Le consentement du majeur protégé en matière de libéralités et de consentement aux soins

 

Le 12ème congrès de l’AFFECT le samedi 26 septembre 2020 avait pour thème « Regards croisés sur le consentement de la personne vulnérable ». Professeurs de droit, notaires et MJPM se sont succédés sur ce thème particulièrement délicat. De profondes divergences de vue sont apparues sur les textes, creusant un véritable fossé entre les textes en vigueur et leur application pratique plus particulièrement sur le droit des libéralités et le consentement aux soins. Une synthèse est-elle possible ? Oui, si le droit et la pratique se rapprochent de l’éthique comme l’ont magistralement rappelé Karine Lefeuvre, vice présidente du Conseil consultatif national d’éthique et Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation.

Au cours de l’après-midi, de sa manière limpide et précise, Nathalie Peterka, professeur à l’université Paris Créteil, a rappelé le fonctionnement des libéralités, notamment pour la personne sous tutelle. Le juge doit apprécier la réalité de la volonté et l’intention libérale. Même sous tutelle, la personne est libre du contenu de son testament. Les libéralités, donation et testament, sont un acte personnel, faisant partie de la sphère d’autonomie de la personne, sauf le préjudice qu’elle se causerait évidemment, particulièrement dans le cas d’une donation, acte par lequel on se dépouille de son vivant.

Et pourtant s’est exprimé le témoignage d’une mandataire dont la personne qu’elle protège s’est vue refuser un testament au bénéfice de deux de ses frères, le juge exigeant qu’il soit rédigé au profit des héritiers, rendant le testament inutile dans ce cas,  puisqu’il en revient à la dévolution légale.

Maître Philippe Jean, notaire, était d’accord avec cette position. Pour lui, il est radicalement impossible de faire rédiger un testament au nom d’une personne, qui, par définition, est médicalement incapable de prendre des décisions pour elle-même. Il ne saurait engager sa responsabilité sur un acte qui resterait, malgré la décision du juge des tutelles, toujours annulable pour insanité d’esprit.

Le débat a aussi porté sur la donation partage.

Il pense que la personne concernée devait prendre l’initiative de s’organiser avant son incapacité et il ne se sent pas concerné par l’organisation fiscale d’une succession. Sur ce dernier point, en effet, les intérêts des héritiers, notamment fiscaux, ne sont pas à prendre en considération.

Mais une personne devient incapable parfois très jeune, ou moins (une personne de 70 ans peut hériter de ses parents), brutalement à la suite d’un accident de santé. La vie ne permet pas toujours d’anticiper. Il serait contraire aux intérêts d’une personne protégée que la gestion de son patrimoine reste figée.

Un acte comme une donation partage n’a pas que des incidences fiscales, ou successsorales. Elle peut aussi aboutir à un allègement des charges, à une organisation destinée à maintenir de bonnes relations familiales ultérieures, notamment dans les patrimoines complexes issus de familles recomposées.

Cette position du juge et du notaire peut être considérée comme un abus de pouvoir dans le seul objectif de ne pas prendre le risque de voir engager sa responsabilité pour un acte qui serait déclaré nul ultérieurement.

Le juge et le notaire engagent-ils leur responsabilité si l’acte est annulé suite à l’action d’héritiers qui se considèreraient comme lésés après le décès ?

Certainement pas. Ils se sont fait garantir par un certificat médical ayant pour objectif de mesurer le degré d’expression de la volonté, surtout si la personne est sous emprise d’un tiers. Le juge a procédé personnellement à l’audition de la personne.

Comme l’a clairement défini Madame Séverine Roy, MJPM, Présidente de la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs, le rôle du mandataire est crucial pour garantir au juge l’authenticité et l’intégrité du consentement, expression d’une saine volonté. Connaître la personne, l’écouter, lui expliquer les enjeux et les conséquences de son acte, lui faire bénéficier d’une consultation, lui donner le temps de réfléchir, mesurer ce qu’elle veut et surtout ce qu’elle ne veut pas. Le MJPM doit se comporter pour la gestion des affaires comme il le ferait pour lui-même : prendre conseil, s’informer, réfléchir…

La gestion doit être prudente, diligente et avisée.

