CAPSSUR : Savoir se Protéger, Protéger son cabinet, Protéger chaque mandat judiciaire confié

Périmètre

Je ne suis pas un professionnel du droit (nous avons avec nous maître Thierry Rouziès. Je ne prétends donc pas vous donner de l’information sur le droit (vous êtes sûrement plus compétent que moi) mais sur les usages de la gestion de patrimoine des majeurs protégés.

Vous êtes des professionnels et de ce fait je n’évoquerai pas les fautes pénales (abus de confiance et abus de faiblesse).

Le tuteur, le curateur et le mandataire spécial doivent administrer les biens du MP en « bon père de famille » et répondent des dommages-intérêts résultant de leur mauvaise gestion.

Bon père de famille = gestion prudente, diligente et avisée.

Le juge n’est pas là pour prendre la décision à votre place. Il est là pour contrôler la mesure et intervenir en cas de conflits.

Exemples de fautes de gestion

- Omission de requérir une autorisation

- Défaut de placement de capitaux

- Négligence à s’entourer des conseils nécessaires

- Production d’un inventaire inexact ou faux

- Défaut de production du compte de gestion annuel

- Oubli d’envoi de la déclaration fiscale

- Oubli d’assurance obligatoire

- Oubli d’accepter une donation sans charge

Sanctions : un tribunal civil peut condamner le tuteur ou le curateur au paiement de dommages et intérêts si ces fautes de gestions entraînent un préjudice pour la personne à protéger (que la faute ou l’erreur soit volontaire ou non).

Ce qu’il faut éviter

- Interdiction d’exercer une activité commerciale au nom du Mp

- Interdiction d’acquérir un bien du MP ou d’être locataire d’un de ses appartements

- Interdiction de conclure un contrat de travail, d’établir une relation de subordination ou d’autorité entre les deux.

Quels sont les personnes concernées

Tous les organes de la mesure de protection sont responsables du dommage résultant d’une faute qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction (C.civ. Art.421 et 422).

Le MJPM, le tuteur ou le curateur familial, le subrogé tuteur ou le subrogé curateur, le jugedes tutelles, le greffier en chef du TI ou le greffier sont donc susceptibles de voir leur responsabilité engagée.

La responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement de la tutelle ou dela curatelle

Tout dysfonctionnement dans l’exercice de la mesure de protection (mauvaise gestion, mais également décision inopportune, incompétence du tuteur ou du curateur…) peut ainsi être considéré comme une mauvaise adéquation des contrôles exercés par le juge des tutelles ou le greffier en chef sur le fonctionnement de la mesure.

Donc la responsabilité de l’Etat peut aussi être engagée (pas de réponse du juge des tutelle dans un délai raisonnable par exemple).

La responsabilité du juge des tutelles a été reconnue en raison du dépassement de plusieurs mois du délai légal de 3 mois pour rendre une ordonnance à la suite du dépôt d’une requête en résiliation d’un bail, alors qu’elle présentait « un caractère d’urgence particulier en ce qu’elle peut engendrer, si elle n’est pas rendue dans un délai raisonnable, pour le MP un coût financier inutile résultant de la poursuite du paiement des loyers pour un logement qu’il n’occupe plus (CA Paris, 9 avril 2015, n°13/06228)

Quelques exemples de condamnation

1/ Suite à la fin de mission d’un service de tutelle hospitalier, un arrêt rendu par la cour d’appel d’Amiens le 3 novembre 2015 condamne l’Etat et l’hôpital à indemniser les préjudices suivants :

- Négligence en matière fiscal (entrainant le paiement d’intérêt de retard, de majorationet de frais)

- Ils ont tardé à résilier le bail de la MP dont l’état de santé ne permettait plus de revenir à son domicile (entrainant le paiement de loyers et de charges d’un logement que le MP n’occupait plus)

- Manque à gagner résultant de l’absence de placement de fonds qui sont restés sur un compte courant.

2/ Assignation en cours d’un MJPM libéral à l’encontre d’un service de tutelle d’un hôpital pour ne pas avoir demander la mise en place des indemnités d’invalidité dans le cadre d’un contrat prévoyance employeur. Ils ont eu recours aux aides sociales.

