La curatelle
La curatelle s’adresse aux personnes qui, sans être hors d'état d'agir elles-mêmes, selon les termes de l’ article 440 du code civil, ont besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistées ou contrôlées d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile.
Destinée à protéger tant les intérêts patrimoniaux que les intérêts personnels de la personne protégée, la curatelle est un régime d’assistance. La mission du curateur n’est, en effet, pas d’agir à la place et contre le gré du majeur sous curatelle mais bien de l’assister.
Quand le jugement ne précise rien, la mesure de protection couvre en principe tant le champ des décisions patrimoniales que personnelles. Mais le juge peut exclure la protection de la personne de l’exercice de la mesure de protection. Le majeur protégé, alors, prend seul toutes les décisions personnelles qui le concernent. Le juge peut, à l’inverse, exclure la protection patrimoniale de l’exercice de la mesure de protection.
La curatelle permet au majeur protégé de continuer à effectuer seul un certain nombre d’actes patrimoniaux de la vie courante, dits d’administration. Pour les autres actes patrimoniaux, plus importants, dits de disposition, qui peuvent engager son patrimoine de manière substantielle, aucun acte ne peut se faire sans l’accord du majeur protégé, mais toujours avec l’assistance du curateur.
Sommaire :
1 – Un régime d’assistance
A - La curatelle simple
B - La curatelle renforcée
C - La curatelle aménagée
2 – Protection du patrimoine
A – Les actes d’administration et de disposition
B – Renforcement de l’autonomie patrimoniale en curatelle
C – Protections spécifiques
3 – Protection de la personne
A - Les actes personnels
B – Les actes personnels renforcés
C – Les actes strictement personnels
D – Les actes spécialement protégés
E – Les actes médicaux
4 – Mise en place d’une curatelle
A - Ouverture d’une mesure de curatelle
B - Désignation du curateur
C – Fin de la curatelle
1 - Un régime d’assistance
Le régime de la curatelle comprend des degrés différents selon ce qu’aura décidé le juge des tutelles, en fonction des besoins du majeur protégé. C’est le principe de la proportionnalité qui s’applique ici comme pour toutes les mesures de protection. L’assistance du curateur qui est apportée sera différente dans le cas de la curatelle dite « simple », de la curatelle renforcée ou de la curatelle aménagée.
A - La curatelle simple
Mesure essentiellement préventive, la curatelle simple permet au majeur de gérer entièrement son quotidien. Il peut accomplir tous les actes dits d’administration.
Les actes d’administration sont définis comme les « actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal ». Font partie des actes d’administration, la gestion des revenus courants, le paiement des loyers et des factures concernant les petits achats, les travaux d’entretien,…
La personne protégée continue de percevoir directement ses ressources sur son compte et de payer ses dépenses.
Le curateur va intervenir ponctuellement dans une curatelle simple, pour autoriser ou refuser d’autoriser un acte de disposition, acte qui nécessite une double signature, celle du majeur et du curateur.
Les actes de disposition sont définis comme des actes « qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significatives de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire ». Font partie des actes de disposition : la vente d’un bien immobilier, les placements, les donations, le prélèvement de sommes importants ou les achats d’une certaine valeur,...
B - La curatelle renforcée
Ce régime et adapté aux personnes qui sont aptes à comprendre, à gérer et s’occuper de leur quotidien mais ne peuvent assurer, planifier la gestion de leur budget global.
La différence avec la curatelle simple est que le curateur intervient dans la gestion courante du budget. Il perçoit, seul, les revenus de la personne et règle les dépenses auprès des tiers.
Dans ce cas de figure, le curateur établit le budget avec le majeur protégé, règle les dépenses contraintes, assure une gestion équilibrée des revenus. Il reverse l’excédent des revenus au majeur (article 472 du code civil) sur un compte à sa disposition.
