Tuteur familial

La loi permet à toute personne n’ayant pas d’altération de ses facultés mentales de désigner à l’avance une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle. Ce choix est totalement libre, cette désignation anticipée pouvant porter sur un membre de la famille , un proche ou toute autre autre personne. (article 448 du code civil)

Ce choix s’exerce soit par une déclaration effectuée devant notaire, soit par un acte sous-seing privé, l’acte devant être rédigé, daté et signé de la main du majeur.

Pour que ce droit puisse s’exercer si une mesure de protection devait être mise en place, cette désignation anticipée doit être connue pour que le juge en ait connaissance, si celui-ci devait ouvrir une mesure de protection. Voir l'article désignation anticipée de son curateur ou tuteur)

Cette désignation anticipée est différente de la désignation d’un mandataire dans le cadre du mandat de protection future qui permet de confier un mandat précis, qui s’exercera hors de la sphère judiciaire. Voir l'article sur le mandat de protection future

Cette décision anticipée s’impose au juge, sauf si la personne désignée refuse la mission ou est dans l'impossibilité de l'exercer ou si l'intérêt de la personne protégée commande de l'écarter. En cas de difficulté, le juge statue.

1 - Nomination d’un tuteur familial

A défaut de désignation anticipée ou d’un mandataire dans le cadre du mandat de protection future, la loi du 5 mars 2007 pose comme principe la priorité familiale, la protection d’une personne vulnérable étant un « devoir des familles ». En conséquence, elle impose au juge un ordre de priorité :

L’article 449 du code civil prévoit que le juge nomme, comme curateur ou tuteur,

- le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure.

Si la loi pose le principe que la protection d’une personne vulnérable est un « devoir des familles », il n’y a aucune obligation, pour ces derniers à exercer la mesure de protection, une telle obligation pouvant se révéler contraire aux intérêts de la personne à protéger.

A défaut, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables.

Le choix de cette désignation est plus large puisque les parents et alliés regroupe les ascendants, descendants, frères et sœurs, les membres alliés comme les belles-sœurs ou beaux-frères, gendres,…. Aucune priorité ne s’impose au juge dans ce choix entre les membres.

Pour ce faire, le juge prend en considération les sentiments exprimés par le majeur à protéger, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage.

Le juge ne pourra pas désigner un mandataire qui n’appartient pas à une des catégories ci-dessus. Si aucune des personnes désignées à l’article 449 ne peut exercer la mesure de protection, le juge nommera un mandataire judiciaire à la protection des majeurs professionnel (association, mandataire privé ou préposé d’établissement). Voir l'article sur le statut et modes d’exercice des MJPM

2 - Exercice collégial de la mesure de protection

La loi de 2007 permet également au juge de désigner plusieurs personnes pour exercer la mesure de protection, les personnes désignées devant se répartir les tâches. Une telle organisation de cotutelle ou cotutelle ne peut se faire que dans le cadre d’une entente entre les personnes chargées de l’exécution de la mesure.

Le juge peut également confier des missions différentes aux personnes désignées comme par exemple la protection de la personne à l’un, la protection des biens à l’autre.

Il peut également confier une mission générale à un tuteur ou curateur et désigner un curateur ou tuteur adjoint pour la gestion de biens en particulier.

Dans le cadre des missions différentes confiées (protection aux biens, protection à la personne ou gestion particulière de biens en particulier), les personnes chargées de ces missions ne sont responsables que des actes qu’elles effectuent. Mais elle ont l’obligation de s’informer mutuellement.

Ces possibilités très souples permettent de tenir compte de la situation comme la complexité de la gestion, la disponibilité des personnes, leurs compétences. Dans les faits, cette collégialité est peu utilisée dans le cadre de mesures familiales.

La loi de 2007 a également a ouvert la possibilité au juge de désigner un subrogé curateur ou subrogé tuteur. Ce sont les mêmes personnes de la famille ou de l’entourage familial qui peuvent être désignées.

Dans ce cas de figure, le rôle du subrogé sera de surveiller les actes passés par le curateur ou le tuteur. En cas d’anomalies ou de fautes, il devra avertir le juge. Il est par ailleurs destinataire des comptes de gestion établis par le tuteur ou curateur et les contresigne.

Il remplace également le curateur ou le tuteur en cas de conflit d’intérêt avec le majeur dans la cadre d’actes qui peuvent les concerner tous les deux. (succession indivise, vente d’un bien commun,…).

S’il n’existe pas de subrogé tuteur ou curateur, en cas de conflit d’intérêt, un administrateur ad hoc sera désigné par le juge pour intervenir dans le cadre de l’opération envisagée.

Enfin, le subrogé doit être informé et consulté avant tout acte grave que le tuteur ou le curateur souhaite effectuer.

3 - Remplacement du curateur ou du tuteur familial

Le juge des tutelles peut remplacer le tuteur ou le curateur familial qui ne souhaite plus exercer la mesure de protection (tâche trop lourde, éloignement géographique) Cette demander de décharge se fait par simple courrier au juge. Le juge pourra remplacer ce dernier au sein de la famille ou désigner un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, un professionnel extérieur à la famille.