Rappel de la prévoyance : décès, incapacité (arrêt de travail) et invalidité.

Comment se prémunir de ce risque

Il y a quelques règles à respecter.

Prendre en compte les contraintes liées à son cadre de vie :

La gestion de patrimoine doit s’adapter aux besoins et aux souhaits du MP et non le contraire même si la dimension économique et patrimoniale de la décision à prendre ne peut être totalement exclue.

La parole du majeur (quand elle peut s’exprimer) doit rester au centre de la réflexion sur les enjeux patrimoniaux.

Le choix par la personne de son lieu de résidence et son environnement familaile doit être pris en compte même si cet intérêt passe après les besoins du majeur.

Si les demandes d’un majeur grèvent à terme son budget mensuel ou entame son capital, son représentant légal ne doit pas refuser ses demandes au seul prétexte que cela entame l’héritage potentiel qui sera transmis au final à ses héritiers (article 426 du code civil) et ce souhait doit être pris en compte dans le suivi de gestion de patrimoine.

Pour conclure, c’est le patrimoine qui s’adapte à la personne et non son contraire, il n’existe donc pas de règle unique.

 

Les contraintes liées aux ressources de la personne protégé.

Il existe des aides sociales (mécanismes de compensation du handicap et des revenus de substitution) pour les MP atteints d’un handicap reconnu.

Il s’agit de revenus soumis à conditions de ressources.

Il faut donc faire attention aux revenus supplémentaires tirés du patrimoine au-delà d’un certain montant et pouvant avoir des répercussions sur le montant de l’allocation perçue en tant qu’adulte handicapé par exemple et/ou remettre en cause les autres ressources complémentaires que peut-être l’allocation logement, la prestation de compensation du handicap, etc. Les solutions patrimoniales ne doivent pas, si possible, avoir de conséquences sur les aides sociales perçues par la personne protégée.

La personne protégée peut aussi bénéficier de l’aide sociale pour les frais liés à son maintien à domicile ou son hébergement. Cette prestation est une avance faite du vivant de la personne bénéficiaire, par manque de revenus suffisants pour assumer ses dépenses (repas à domicile, aide ménagère, hébergement en EHPAD,…).S’agissant d’une avance versée, l’aide sociale est à rembourser si :

- amélioration des ressources

- augmentation de son patrimoine financier

- à son décès

Lors d’un diagnostic patrimonial, effectué par le représentant légal et/ou le conseiller en gestion de patrimoine, la prise en compte des contraintes sociales est nécessaire pour adapter au mieux les solutions patrimoniales à la situation du MP.

La notion de gestion prudente diligente et avisée

Le MP n’est pas un client ordinaire. La loi du 5 mars 2007 a écarté la notion de gestion de bon père de famille au profit d’un gestion prudente, diligente et avisée. Les préconisations faites au bénéfice des majeurs protégés doivent respecter ces contraintes de gestion :

- La gestion prudente est celle dénuée de risques prévisibles tout en n’excluant pas la possibilité d’avoir une gestion défensive ou dynamique sur une faible part du patrimoine financier du MP, en dehors des périodes de risques généralisés. Dès lors la plus-values du conseil donné par un professionnel est à prendre en compte, tout comme l’adaptation de son discours vis-à-vis du client qu’il a en face. L’obligation de conseil doit être adaptée.

- La gestion diligente est celle qui se réalise au fil de l’eau et de façon régulière. Il ne faut pas être :

    - inactif dans le suivi des comptes et placements durant des mois

    - agir de façon intempestive.

Le conseiller en gestion de patrimoine peut ainsi attirer l’attention du représentant sur la nécessité de suivre l’évolution des comptes du majeur protégé afin d’optimiser ces derniers. On peut voir des comptes courants avec des liquidités excédentaires durant des mois voire des années, laissés en l’état car c’est plus pratique pour le tuteur que de devoir requérir auprès du juge des autorisations pour décaisser des placements. Au final, le MP perd de l’argent puisque les liquidités ne sont pas rémunérées et son représentant légal peut voir sa responsabilité engagée pour mauvaise gestion (article 499 du code civil).

