sous mesure de protection juridique.
Cela ne doit pas les empêcher de se poser ces questions, ils en ont le droit.
Le droit des successions les concernent tout autant que chacun d’entre nous.

C’est sans compter le fait que le régime juridique du testament rédigé par le majeur protégé, ou dont il est le légataire, n’est pas simple.
En effet, même si aujourd’hui la liberté testamentaire est de mise pour le majeur protégé, il lui sera plus difficile de recevoir un legs, que de rédiger un testament.
Pour le comprendre, il faut avant tout cerner ce qu’est un testament, un legs, pour comprendre les conditions dans lesquelles le majeur protégé sera à même de faire un testament, de le révoquer ; de recevoir un legs ou d’y renoncer.
S’ajoute à cela la problématique de la validité du testament rédigé par le majeur avant sa mise sous protection juridique.

 

Avant tout qu’est-ce qu’un testament ?

On parlera ici de disposition à cause de mort, de testament, de testateur, de légataire.

Le testament est un acte par lequel une personne appelée testateur exprime sa volonté concernant la répartition de ses biens à son décès. Il ne produira d’effet qu’au décès de son auteur.

Le testateur a la possibilité d’avantager certaines personnes (les légataires), mais il ne pourra pas toucher à la part qu’on appelle « réserve héréditaire », qui est de droit réservée aux héritiers légaux. 
Une personne qui a des enfants ne pourra ainsi pas disposer de l’intégralité de son patrimoine dans la mesure où ses enfants sont des héritiers dits réservataires.

Notre droit reconnait plusieurs formes de testament, dont deux sont plus fréquemment utilisés.
Il s’agit du testament olographe et du testament authentique.

  • Le testament olographe

Il s’agit d’un testament manuscrit écrit obligatoirement de la main du testateur, daté et signé par lui. Il y va d’une condition de forme.

Il ne pourra ainsi pas consister en un texte imprimé ou une photocopie.
Cela s’explique notamment par le fait qu’il devra pouvoir être authentifié par une analyse graphologique.

Le testament olographe établi sur une feuille de papier libre sera le plus souvent conservé par le testateur chez lui. 
On peut alors imaginer qu’il puisse être détruit ou égaré, ou jamais découvert.
Le fait est qu’il doit pouvoir être retrouvé au jour où la personne décède. On peut donc s’interroger sur les moyens de conservation de ce dernier.
Pour plus de sécurité, il pourra être déposé dans un coffre à la banque, confié à une personne de confiance, ou déposé chez un notaire.

Il n’y a aucune obligation que le testament soit déposé chez un notaire; il est cependant préférable de l’envisager. Ce dernier l’inscrira au « Fichier central des dispositions des dernières volontés ». Ainsi, lors du décès, le notaire chargé de la successionen aura obligatoirement connaissance.

  • Le testament notarié

On parle aussi de « testament en la forme authentique ».

Il est établi devant deux notaires ou devant un notaire et deux témoins.

Il s’agit pour le notaire de prendre note des volontés du disposant (soit de sa main, soit dactylographié) mais le testament doit être dicté par la personne. Le notaire ne doit pas employer ses propres termes.
Il fait ensuite lecture intégrale du testament à son auteur pour vérification. 
Le testament est signé par le testateur, les témoins(ou le deuxième notaire), et par le notaire principal.
Enfin, le notaire conserve le testament en son étude et le fait enregistrer au fichier central des dernières volontés.

Le testament authentique est obligatoirement utilisé dans certains cas :

Le testateur ne sait pas écrire, ou n’est pas en état de le faire pour raison de santé.
Le testateur souhaite priver son conjoint survivant du droit viager sur le logement.

Il est conseillé de passer par le testament authentique dès lors que le testateur redoute que son testament fasse l’objet d’une contestation à son décès. 
On pense notamment au cas de la reconnaissance d’enfant naturel.

 

Une personne protégée peut-elle faire un testament ?

Oui, la personne protégée peut disposer de son patrimoine comme elle le souhaite au travers d’un testament à condition de respecter certaines conditions, notamment en tutelle, car en curatelle les choses sont plus simples.

  • En curatelle

La personne en curatelle peut librement tester sous réserve des dispositions de l'article 901 du code civil, selon lequel « pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit… ». (art.470,al.1er,C.civ).
Elle pourra ainsi rédiger seule un testament qui sera valable et recevra exécution à son décès.
Cela concerne toute forme de curatelle.
En tout état de cause, il faudra que le testateur soit sain d’esprit.