Le curateur n’a pas, en effet, à se substituer à la personne protégée pour décider de l’utilisation des sommes restantes, après paiement des dépenses incontournables, récurrentes, contraintes comme le loyer et les dettes. Il n’a pas à décider de ce qui est « raisonnable » pour le majeur.
Mais il appartient au curateur, s’il estime que la personne protégée fait une utilisation inappropriée de son argent pouvant le mettre en danger, d’informer le juge qui pourra prendre des mesures plus adaptées ou renforcées.
C - La curatelle aménagée
La curatelle aménagée (article 471 du code civil) permet au juge des tutelles d’adapter les modalités de la curatelle, en précisant dans le jugement, les actes que le majeur peut faire et ceux pour lesquels l’assistance du curateur sera nécessaire. Cela concerne, par exemple, parfois la conservation par la personne sous curatelle d’un chéquier. Dans le cadre d’une curatelle renforcée aménagée, le juge peut préciser les charges que la personne protégée pourra assumer seule. C’est du « sur mesure ».
2 - Protection du patrimoine
A - Les actes d’administration et de disposition
La curatelle, régime d’assistance, confère des pouvoirs d’une part à la personne protégée, d’autre part à son curateur. Ces pouvoirs varient en fonction de l’acte patrimonial envisagé. La distinction se fait entre les actes d’administration et les actes de disposition.
Ces notions d’actes d’administration et de disposition, en matière de tutelle ou de curatelle, ont une grande importance. En curatelle, elles permettent de délimiter les pouvoirs du majeur protégé et de la personne chargée de sa protection.
Les actes de disposition
Dans le régime de la curatelle, les actes de disposition sont des actes qui nécessitent la double signature, celle du majeur et du curateur en application de l’article 467, alinéa 1 du code civil
Les actes de disposition ne nécessitent donc pas que le curateur ou le majeur protégé sollicitent l’autorisation du juge des tutelles. L’assistance du curateur suffit, par l’apposition de sa signature. Si le curateur refuse son assistance pour un acte de disposition, le majeur protégé peut saisir le juge des tutelles afin d’obtenir une autorisation d’accomplir seul cet acte de disposition. (article 469, al. 3 du code civil).
Les actes d’administration
Le majeur protégé, en curatelle, peut accomplir seul les actes conservatoires et d’administration relatifs à son patrimoine, (sauf éventuelles restrictions définies dans le jugement) (article 467 du code civil).
Le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 a fixé la liste des actes d’administration et de disposition. Deux tableaux : le premier dresse la liste des actes qui sont impérativement soit d’administration, soit de disposition ; le second dresse la liste des actes qui appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories en fonction de circonstances particulières.
Une circulaire d’application du 9 février 2009 donne un exemple de cette modulation en fonction des circonstances. (Point 6.2. La liste des actes d’administration et de disposition)
Le juge peut à l’ouverture du jugement ou plus tard, à partir de ces règles de principes, énumérer des actes de disposition que le majeur protégé pourra faire seul ou des actes d’administration qu’il ne pourra pas effectuer sans l’assistance de son curateur (article 471 du code civil). Cette possibilité permet au juge des tutelles de prendre en compte au mieux l’état de santé du majeur protégé et/ou de gérer certaines particularités de la gestion patrimoniale.
Le majeur sous curatelle peut saisir le juge en raison du refus du curateur de réaliser un acte et donc d’apposer sa signature à côté de la sienne (article 469, al.3 du code civil). C’est le juge qui, alors, prendra la décision d’autoriser ou non le majeur à passer seul l’acte en rendant une ordonnance, susceptible de recours.
Le curateur peut également saisir le juge des tutelles, s’il estime que le majeur, en refusant d’accomplir un acte, compromet gravement ses intérêts (article 469, al. 2 du code civil) pour être autorisé à accomplir seul un acte déterminé ou provoquer l'ouverture de la tutelle.