Le MJPM sera ainsi en mesure d’exposer au juge son sentiment sur la réelle volonté de la personne et lui indiquer le cheminement qui lui a permis d’y parvenir. Son point de vue permettra au juge de construire sa décision pour approcher au mieux le respect de la volonté de la personne comme l’exigent incontestablement les textes.

Si l’expression de la volonté menant à un consentement éclairé est clairement exprimée, l’acte en sera d’autant moins annulable ultérieurement suite à l’action d’un héritier ou d’un tiers mécontent.

Ainsi, le juge et le notaire n’ont aucun motif de renverser les valeurs et de ne pas respecter la volonté de la personne si elle est conforme à son intérêt, comme le leur impose le code civil.

*   *   *

La situation est plus délicate pour les soins médicaux et plus généralement, les décisions d’ordre personnel. Il n’y a pas de nullité possible en raison de l’impossibilité de retour en arrière en matière de soins médicaux, même si l’on peut revenir en arrière pour certaines décisions personnelles comme le choix du domicile. Ainsi, le mandataire et le juge doivent se montrer encore plus vigilants.

De plus, s’ajoute une incohérence entre le code de la santé publique et le code civil, repérée dès la loi du 5 mars 2007.  Cette incohérence n’a pas été résolue par l’ordonnance du 11 mars 2020.

Existe-t-elle d’ailleurs, cette ordonnance ? Avec humour et précision, Gilles Raoul-Cormeil, professeur à l’université de Bretagne, a refait le cheminement du texte et évoqué les contortion du Conseil constitutionnel, invoquant un immuable « bloc de constitutionnalité » pour réparer les incohérences du gouvernement qui « oublie » de faire ratifier ses ordonnances.

Peu importe qu’elle s’applique, car elle est à peine plus claire que le texte initial. En tout cas, Légifrance indique : « Conformément à l’article 46 de l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020, ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et au plus tard le 1er octobre 2020.

Elle est applicable aux mesures de protection juridique en cours au jour de son entrée en vigueur et aux situations dans lesquelles aucune décision n'a été prise au jour de son entrée en vigueur. »

On doit donc la considérer comme applicable.

En matière de soins, à quoi doit consentir le tuteur à la personne ? Quel est son rôle en présence d’une personne de confiance ? Doit-t’il consentir ou autoriser ? Peut-il faire rédiger des directives anticipées ? A quel moment passe-t’on du soin « ordinaire » aux soins palliatifs de la loi Leonetti ? Où commence l’acharnement thérapeutique ? Ces questions se sont posées lors du confinement dans les EHPAD et se posent toujours de façon dramatique.

Quel que soit le vocabulaire maladroit des articles L1111-2 du code de la santé publique sur l’information du patient, et de l’article L1111-4 sur  son consentement, il semble pourtant que le code de la santé publique reste une référence en matière d’expression de la volonté et de la recherche du consentement.

Il n’est pas interdit de pratiquer les termes plus modernes de l’ordonnance du 11 mars 2020, car elle supprime la notion de représentant légal qui n’était pas fausse en 2002, mais traitait les majeurs comme les mineurs. On assiste enfin à un changement de paradigme depuis la loi de 2007 qui a cessé de confondre la protection des majeurs avec celle des mineurs.

  • Désormais, pour l’information prévue à l’article L1111-2 du code de la santé publique, les majeurs ont une référence différente : « III.-L'information prévue au présent article est délivrée aux personnes majeures protégées au titre des dispositions du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil d'une manière adaptée à leur capacité de compréhension.
    « Cette information est également délivrée à la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. Elle peut être délivrée à la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec assistance à la personne si le majeur protégé y consent expressément. » ;

En conséquence, l’information est délivrée au tuteur à la personne, et au curateur si la personne y consent expressément. Si la personne le demande, le secret médical pourra être opposé au curateur.

En cas de difficulté, si la personne se met en danger, le curateur pourra toujours saisir le juge qui est chargé de régler les conflits.