  • En tutelle

La liberté de tester est aujourd’hui un droit accordé au majeur sous mesure de tutelle, à condition de respecter certaines conditions.

Il devra demander au préalable, l’autorisation du conseil de famille, ou à défaut du juge des tutelles. 
Si le majeur rédigeait son testament sans autorisation, il n’aurait alors pas de valeur juridique, la nullité serait encourue (art.465,al.4,C.civ). 
La Cour d'Appel de Limoges rappelle qu’aux termes de l'article 476 alinéa 2 du code civil, la personne sous tutelle ne peut faire son testament après l'ouverture de la tutelle qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, à peine de nullité de l'acte. Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter cette occasion (CA Limoges, 30 octobre 2014, N° 13-00818).

Précisions qu’un certificat médical est soumis au juge en même temps que le testament. Même si ce dernier est fait sous seing privé, il sera relativement solide face à une contestation.

Il convient de souligner que le tuteur n’a pas à intervenir pour représenter, ou assister le majeur protégé dans cet acte (art.476,al.2,C.civ).
La raison s’explique par le caractère personnel de l’acte testamentaire.

 

Le majeur protégé peut-il révoquer son testament ?

  • En curatelle

La personne sous mesure de curatelle peut révoquer librement son testament.

  • En tutelle

La personne en tutelle peut seule révoquer le testament fait avant ou après l'ouverture de la tutelle (art.476, al.3,C.civ).
A l’inverse de l’établissement du testament, aucune autorisation n’est requise. 
Le majeur protégé bénéficie ainsi comme tout à chacun du principe de libre révocabilité du testament.
Il pourra si bon lui semble revenir sur ses choix, jusqu’à son décès, les effets de son testament ne se produisant qu’à partir de ce moment.

 

Une personne protégée a-t-elle le droit de recevoir un legs ?

Le majeur protégé bénéficiaire d’un testament, est un légataire.

  • En curatelle

La personne en curatelle n’a pas à être assistée pour recevoir un legs.

Précisons que concernant le legs universel ou à titre universel, l’acceptation pure et simple du legs est considérée comme un acte de disposition, alors que l’acceptation à concurrence de l’actif net est considérée comme un acte d’administration (annexe 1, décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008).

Il pourra donc accepter seul un legs à concurrence de l’actif net, mais devra être assisté de son curateur pour accepter purement et simplement le legs.

Pour ce qui d’un legs particulier, il pourra l’accepter seul, s’il est non grevé de charges.
A défaut, il devra être assisté de son curateur (annexe 1 du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008).

  • En tutelle

Concernant l’acceptation d’un legs universel ou à titre universel ; l’acceptation pure et simple sera considérée comme un acte de disposition, alors que l’acceptation à concurrence de l’actif net, un acte d’administration (annexe 1 du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008).

Aussi, l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles devra être obtenue par le tuteur, pour accepter purement et simplement.
Par contre, le tuteur pourra accepter seul ces legs, à concurrence de l’actif net.

Concernant l’acceptation d’un legs à titre particulier ; le tuteur devra requérir l’autorisation du conseil des familles ou du juge des tutelles, s’il s’agit d’accepter un legs grevé de charges.
A défaut, il pourra accepter seul.

 

La renonciation à un legs ?

En curatelle, comme en tutelle, la renonciation à un legs, à un legs universel grevé de charges, sont considérés comme des actes de disposition (annexe 1 du décret 2008-1484 du 22 décembre 2008)

Il en est de même de la révocation d'une renonciation à une succession ou à un legs universel ou à titre universel.

 

Un testament rédigé avant une mise sous protection est-il valable ?

En principe oui, sauf contestations.

  • Une validité de principe

Le testament rédigé par la personne sous curatelle avant sa mise sous protection est considéré comme valable

Le testament fait antérieurement à l'ouverture de la tutelle reste valable à moins qu'il ne soit établi que, depuis cette ouverture, la cause qui avait déterminé le testateur à disposer a disparu (art.476,al.4,C.civ).
Lorsque le testament a été écrit entre l’examen de son auteur par le médecin et le jugement de mise sous protection, on considère qu’il est valable. Il conviendra cependant que le rapport du médecin et des témoignages, montrent que le testateur avait encore des facultés suffisantes de discernement.

  • Une validité contestable

On remarque souvent que les problèmes se posent avant la mise sous protection. En effet, l’état de la personne se dégrade en général de manière progressive, jusqu’à ce qu’une mise sous protection s’impose. C’est durant cette période sensible, que les abus peuvent se produire. 
C’est la raison pour laquelle Le droit permet par plusieurs moyens de faire annuler des dispositions testamentaires, par celui qui entend les contester :

-Tout d’abord citons l’article 901 du code civil qui trouve naturellement à s’appliquer et qui dispose que : « Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ».