B - Renforcement de l’autonomie patrimoniale en curatelle
La loi du 23 mars 2019 a renforcé l’autonomie de la personne protégée s’agissant de certains actes patrimoniaux. La personne en curatelle peut sans assistance :
- signer un partage amiable, sans que la soumission de l’état liquidatif à l’approbation du juge ne soit requise ;
- accepter purement et simplement une succession bénéficiaire, une fois obtenu au préalable, une attestation notariale témoignant que l’actif dépasse manifestement le passif.
- conclure un contrat d’obsèques
- ouvrir un compte dans sa banque habituelle
- placer de l’argent « sur un compte »
- signer des conventions de gestion de valeurs mobilières et des instruments financiers
Ces dispositions limitent la protection des biens du majeur protégé par le curateur, tout particulièrement en curatelle renforcée. Certaines opérations comme le placement des sommes perçues d’une succession bénéficiaire sur un compte titre ouvert par le majeur protégé dans sa banque habituelle pourront se faire sans que le curateur ou le juge soient informés. Il sera toujours possible de réduire ou de rescinder les actes en question avec l’article 465 du code civil.
C - Protections spécifiques
Certains actes patrimoniaux sont spécifiquement protégés lorsqu’une personne est sous tutelle ou curatelle. Il en est ainsi du logement et des comptes bancaires.
Le logement
Le logement du majeur protégé bénéficie d’une protection renforcée qui supporte des conditions strictes définies par la loi et sous le contrôle du juge des tutelles (article 426 du code civil).
La loi impose que le logement de la personne protégée, sa résidence principale ou secondaire soient conservées à sa disposition aussi longtemps que possible
S’il est nécessaire de vendre son logement (ou ses meubles), de le louer ou de résilier le bail, le curateur doit demander l’autorisation du juge (voir modèle de requête de vente d’un bien immobilier ; modèle de requête de résiliation du bail du logement). En curatelle, le majeur doit donner son accord à l’opération.
Une exception au principe d’assistance, concernant le logement existe. Si le majeur sous curatelle s’oppose à toutes les tentatives du curateur pour lui trouver un logement, le juge peut autoriser le curateur à signer seul un bail d’habitation ou une convention d’hébergement (article 472 du code civil)
Si le majeur sous curatelle doit intégrer un établissement spécialisé, l’avis médical de tout médecin suffit hors celui de l’établissement. Cet avis doit mentionner les pathologies constatées et leur probable évolution ainsi que leurs conséquences sur la possibilité d’un retour à son domicile de la personne protégée (article 426 du code civil). Le coût de ce certificat est de 25 €, majoré éventuellement du coût du déplacement.
Les souvenirs, les objets personnels, ceux qui sont indispensables, si la personne est handicapée, ou ceux destinés aux soins du majeur doivent être gardés à sa disposition, le cas échéant, par l’établissement spécialisé qui reçoit le majeur protégé.
Les comptes bancaires
Une protection spécifique des comptes bancaires a été mise en place par la loi du 5 mars 2007, modifiée par la loi du 23 mars 2019
La personne protégée bénéficie d’un droit au compte bancaire. Si elle n’est titulaire d’aucun compte ou livret, le curateur doit lui en ouvrir un. Les opérations bancaires effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée doivent être réalisées au seul moyen des comptes ouverts à son nom. Les produits et plus-values générées par les fonds appartenant au majeur protégé lui reviennent exclusivement (article 427 du code civil)
Depuis la loi du 23 mars 2019, certaines autorisations judiciaires concernant les comptes bancaires ont été supprimées.
- L’ouverture et la modification des comptes bancaires au nom de la personne protégée dans sa banque habituelle et les clôtures de comptes ouverts pendant la mesure de protection peuvent se faire librement par le curateur
Mais l’autorisation du juge des tutelles reste nécessaire pour :
- L’ouverture d’un compte ou livret dans un autre établissement bancaire que celui dans lequel la personne protégée détient déjà des comptes ou livrets.