  • Sur le consentement, la responsabilité de l’acte médical revient au médecin. Le code de la santé publique ne demande ni au tuteur ni au juge de décider.

Article L1111-4 : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.

Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d'interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L'ensemble de la procédure est inscrit dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.

Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical.

Le consentement, mentionné au quatrième alinéa du mineur, le cas échéant sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.

Le consentement, mentionné au quatrième alinéa, de la personne majeure faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne doit être obtenu si elle est apte à exprimer sa volonté, au besoin avec l'assistance de la personne chargée de sa protection. Lorsque cette condition n'est pas remplie, il appartient à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne de donner son autorisation en tenant compte de l'avis exprimé par la personne protégée. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l'un ou l'autre à prendre la décision.

Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur si le patient est un mineur, ou par la personne chargée de la mesure de protection juridique s'il s'agit d'un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur protégé, le médecin délivre les soins indispensables.

L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être, au préalable, informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre.

Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d'interventions.

Ainsi, le tuteur à la personne intervient pour accompagner donner une autorisation ou saisir le juge en cas de conflit avec la personne en tutelle.

  • Quelle est la place du tuteur par rapport à la personne de confiance?

Article L1111-6 : « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment.

Si le patient le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.

Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, ou dans un hôpital des armées ou à l'Institution nationale des invalides, il est proposé au patient de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues au présent article. Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation, à moins que le patient n'en dispose autrement.

Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s'assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l'invite à procéder à une telle désignation.

Lorsqu'une personne fait l'objet d'une mesure protection juridique avec représentation relative à la personne, elle peut désigner une personne de confiance avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Dans l'hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer.

Cette personne de confiance est souvent maintenue de façon tacite. Elle assure le lien entre la personne protégée, grande dépendante et le tuteur à la personne que le juge maintient quand il y a un conflit familial. Dans la mesure où la personne de confiance existe aussi dans le code de l’action sociale et de la famille pour les relations avec le mandataire, il ne devrait pas y avoir de difficulté pratique pour un système dont on constate qu’il fonctionne bien.

Ainsi, chacun est à sa place : la personne de confiance accompagne la personne au quotidien, le tuteur à la personne donne son autorisation formelle, qui sera alors de nature plutôt administrative. Mais il est aussi le garant de ce qu’il a rempli sa mission et valide que l’acte médical est bien, de son point de vue, dans l’intérêt du patient.

Ainsi, le code de la santé publique est la référence en matière de consentement aux soins, ce qui va de doit, mais peut être considéré aussi comme une référence en matière de consentement en général.

On peut rapprocher cette solution à la réforme du droit du mariage : la personne sous tutelle peut décider de se marier sans autorisation, sans nécessité de l’accord du juge, s’agissant d’un droit fondamental. Mais le tuteur peut saisir le procureur s’il a un doute sur l’intérêt du majeur à contracter le mariage qu’il a progeté.

  • Sur la communication des informations et du dossier médical, les règles sont les mêmes.

Article L 1111-7 : « Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels de santé, par des établissements de santé par des centres de santé, par le service de santé des armées ou par l'Institution nationale des invalides qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.

Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie en application du quatrième alinéa. Lorsque la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, la personne en charge de la mesure a accès à ces informations dans les mêmes conditions. Lorsque la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique avec assistance, la personne chargée de l'assistance peut accéder à ces informations avec le consentement exprès de la personne protégée.

La présence d'une tierce personne lors de la consultation de certaines informations peut être recommandée par le médecin les ayant établies ou en étant dépositaire, pour des motifs tenant aux risques que leur connaissance sans accompagnement ferait courir à la personne concernée. Le refus de cette dernière ne fait pas obstacle à la communication de ces informations.

À titre exceptionnel, la consultation des informations recueillies, dans le cadre d'une admission en soins psychiatriques décidée en application des chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie du présent code ou ordonnée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, peut être subordonnée à la présence d'un médecin désigné par le demandeur en cas de risques d'une gravité particulière. En cas de refus du demandeur, la commission départementale des soins psychiatriques est saisie. Son avis s'impose au détenteur des informations comme au demandeur.