Ainsi, la loi permet d’annuler un testament rédigé par une personne qui n’était pas saine d’esprit au moment de la conclusion de l’acte.
Il conviendra pour ce faire d’apporter la preuve de l’insanité d’esprit au moment de la rédaction de l’acte, ce qui ne sera pas toujours chose aisée.

-La loi prévoit également des dispositions spécifiques qui concernent cette période sensible. Il s’agit notamment de l’article 464 du code civil qui fait référence à ce qu’on appelle la « période suspecte » et qui indique que : « Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés. Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée. Par dérogation à l'article 2252, l'action doit être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d'ouverture de la mesure».

-En outre et sauf  exceptions, certaines professions ne peuvent bénéficier de dispositions testamentaires.
« Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité » (c.civ.art.909).
Par contre une personne âgée peut valablement tester au profit de son aide ménagère, qui n’est frappée par aucune incapacité de recevoir à titre gratuit (cass.civ.1ère, 25 septembre 2013, n°12-25160).

-Enfin la cause qui a déterminé le testament a pu disparaitre (art.476,al.4,C.civ).

*                      *

*

Nous venons de voir que le majeur protégé n’est pas dépourvu de toute capacité testamentaire, contrairement à ce qu’on pouvait supposer, puisqu’il n’est pas théoriquement en mesure de sauvegarder ses intérêts.

Cela est heureux d’autant plus que le testament est un acte éminemment personnel.

En tout état de cause "la personne qui doit parler pour l’incapable, c’est d’abord le majeur protégé lui-même, s’il le peut" (Ph MALAURIE).

Reste le délicat problème de savoir jusqu’où peut aller la liberté testamentaire du majeur protégé face au risque de captation d’héritage.

LE POINT SUR LE TESTAMENT DU MAJEUR PROTEGE

 

« Mon patrimoine…le travail de toute une vie… » raconte Claude.« J’ai bien le droit d’en faire ce que je veux et de savoir ce qu’il en adviendra après mon décès…alors quelles solutions s’offrent à moi, et dans quelles conditions ? » s’interroge t-il.
 Quant à Gisèle, elle explique qu’elle n’a pas de patrimoine, mais que sa tante souhaite lui léguer sa maison à sa mort.
Elle se demande si sa situation le lui permet.  Cette situation, Claude et Gisèle la vivent tous les deux : ils sont sous mesure de protection juridique.
Cela ne doit pas les empêcher de se poser ces questions, ils en ont le droit.
Le droit des successions les concernent tout autant que chacun d’entre nous. C’est sans compter le fait que le régime juridique du testament rédigé par le majeur protégé, ou dont il est le légataire, n’est pas simple.
En effet, même si aujourd’hui la liberté testamentaire est de mise pour le majeur protégé, il lui sera plus difficile de recevoir un legs, que de rédiger un testament.
Pour le comprendre, il faut avant tout cerner ce qu’est un testament, un legs, pour comprendre les conditions dans lesquelles le majeur protégé sera à même de faire un testament, de le révoquer ; de  recevoir un legs ou d’y renoncer.
S’ajoute à cela la problématique de la validité du testament rédigé par le majeur avant sa mise sous protection juridique.
 

Avant tout qu’est-ce qu’un testament ?

On parlera ici de disposition à cause de mort, de testament, de testateur, de légataire.

Le testament est un acte par lequel une personne appelée testateur exprime sa volonté concernant la répartition de ses biens à son décès. Il ne produira d’effet qu’au décès de son auteur.

Le testateur a la possibilité d’avantager certaines personnes (les légataires), mais il ne pourra pas toucher à la part qu’on appelle « réserve héréditaire », qui est de droit réservée aux héritiers légaux. 
Une personne qui a des enfants ne pourra ainsi pas disposer de l’intégralité de son patrimoine dans la mesure où ses enfants sont des héritiers dits réservataires.

Notre droit reconnait plusieurs formes de testament, dont deux sont plus fréquemment utilisés.
Il s’agit du testament olographe et du testament authentique.

  • Le testament olographe

Il s’agit d’un testament manuscrit écrit obligatoirement de la main du testateur, daté et signé par lui. Il y va d’une condition de forme.

Il ne pourra ainsi pas consister en un texte imprimé ou une photocopie.
Cela s’explique notamment par le fait qu’il devra pouvoir être authentifié par une analyse graphologique.