- La clôture d’un compte ou livret appartenant à la personne protégée ayant été ouvert avant le jugement d’ouverture de la mesure de protection. (voir modèle de requête)
Interdiction bancaire
Si le majeur protégé fait l’objet d’une interdiction bancaire, le curateur peut, avec l’autorisation du juge, faire fonctionner sous sa signature les comptes dont il est titulaire et disposer de tous les moyens de paiement habituels.
3 - Protection de la personne
A - Les actes personnels
La loi de 2007 a légiféré sur les conditions dans lesquelles les décisions personnelles de la personne protégée pouvaient être prises. Cette notion de protection de la personne consiste à prendre en compte le plus possible la volonté de la personne protégée dans l’organisation de sa vie personnelle.
Dans le jugement d’ouverture, soit ultérieurement, le juge des tutelles va fixer les caractéristiques de l’intervention de la personne en charge de la mesure de protection.
Le juge des tutelles peut aussi, exclure la protection de la personne de l’exercice de la mesure de protection ou à l’inverse ne prévoir qu’une mesure de protection limitée à la personne.
Cette intervention de la personne en charge de la mesure de protection doit, quand cela est possible, se limiter à donner au majeur protégé une information adaptée à son état, afin que ce dernier puisse prendre seul la décision dans la mesure où son état le permet » (article 457-1 du code civil)
« La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d'urgence, leurs effets et les conséquences d'un refus de sa part »
Ainsi le majeur sous curatelle prend seul les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet, concernant le choix du lieu de résidence, du lieu de vacances, les loisirs, l’organisation de ses fréquentations, la pratique d’une religion,….
Si l’état de la personne protégé ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge peut donner mission à la personne en charge de la protection de l’assister dans la prise de décision (article 459 du code civil).
Le juge peut prévoir cette assistance pour tous les actes personnels ou seulement pour certains. Comme en matière patrimoniale, l’assistance s’exerce par un double consentement à l’acte
La loi a prévu, également, une disposition qui résulte de l’ article 459, al 4 du code civil, qui prévoit que la personne en charge de la mesure de protection peut prendre à l’égard du majeur protégé des mesures de protection nécessaires pour mettre fin au danger que, du fait de son comportement, l’intéressé ferait courir à lui-même.
Cette notion de danger couvre essentiellement une notion de danger physique. Dans ce cas le curateur doit en informer sans délai le juge des tutelles
B- Actes personnels renforcés : mariage, divorce et PACS
Le législateur, avec la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a également apporté des modifications du droit des majeurs protégés en supprimant un certain nombre d’autorisations judiciaires afin de renforcer « l’autonomie de la volonté des majeurs protégés pour les actes personnels que sont le mariage, le partenariat civil de solidarité et le divorce ». A l’autorisation préalable du juge sera substitué un droit d’opposition élargi de la personne chargée de la mesure de protection si elle estime que l’acte est contraire aux intérêts du majeur. (Annexe 8 de la circulaire d’application de la loi du 25 mars 2019).
De tels actes ne sont pas, en effet, seulement des actes personnels, ils ont aussi une dimension patrimoniale, Appelés actes mixtes, ces actes ont une double nature, patrimoniale et extra patrimoniale. Ce sont des actes qui peuvent avoir des conséquences pécuniaires pour le majeur protégé. Les nouvelles règles :
Mariage
Depuis la loi du 23 mars 2019, le majeur sous curatelle n’a plus à obtenir l’accord du curateur pour se marier. Il devra simplement informer préalablement le curateur du projet de mariage (article 460 du code civil). Les futurs époux devront justifier de cette information auprès de l’officier d’état civil sans quoi la célébration du mariage ne pourra pas avoir lieu. (article 63 du code civil). Tout mode de preuve est admis mais par écrit (Note Chancellerie C1/DP/812-2017/2.1.2/CD/MLV, 29 mars 2019).
Le curateur peut exercer un droit d’opposition au mariage, s’il considère que ce dernier est contraire aux intérêts de la personne protégée (article 175 du code civil), dans les conditions prévues à l’article 173 du code civil. Il ne peut invoquer que les causes de nullité du mariage prévues, notamment le défaut de consentement de l’article 146 du code civil.