La juge peut également, de sa propre initiative, remplacer un curateur ou tuteur familial, s’il le considère défaillant ou qu’il n’accomplit pas la mesure dans l’intérêt du majeur protégé. Cette décision du juge se fait par une ordonnance, susceptible de recours.

4 - Information des autres membres de la famille

Le principe est l’absence de droit de regard de la famille. Plusieurs raisons expliquent cette absence de droit de regard : respect à la vie privée du majeur protégé, confidentialité des informations mais également risques de blocage de la part de certains membres de la famille.

Toutefois, le juge peut autoriser un membre de la famille à se faire communiquer à ces frais, par le tuteur ou le curateur, tout ou partie des des comptes de gestion si cette requête remplit deux conditions : le majeur protégé a donné son accord et le membre de la famille doit justifier un intérêt légitime à recevoir ces informations.

 

5 - Rémunération du curateur ou tuteur familial

C’est le principe de la gratuité qui prévaut. Toutefois ce principe de gratuité, au regard de la difficulté de l’exercice de la mesure et de l’importance des biens à gérer a été revu avec la loi de 2007. Une indemnité ponctuelle ou régulière peut être envisagée. Elle correspond à un dédommagement pour des actes particuliers qui sortent de la gestion ordinaire. Par ailleurs, le tuteur ou curateur a droit au remboursement des frais qu’il engage pour le majeur protégé.

6 - Information et soutien aux tuteurs familiaux


La loi du 5 mars 2007 en réaffirmant le principe de priorité familiale et afin de rendre celle-ci effective a prévu que les tuteurs familiaux doivent pouvoir bénéficier à leur demande d’une information ou d’une aide pour exercer le mandat de protection qui leur est confié. (Article L215-4 du CASF). Cette information est gratuite, financée par l’État. Des associations, en particulier, ont mis en place des services d’informations et de soutien aux tuteurs familiaux (ISTF).

Les tuteurs familiaux peuvent se renseigner auprès des services de greffe du tribunal pour connaître les services existants. Les greffiers auprès des juges des tutelles peuvent également renseigner les tuteurs familiaux.

Pour contacter un service ISTF près de votre domicile, vous pouvez également faire une recherche sur Internet en tapant ISTF et le n° du département ou de la ville près de chez vous.

Une instruction n° DGCS/SD2A/2018/16 du 19 janvier 2018 précise les modalités de développement du dispositif ISTF et le cadre juridique et technique du dispositif, les modalités de financement et propose des outils et supports aux professionnels mettant en œuvre cette action et aux tuteurs familiaux.

7 - Responsabilité civile et pénale du curateur ou tuteur familial

7.1 - Responsabilité civile

Le curateur dans le cadre de la curatelle renforcée et le tuteur sont responsables des fautes commises dans l’exercice de leur fonction. Il peut s’agir d’une faute intentionnelle, comme d’une faute de négligence ou d’un manquement à un devoir de conseil.

Cette faute est appréciée de manière plus ou moins stricte du fait que la mesure est exercée gratuitement, par la famille et non par un professionnel.

En habilitation familiale générale, mesure alternative à une mesure de protection juridique, la responsabilité civile et pénale de la personne peut être également engagée. Voir l'article sur l’habilitation familiale

Si la faute est reconnue, elle peut ouvrir un droit à une indemnisation au profit du majeur protégé ou de ses héritiers. L’action en responsabilité doit être engagée dans un délai maximal de cinq ans à compter de la fin de la mesure de protection.

Le tuteur ou curateur familial n’est jamais tenu au paiement des dettes de la personne protégée sur son propre patrimoine en sa qualité de tuteur ou curateur.

Bien que n’étant pas une obligation, il est conseillé de souscrire une assurance responsabilité civile.

Voir l'article les services de Tutelle au quotidien pour les tuteurs familaux

7.2 - Responsabilité pénale

La responsabilité pénale du curateur ou tuteur familial ne peut être engagée que s’il a commis volontairement une infraction. Les infractions pénales habituelles (escroquerie, vol, abus de confiance , abus de faiblesse) sont aggravées par la double circonstance qu’elles ont été commises à l’encontre d’une personne vulnérable et par une personne qui détenait le mandat judiciaire de la représenter ou de l’assister.

Un ascendant, un descendant ou le conjoint d’un majeur protégé ne bénéficie pas de l’immunité familiale attachée à sa personne en cas de vol : « Lorsque l'auteur des faits est le tuteur, le curateur, le mandataire spécial désigné dans le cadre d'une sauvegarde de justice, la personne habilitée dans le cadre d'une habilitation familiale ou le mandataire exécutant un mandat de protection future de la victime » (article 311-12 du code pénal)

8 - Rôle du juge des tutelles

La loi donne la possibilité au juge des tutelles , si le tuteur ou le curateur n’accomplit pas correctement sa mesure :

  • de prononcer à son égard une injonction judiciaire
  • de prononcer une amende civile
  • de le dessaisir de sa mission