Le testament olographe établi sur une feuille de papier libre sera le plus souvent conservé par le testateur chez lui. 
On peut alors imaginer qu’il puisse être détruit ou égaré, ou jamais découvert.
Le fait est qu’il doit pouvoir être retrouvé au jour où la personne décède. On peut donc s’interroger sur les moyens de conservation de ce dernier.
Pour plus de sécurité, il pourra être déposé dans un coffre à la banque, confié à une personne de confiance, ou déposé chez un notaire. 

Il n’y a aucune obligation que le testament soit déposé chez un notaire; il est cependant préférable de l’envisager. Ce dernier l’inscrira au « Fichier central des dispositions des dernières volontés ». Ainsi, lors du décès, le notaire chargé de la succession en aura obligatoirement connaissance.

  • Le testament notarié

On parle aussi de « testament en la forme authentique ».

Il est établi devant deux notaires ou devant un notaire et deux témoins.

Il s’agit pour le notaire de prendre note des volontés du disposant (soit de sa main, soit dactylographié) mais le testament doit être dicté par la personne. Le notaire ne doit pas employer ses propres termes.
Il fait ensuite lecture  intégrale du testament à son auteur pour vérification. 
Le testament est signé par le testateur, les témoins(ou le deuxième notaire), et par le notaire principal.
Enfin, le notaire conserve le testament en son étude et le fait enregistrer au fichier central des dernières volontés. 

Le testament authentique est obligatoirement utilisé dans certains cas :

Le testateur ne sait pas écrire, ou n’est pas en état de le faire pour raison de santé.
Le testateur souhaite priver son conjoint survivant du droit viager sur le logement.

Il est conseillé de passer par le testament authentique dès lors que le testateur redoute que son testament fasse l’objet d’une contestation à son décès. 
On pense notamment au cas de la reconnaissance d’enfant naturel. 

Une personne protégée peut-elle faire un testament ?

Oui, la personne protégée peut disposer de son patrimoine comme elle le souhaite au travers d’un testament à condition de respecter certaines conditions, notamment en tutelle, car en curatelle les choses sont plus simples.

  •         En curatelle

La personne en curatelle peut librement tester sous réserve des dispositions de l'article 901 du code civil, selon lequel « pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit… ». (art.470,al.1er,C.civ).
Elle pourra ainsi rédiger seule un testament qui sera valable et recevra exécution à son décès.
Cela concerne toute forme de curatelle.
En tout état de cause, il faudra que le testateur soit sain d’esprit.

 

  •          En tutelle

La liberté de tester est aujourd’hui un droit accordé au majeur sous mesure de tutelle, à condition de respecter certaines conditions.

Il devra demander au préalable, l’autorisation du conseil de famille, ou à défaut du juge des tutelles. 
Si le majeur rédigeait son testament sans autorisation, il n’aurait alors pas de valeur juridique, la nullité serait encourue (art.465,al.4,C.civ). 
La Cour d'Appel de Limoges rappelle  qu’aux termes de l'article 476 alinéa 2 du code civil, la personne sous tutelle ne peut faire son testament après l'ouverture de la tutelle qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, à peine de nullité de l'acte. Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter cette occasion (CA Limoges, 30 octobre 2014, N° 13-00818). 

Précisions qu’un certificat médical est soumis au juge en même temps que le testament. Même si ce dernier est fait sous seing privé, il sera relativement solide face à une contestation.

Il convient de souligner que le tuteur n’a pas à intervenir pour représenter, ou assister le majeur protégé dans cet acte  (art.476,al.2,C.civ).
La raison s’explique par le caractère personnel de l’acte testamentaire. 

 

Le majeur protégé peut-il révoquer son testament ?

  •          En curatelle

La personne sous mesure de curatelle peut révoquer librement son testament.

  •          En tutelle

La personne en tutelle peut seule révoquer le testament fait avant ou après l'ouverture de la tutelle (art.476, al.3,C.civ).
A l’inverse de l’établissement du testament, aucune autorisation n’est requise. 
Le majeur protégé bénéficie ainsi comme tout à chacun du principe de libre révocabilité du testament.
Il pourra si bon lui semble revenir sur ses choix, jusqu’à son décès, les effets de son testament ne se produisant qu’à partir de ce moment. 

Une personne protégée a-t-elle le droit de recevoir un legs ?

Le majeur protégé bénéficiaire d’un testament, est un légataire.

  •          En curatelle

La personne en curatelle n’a pas à être assistée pour recevoir un legs.