En présence d’un patrimoine important, il peut être prudent de faire précéder l’union d’un contrat de mariage destiné à protéger les intérêts du majeur protégé. La loi prévoit (article 1399, al 1er du code civil) que le majeur doit être assisté, s’il entend passer une convention matrimoniale.
Par dérogation à la règle d’assistance, le curateur peut saisir le juge des tutelles pour être autorisé à conclure seul une convention matrimoniale (alinéa 3 de l’article 1399 du code civil) en vue de protéger les intérêts de la personne protégée.
Il est à craindre que le futur époux du majeur protégé refuse de signer cette convention matrimoniale qu’il pourra considérer comme une intrusion dans son patrimoine. Cette autorisation du juge ne permettra de passer outre le veto du conjoint et ne pourra donc pas empêcher les époux de se marier.
Le curateur ne peut former opposition au mariage pour la sauvegarde des intérêts patrimoniaux du majeur protégé si ce dernier ne souhaite pas établir un contrat de mariage. Le tribunal de grande instance de Caen a condamné un curateur à verser à un couple une somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens (TGI Caen, 2ème chambre civ., 19 sept. 2019, n° 19/02537)
Le curateur n’est pas non plus à l’abri d’une condamnation à des dommages-intérêts en cas d’opposition abusive (article 179 du code civil), ne bénéficiant pas de l’immunité dont jouissent les ascendants.
Pacs
Aucune autorisation ou assistance n’est requise lors de la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire pour le curatélaire (article 461, al.1 du code civil).
Pour la conclusion d’un Pacs, la personne sous curatelle, comme en tutelle, doit être assistée lors de la signature de la convention par laquelle elle conclut le pacte.
Concernant la dissolution du Pacs, le majeur peut le rompre librement par déclaration conjointe ou par décision unilatérale. En curatelle le majeur est assisté pour la signification et les opérations de liquidation (article 461, al. 3 et 4 du code civil)
Divorce
Pendant une demande d’ouverture d’une mesure de protection
L’article 249-3 du code civil interdit d’examiner la demande en divorce à toutes les hypothèses dans lesquelles un époux fait l’objet d’une procédure de mise sous protection juridique. La demande en divorce ne peut être examinée qu’après la mise en place de la mesure. En attendant, le juge aux affaires familiales peut prendre, en cas de besoin, des mesures provisoires prévues aux articles 254 et 255 du code civil
Après l’ouverture d’une mesure de protection
Une fois la mesure de protection ordonnée, la procédure de divorce peut avoir lieu.
La nouveauté de la loi du 23 mars 2019 consiste en la possibilité pour le majeur protégé de pouvoir divorcer pour acceptation du principe de la rupture du mariage. L’article 249 du code civil précise que « la personne protégée peut accepter seule le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci ». Il peut seul, recourir au divorce accepté et ne pourra pas être assisté de son curateur.
Si le majeur peut accepter seul le principe du divorce, dans la procédure en divorce, le majeur en curatelle exercera l'action lui-même (en demande comme en défense), avec l'assistance de son curateur.
Pour les majeurs protégés, le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage s’ajoute aux autres possibilités suivantes : le divorce pour altération du lien conjugal (délai de un an) et le divorce pour faute. Reste interdit le divorce par consentement mutuel qu’il soit judiciaire (article 249-4 du code civil) ou par acte sous signature privée contresigné par avocats (article 229-2 du code civil) car il ne permet pas un contrôle judiciaire sur la liquidation des droits patrimoniaux. Dans le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage, il appartient au juge de statuer sur les conséquences du divorce.