Sous réserve de l'opposition prévue aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1, dans le cas d'une personne mineure, le droit d'accès est exercé par le ou les titulaires de l'autorité parentale. A la demande du mineur, cet accès a lieu par l'intermédiaire d'un médecin.

En cas de décès du malade, l'accès des ayants droit, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité à son dossier médical s'effectue dans les conditions prévues au dernier alinéa du V de l'article L. 1110-4.

La consultation sur place des informations est gratuite. Lorsque le demandeur souhaite la délivrance de copies, quel qu'en soit le support, les frais laissés à sa charge ne peuvent excéder le coût de la reproduction et, le cas échéant, de l'envoi des documents.

 

  • La situation est moins claire pour les directives anticipées.

L’article L 1111-11 traite des directives anticipées : « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médicaux.

À tout moment et par tout moyen, elles sont révisables et révocables. Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu'elle se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle les rédige.

Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.

La décision de refus d'application des directives anticipées, jugées par le médecin manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, est prise à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire et est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définit les conditions d'information des patients et les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. Les directives anticipées sont notamment conservées sur un registre national faisant l'objet d'un traitement automatisé dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Lorsqu'elles sont conservées dans ce registre, un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur.

Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées.

Lorsqu'une personne fait l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, elle peut rédiger des directives anticipées avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. La personne chargée de la mesure de protection ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion.

Pour ne pas respecter les directives anticipées, si elles sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale, il est nécessaire de prendre une décision collégiale.

Toutes ces règles sont prescrites sauf urgence vitale. Leur respect est donc de la responsabilité exclusive du médecin.

Les directives anticipées fonctionnent comme le testament : pour la personne en tutelle elles sont rédigées avec l’autorisation du juge, mais le tuteur n’a pas pouvoir de l’assister ou la représenter. Il s’agit du « colloque singulier » entre le patient et son médecin, son rapport à sa maladie et à son corps, sous le regard du médecin qui détient la responsabilité d’être le seul interlocuteur du patient en matière de soins médicaux.

En revanche, le tuteur à la personne a le devoir de donner son opinion au juge.

  • En l’absence de directives anticipées

Il faut signaler l’article L1111-12 pour savoir qu’elle aurait été la volonté : « Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin a l'obligation de s'enquérir de l'expression de la volonté exprimée par le patient. En l'absence de directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11, il recueille le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches. »

Le mandataire ne fait pas partie des personnes interrogées. On peut penser cependant que, pour les personnes très isolées, le médecin interrogera le tuteur ou le curateur car il sera considéré comme un proche.

Il en est de même pour l’article L1111-13 pour l’arrêt des soins : Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin peut décider de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne, après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et consulté la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne. Sa décision, motivée, est inscrite dans le dossier médical.
Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10.

Le tuteur à la personne veillera à ce qu’il y ait bien une décision collégiale  et la prescription de soins palliatifs, la sauvegarde de la dignité du mourant et la qualité de la fin de vie.

  • La situation est plus simple pour le dossier médical partagé : article L1111-14 : « Le dossier médical partagé est créé sous réserve du consentement exprès de la personne ou de son représentant légal s'il s'agit d'un mineur. Si le patient est une personne majeure protégée et n'est pas apte à exprimer sa volonté, la personne chargée à son égard d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne peut autoriser la création du dossier médical partagé, en tenant compte de son avis.»

Il s’agit là encore d’une autorisation et non d’une décision qui relève du médecin en accord direct avec la personne.

  • La coordination des soins et le dossier partagé

L1111-15 : « Dans le respect des règles déontologiques qui lui sont applicables ainsi que des articles L. 1110-4, L. 1110-4-1 et L. 1111-2, chaque professionnel de santé, quels que soient son mode et son lieu d'exercice, reporte dans le dossier médical partagé, à l'occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge. A l'occasion du séjour d'une personne prise en charge, les professionnels de santé habilités des établissements de santé reportent dans le dossier médical partagé, dans le respect des obligations définies par la Haute Autorité de santé, un résumé des principaux éléments relatifs à ce séjour. Le médecin traitant mentionné à l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale verse périodiquement, au moins une fois par an, une synthèse dont le contenu est défini par la Haute Autorité de santé. La responsabilité du professionnel de santé ne peut être engagée en cas de litige portant sur l'ignorance d'une information qui lui était masquée dans le dossier médical partagé et dont il ne pouvait légitimement avoir connaissance par ailleurs.