Précisons que concernant le legs universel ou à titre universel, l’acceptation pure et simple du legs est considérée comme un acte de disposition, alors que l’acceptation à concurrence de l’actif net est considérée comme un acte d’administration (annexe 1, décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008).

Il pourra donc accepter seul un legs à concurrence de l’actif net, mais devra être assisté de son curateur pour accepter purement et simplement le legs.

Pour ce qui d’un legs particulier, il pourra l’accepter seul, s’il est non grevé de charges.
A défaut, il devra être assisté de son curateur (annexe 1 du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008). 

  •          En tutelle

Concernant l’acceptation d’un legs universel ou à titre universel ; l’acceptation pure et simple sera considérée comme un acte de disposition, alors que l’acceptation à concurrence de l’actif net, un acte d’administration (annexe 1 du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008).

Aussi, l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles devra être obtenue par le tuteur, pour accepter purement et simplement.
Par contre, le tuteur pourra accepter seul ces legs, à concurrence de l’actif net.

Concernant l’acceptation d’un legs à titre particulier ; le tuteur devra requérir l’autorisation du conseil des familles ou du juge des tutelles, s’il s’agit d’accepter un legs grevé de charges.
A défaut, il pourra accepter seul. 

La renonciation à un legs ?

En curatelle, comme en tutelle, la renonciation à un legs, à un legs universel grevé de charges, sont considérés comme des actes de disposition (annexe 1 du décret 2008-1484 du 22 décembre 2008)

Il en est de même de la révocation d'une renonciation à une succession ou à un legs universel ou à titre universel.

 

Un testament rédigé avant une mise sous protection est-il valable ?

En principe oui, sauf contestations.

  •          Une validité de principe

Le testament rédigé par la personne sous curatelle avant sa mise sous protection est considéré comme valable

Le testament fait antérieurement à l'ouverture de la tutelle reste valable à moins qu'il ne soit établi que, depuis cette ouverture, la cause qui avait déterminé le testateur à disposer a disparu (art.476,al.4,C.civ).
Lorsque le testament a été écrit entre l’examen de son auteur par le médecin et le jugement de mise sous protection, on considère qu’il est valable. Il conviendra cependant que le rapport du médecin et des témoignages, montrent que le testateur avait encore des facultés suffisantes de discernement. 

  •          Une validité contestable

On remarque souvent que les problèmes se posent avant la mise sous protection. En effet, l’état de la personne se dégrade en général de manière progressive, jusqu’à ce qu’une mise sous protection s’impose. C’est durant cette période sensible, que les abus peuvent se produire. 
C’est la raison pour laquelle Le droit permet par plusieurs moyens de faire annuler des dispositions testamentaires, par celui qui entend les contester :
 

 

 

-Tout d’abord citons l’article 901 du code civil qui trouve naturellement à s’appliquer et qui dispose que : « Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ».

            Ainsi, la loi permet d’annuler un testament rédigé par une personne qui n’était pas saine d’esprit au moment de la conclusion de l’acte.
            Il conviendra pour ce faire d’apporter la preuve de l’insanité d’esprit au moment de la rédaction de l’acte, ce qui ne sera pas toujours chose aisée.

-La loi prévoit également des dispositions spécifiques qui concernent cette période sensible. Il s’agit notamment de l’article 464 du code civil qui fait référence à ce qu’on appelle la « période suspecte » et qui indique que : « Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés. Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée. Par dérogation à l'article 2252, l'action doit être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d'ouverture de la mesure».

-En outre et sauf  exceptions, certaines professions ne peuvent bénéficier de dispositions testamentaires.
 « Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité » (c.civ.art.909).
Par contre une personne âgée peut valablement tester au profit de son aide ménagère, qui n’est frappée par aucune incapacité de recevoir à titre gratuit (cass.civ.1ère, 25 septembre 2013, n°12-25160).

-Enfin la cause qui a déterminé le testament a pu disparaitre (art.476,al.4,C.civ).

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Nous venons de voir que le majeur protégé n’est pas dépourvu de toute capacité testamentaire, contrairement à ce qu’on pouvait supposer, puisqu’elle n’est pas théoriquement en mesure de sauvegarder ses intérêts.

Cela est heureux d’autant plus que le testament est un acte éminemment personnel.

En tout état de cause "la personne qui doit parler pour l’incapable, c’est d’abord le majeur protégé lui-même, s’il le peut" (Ph MALAURIE).

Reste le délicat problème de savoir jusqu’où peut aller la liberté testamentaire du majeur protégé face au risque de captation d’héritage.

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