En cas d’opposition d’intérêt, si, par exemple, la mesure de protection a été confiée au conjoint, un curateur ad hoc est nommé (article 249-2 du code civil)
Pour en savoir plus :
- Divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (Service-public.fr)
- Divorce pour altération définitive du lien conjugal(Service-public.fr)
- Divorce pour faute (Service-public.fr)
- Divorce par consentement mutuel (Service-public.fr)
C - Les actes strictement personnels
Le majeur peut également accomplir, seul, certains actes dits « strictement personnels » que la loi énumère à l’article 458 du code civil . Cette liste est non limitative : déclaration de naissance d’un enfant, reconnaissance d’un enfant, actes de l’autorité parentale relatifs à un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou celle d’un enfant.
Ce sont des actes pour lesquels personne ne peut consentir hors la personne concernée elle-même. Ces actes sortent du champ de compétence du juge des tutelles ou de la personne chargée de la mesure de protection. Il en résulte que si le majeur protégé n’est pas en mesure de prendre la décision, l’acte ne pourra pas se faire.
D - Les actes spécialement protégés
Ces actes concernent le choix du logement et les relations personnelles qu’entretient le majeur protégé avec les tiers, le droit d’être hébergé par eux et d’être visité par eux. La personne en charge de la protection n’a pas de pouvoir décisionnel en la matière et ne peut rien imposer.
Si une difficulté apparaît, le juge des tutelles devra être saisi, saisine simple par courrier, en expliquant la difficulté. Le juge, rendra une décision qui peut faire l’objet d’un recours. (article 459-2 du code civil)
E - Les actes médicaux
Si le code civil a édicté les principes généraux sur la protection de la personne, les textes particuliers concernant les actes médicaux figurent pour l’essentiel dans le code de la santé publique. Une ordonnance du 11 mars 2020 a modifie ces dispositions du code de la santé publique et du code de l'action sociale et des familles qui traitent des décisions prises à l'égard des majeurs protégés. Elle met à jour ces dispositions avec le régime de protection instauré par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.
Les actes médicaux sont soumis, au titre des dispositions générales, au régime de l’obligation d’information et au recueil du consentement qui figurent aux articles L.1111-2, al. 1er et L.1111-4 du code de la santé publique.
Le premier de ces textes énonce que toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. L’information porte sur l’action proposée, son utilité, son urgence éventuelle, ses conséquences .
L’information doit être appropriée et le consentement doit être libre et éclairé.
L’information doit être délivrée au cours d’un entretien individuel avec l’intéressé, conformément à l’article L.1111-2 du code de la santé publique. La personne peut être accompagnée d’un tiers qui peut-être la personne de confiance.
De son côté, l’article 459 du code civil pose comme règle fondamentale que le majeur protégé prend seul les décisions qui relèvent de la sphère personnelle dans la mesure où son état le permet. Le majeur consent donc seul aux soins s’il est en état de le faire que l’acte soit bénin ou grave. En curatelle, le majeur protégé n’a pas besoin d’être assisté en matière de décision médicale, dès lors qu’il est apte à prendre une décision éclairée.
Rôle du curateur avec mission d’assistance à la personne protégée
Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection (article 459, al.2 du code civil) hors les cas prévus à l’article 458 du code civil
Dans ce cas de figure, l’information peut être délivrée à la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec assistance à la personne si le majeur protégé y consent expressément.
Dans le cadre de ce pouvoir d’assistance donné au curateur, ce dernier doit veiller à ce qu’une information médicale a été donnée au majeur protégé dans les conditions de l’article 457-1 du code civil et l’assister.
En cas de désaccord, le juge des tutelles peut autoriser l’un ou l’autre à prendre la décision.
En cas d’urgence médicale, le médecin pourra passer outre le refus et délivrer les soins nécessaires (article L111-4 du code de la santé publique)
Si le pouvoir d’assistance s’avère insuffisant, le curateur doit saisir le juge des tutelles d’une requête aux fins de représentation.
En curatelle, le majeur protégé peut rédiger des directives anticipées et désigner une personne de confiance sans l’assistance de son curateur. Les directives anticipées ne peuvent être utilisées que dans le cadre de la fin de vie.