- La gestion avisée sous entend que le tuteur/curateur ne doit pas rester seul : il doit s’entourer de conseillers professionnels et spécialisés dans chaque domaine patrimonial. Le MP et son représentant sont au centre d’un dispositif

La protection des comptes et les habitudes bancaires du MP.

Le maintien des habitudes bancaires énoncé dans l’article 427 du code civil est la réaction de la pratique tutélaire existant avant la loi du 5 mars 2007. Il est considéré comme un repère pour l’équilibre et le bien être du MP, tout comme le sont le sort du logement, les meubles, les souvenirs et les objets à caractère personnel, ils doivent conserver leurs habitudes bancaires aussi longtemps que possible.

Cette règle ne doit pas avoir l’effet escompté inverse, c’est-à-dire conserver coûte que coûte des comptes ou livrets alors qu’il n’est pas dans l’intérêt du majeur protégé de les détenir.

Par contre cette règle est renforcée par l’intervention systématique au préalable du juge des tutelles, et ce même en curatelle. Alors que, pour un acte de disposition classique, la double signature suffit, dans le cas de clôture, d’ouverture ou de modification des comptes et livrets, le juge doit donner son autorisation.

Cette règle des habitudes bancaires doit être un postulat pour le tuteur et le conseiller.

En présence de cette règle des habitudes bancaires, le conseiller en gestion de patrimoine doit :

- améliorer et rationaliser des avoirs

- tout en conservant un minimum de repère pour le majeur.

Les préconisations patrimoniales du conseiller sont ainsi à motiver en cas de réorganisation patrimoniale. Ces motivations permettront d’éclairer le juge dans son choix.

En cas d’absence de livrets, l’ouverture est possible en dehors de la règle des habitudes bancaires.

Autres éléments importants

Vous devez toujours avoir à l’esprit que vous devez agir dans le seul intérêt du majeur (à vous donc de le prouver)

Vous avez une obligation de moyen pas une obligation de résultat.

Souscrire une RCP

Etre très vigilant lors de l’inventaire de début de mesure, ne pas hésiter à l’actualiser si nécessaire par la suite.

Bien vérifier les assurances obligatoires du majeur

La FFA préconise sous certaines conditions 20% d’UC.

Bien analyser le patrimoine

Réaliser un budget. C’est primordial pour avoir une gestion diligente.

Identifier les différentes sources de revenus (autres que les pensions de retraite (PERP,Madelin, art83, prévoyance)

Si le majeur est actif (vérifier les fiches de paie et l’avis d’imposition, ce sont des mines d’information.

Faire jouer la concurrence dans le seul intérêt du majeur.

Faire appel à un professionnel notamment un CGP :

C’est une profession réglementée soumis à habilitation et à contrôle.

Les gestionnaires de patrimoine ont une vue d’ensemble sur l’aspect fiscal, juridique et patrimoniale.

L’habilitation est délivrée par l’ORIAS (registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance) sous certaines conditions :

- Honorabilité (Casier judiciaire vierge)

- Capacité professionnelle

- Formation continue (7h minimum/an pour le CIF et 14h/an pour l’assurance, 7h par an pour le crédit et 14h/an pour l’immobilier)

- Appartenance à une chambre professionnelle.

Les gestionnaires de patrimoine sont aussi soumis à l’obligation de dénonciation en cas de suspicion de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.

Ils sont contrôlés tous les ans (RCP, formation continue) et tous les 5 ans par l’AMF et/ou l’ACPR.

Le CGP doit respecter un certain formalisme gage de son professionnalisme et permettant de le protéger ainsi que son client.

Le document d’entré en relation : celui-ci permet de se présenter (habilitations, partenaires).

La fiche connaissance client : celle-ci permet de récolter des informations patrimoniales, financières et administratives sur futur client. Cela permettra au Cif de trouver la solution à la problématique du client en fonction de ses objectifs.

Le contrat cadre : ce sont les conditions générales de la prestation choisie et les modalités de suivi.

La lettre de mission : celle-ci permet de définir le cadre de la mission confiée.

Le rapport écrit de conseil : celui-ci permet d’exposer les solutions en y incluant les avantages et les inconvénients.

Pour finir, c’est la responsabilité du CGP qui sera alors engagée. D’où l’intérêt de passer par un CGP.