Les données nécessaires à la coordination des soins issues des procédures de remboursement ou de prise en charge qui sont détenues par l'organisme dont relève chaque bénéficiaire de l'assurance maladie sont versées dans le dossier médical partagé.

Le dossier médical partagé comporte également des volets relatifs au don d'organes ou de tissus, aux directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11 du présent code, à la personne de confiance mentionnée à l'article L. 1111-6 du présent code et à la personne de confiance mentionnée à l'article L. 311-5-1 du code de l'action sociale et des familles.

Le dossier médical partagé comporte aussi un volet relatif aux personnes qui remplissent auprès du titulaire du dossier la qualité de proches aidants ou de proches aidés, en ce qu'elles aident le titulaire du dossier ou reçoivent une aide du titulaire du dossier, au sens de l'article L. 113-1-3 du même code, soit en raison de l'âge, d'une situation de handicap ou d'une maladie.

Les informations mentionnées au quatrième alinéa du présent article sont renseignées dans le dossier médical partagé par son titulaire ou par le médecin traitant, mentionné à l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, du titulaire à la demande du titulaire ou d'un proche aidant.

Lorsque les personnes désignées possèdent un dossier médical partagé, ces informations sont ajoutées dans leur dossier médical partagé. Elles peuvent être modifiées à tout moment à la demande de l'une d'entre elles.

Certaines informations peuvent être rendues inaccessibles par le titulaire du dossier médical partagé. Si ce dernier est un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne et n'est pas apte à exprimer sa volonté, la décision est prise par la personne chargée à son égard de la mesure de protection, en tenant compte de son avis.

Ainsi, le tuteur à la personne peut s’opposer à ce que certaines informations figurent dans le dossier partagé. Il s’agit là d’une décision.

Le proche aidant est celui qui est amené à dispenser des soins et pour ce faire a reçu une formation spécifique. On aimerait que ce statut de proche-aidant soit mieux reconnu dans les EHPAD.

Article L1111-16 : « Le médecin coordonnateur mentionné au V de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles a accès au dossier médical partagé de la personne hébergée dans l'établissement sous réserve de l'accord de celle-ci ou, si la personne hébergée est un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne et n'est pas apte à exprimer sa volonté, de la personne chargée de cette mesure, qui tient compte de l'avis de la personne protégée.

Le médecin traitant mentionné à l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale dispose d'un droit d'accès au dossier médical partagé lui permettant d'accéder, par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 1111-15 du présent code, à l'ensemble des informations contenues dans ce dossier.

Qui sait que le médecin coordonnateur de l’EHPAD peut se voir interdire l’accès au dossier partagé sur avis du patient ou de son tuteur à la personne ?

Ainsi, comme l’ont exprimé Monsieur Denis Berthiau, chercheur en bioéthique et Monsieur Mikaël Reverseau, mandataire au CHU de psychiatrie de Paris, la place du tuteur est particulièrement délicate en matière de consentement aux soins. Les pouvoirs restent à la personne protégée, même si elle se trouve en tutelle. La responsabilité de l’acte médical, quant à elle, relève du médecin.

*   *   *

Madame Karine Lefeuvre, vice présidente du Conseil consultatif national d’éthique, a rappelé qu’il s’agissait, dans une situation complexe, de la recherche du sens par l’instauration d’une relation de confiance.

Madame Anne Caron- Déglise a eu le dernier mot avec la formule que tous les professionnels devraient appliquer : veiller à ce que le refus, plus facile à exprimer, soit respecté, et trouver la plus forte adhésion possible à une proposition.

Cabinet d’avocats Marie-Hélène ISERN-REAL
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