4 - Mise en place d’une curatelle
A - Ouverture d’une mesure de curatelle
Comme pour toute demande d’ouverture d’une mesure de protection, la requête doit obligatoirement être accompagnée d’un certificat médical circonstancié (art. 431 du code civil). Son contenu est précisé à l’article 1219 du code de procédure civile. Son coût est fixé à 160 € par décret auquel peut s’ajouter des frais de déplacement. La demande d’ouverture peut être adressée au juge par les personnes mentionnées à l’article 430 du code civil en précisant l’identité de la personne à protéger et les faits qui la motivent et dont le contenu est fixé à l’article 1218-1 du code civil.
Un formulaire de la requête est disponible : cerfa n° 15891, intitulé « Requête en vue d'une protection juridique d'un majeur (habilitation familiale ou protection judiciaire) » accompagné d’une notice explicative.
La procédure est là aussi identique aux autres mesures : instruction du dossier de demande par le juge des tutelles, auditions des parties concernées, décision.
Voir article : Mise en place d’une mesure de protection
B – Désignation du curateur
Sous curatelle, le majeur est assisté par un curateur désigné par le juge qui l’aide à accomplir les actes mettant en jeu son patrimoine. Le juge doit respecter une hiérarchie entre les personnes susceptibles d’être nommées comme indiqué aux articles 448 et 449 du code civil.
Cela va de la personne désignée par le majeur à protéger, au cercle familial et d’amis. Si aucun membre de la famille, ni aucun proche ou allié ne peut ou ne souhaite prendre la charge de curateur, le juge va désigner un mandataire professionnel.
Le juge peut désigner une pluralité de curateurs, en considération de la situation du protégé, de la consistance du patrimoine à gérer et des aptitudes des curateurs.
Il peut désigner également un curateur chargé de la personne et un autre chargé du patrimoine et/ou un « subrogé curateur » qui va contrôler les actes du curateur et alerter le juge en cas d’irrégularité (article 454 du code civil).
En l’absence de subrogé curateur, le juge pourra nommer également un « curateur ad hoc » lorsque les intérêts du curateur se trouvent en opposition avec ceux de la personne protégée (en matière de divorce lorsque l’époux est curateur, par exemple).
La rémunération du curateur
Curateur familial
Un proche qui devient curateur exerce sa mission gratuitement. Le juge peut autoriser le versement d’une indemnité au curateur bénévole, dont il fixe le montant, si l’importance des biens à gérer ou sa difficulté le justifient (article 419 du code civil)
Curateur professionnel
Une curatelle exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJMP), un professionnel, fait l’objet d’une rémunération, fixée par les pouvoirs publics, à la charge de la personne protégée, en fonction de ses ressources (article R.471-5-3 du code de l’action sociale et des familles). La collectivité publique prend en charge le financement, si la personne protégée ne peut, intégralement ou partiellement la financer.
Le juge des tutelles, peut également, allouer au mandataire, une rémunération complémentaire, fixée par les pouvoirs publics, pour l’accomplissement de démarches particulièrement longues ou complexes sortant de la gestion normale de la mesure de protection (article D. 471-6 du code de l’action sociale et des familles).
C - Fin de la curatelle
La curatelle peut cesser dans quatre cas (article 443 du code civil):
- Avec un jugement de mainlevée.La décision peut intervenir au moment de la révision de la mesure mais également à tout moment
- La curatelle arrive à son terme. Sans demande de renouvellement de la mesure ou si aucune autre mesure n’est prononcée, l’arrivée du terme de la curatelle est une cause d’extinction. Le majeur protégé retrouve sa pleine capacité juridique.
- En cas d’éloignement géographique (article 443, al 2 du code civil). Si la personne réside hors du territoire national et que cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la curatelle
- Le décès du majeur protégé. Au décès du majeur protégé, si le curateur organise les obsèques et clôture les comptes bancaires à la place des héritiers, l’ex-curateur est considéré comme faisant de la gestion d’affaires.