La sauvegarde de justice
Il existe plusieurs sauvegardes de justice.
1. La sauvegarde de justice provisoire, mesure ouverte pendant la durée d’instruction d’une requête de mise sous protection. Elle est prononcée avec ou sans mandat spécial.
2. La sauvegarde de justice autonome, qui est une mesure de protection temporaire. Elle concerne une personne qui a besoin ponctuellement d’être représentée pour un ou plusieurs actes définis.
3. La sauvegarde médicale, prévue par le code de la santé publique, qui consiste à faire une déclaration auprès du procureur de la République par un médecin afin de faire bénéficier à un majeur de la protection minimale du régime de sauvegarde. Elle ne vaut pas demande de mise sous un régime autre de protection.
1. La sauvegarde de justice pendant la durée de l’instruction
Toute requête de mise sous protection d’un majeur va déclencher une période d ‘ « instruction » de cette demande par le juge, afin que ce dernier puisse prendre une décision : ouverture ou non d’une mesure de protection.
Pour cela, en possession de la requête accompagnée du certificat médical circonstancié, le juge va procéder à l’audition du majeur à protéger, des membres de la familles, de l’entourage. Il peut procéder à une enquête sociale, demander un avis complémentaire au médecin traitant.
Ce délai d’instruction est de plusieurs mois. La loi fixe une limite d’un an, au terme de laquelle la requête devient caduque si le juge n’a pas pris de décision.
Cette phase d’instruction d’une requête de mise sous protection n’entraîne aucune protection particulière de la personne concernée par la demande ce qui peut poser un problème, une difficulté pour le majeur à protéger qui ne peut attendre ce délai de plusieurs mois. Il est parfois nécessaire de prendre des décisions en urgence au vu de la situation du majeur à protéger.
La loi a prévu un mécanisme, l’ordonnance de sauvegarde de justice, que le juge peut prendre dès réception de la requête de mise sous protection, avant même d’avoir auditionné la personne concernée, s’il l’estime nécessaire (article 433, al. 2 du code civil)
Ce placement sous sauvegarde de justice dure le temps de l’instruction jusqu’à la prise de décision du juge des tutelles. Comme pour la requête, si le juge n’a pas pris une décision dans le délai maximal d’un an, l’ordonnance de sauvegarde de justice devient automatiquement caduque. Elle peut prendre deux formes , avec ou sans mandat spécial.
L’ordonnance de sauvegarde de justice sans mandat n’entraîne pas de privation de droits pour le majeur protégé, elle ne modifie pas concrètement le quotidien de la personne. Le majeur protégé conserve l’exercice complet de ses droits.
Si le placement sous sauvegarde de justice est assorti d’un mandat spécial avec la désignation d’un mandataire spécial, les droits du majeur protégé en seront affectés.
Ordonnance de sauvegarde de justice sans désignation d’un mandataire spécial
Le majeur protégé peut donc accomplir tous les actes pendant cette période de sauvegarde de justice (article 435 du code civil). Si le majeur avait, avant sa mise sous protection, donné une procuration bancaire à un parent, un proche , ce pouvoir continue, sauf si le juge le révoque (article 436 du code civil). Il peut continuer à se faire aider, si c’est la cas, par ce même parent ou proche dans le cadre de la gestion d’affaires (voir article), par un service médico-social, par une personne de confiance (voir article) si le majeur protégé est accueilli dans un établissement social ou médico-social.
La décision du juge n’est susceptible d’aucun recours (art. 1249 du code de procédure civile). Elle est exécutoire dès son prononcé même si elle n’avait pas été notifiée à l’intéressé (Civ, 1re 29 juin 2011, n° 10-18.960)
Cependant la sauvegarde de justice sans mandat spécial permet de protéger les actes du majeur si ces derniers sont contraire à ses intérêts. Il sera alors possible de les faire annuler ou d’en faire modifier les clauses dès lors qu’il est prouvé qu’ils ont lésé le majeur (article 435, al. 2 du code civil). Elle comporte également quelques exceptions à la liberté d’agir.
Les exceptions à la liberté d’agir
- le majeur sous sauvegarde de justice ne peut pas divorcer par consentement mutuel (art. 229-2 et art. 249-4 du code civil) mais peut recourir à un divorce accepté depuis la loi du 23 mars 2019.
La différence réside sur la concertation sur le partage des biens, la garde des enfants, la pension alimentaire, etc. Dans le cadre du divorce pour consentement mutuel, les époux s'entendent sur toutes les modalités du divorce, ce qui n'est pas le cas du divorce accepté qui nécessite l'intervention d'un juge.
Concernant les autres procédures de divorce, aucune demande n’est recevable avant que la personne protégée soit placée sous curatelle ou tutelle (article 249-3 du code civil)
- le majeur sous sauvegarde de justice ne peut pas non plus faire un acte pour lequel le juge a désigné un mandataire spécial (article 435 du code civil)
Ordonnance de sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial
Lorsqu’un mandataire spécial a été désigné, les droits du majeur protégés sont alors affectés. Cette désignation habilite une personne à effectuer des actes pour le compte du majeur protégé et interdit à ce dernier de les accomplir lui-même.
L’ordonnance fixe les pouvoirs confiés au mandataire spécial, une mission générale d’administration des biens ou précise ou ponctuelle pour effectuer certains actes, même de disposition (article 437 du code civil). Ce peut-être également, sur décision spéciale du juge, une mission ayant trait à la protection de la personne dans une situation critique pour laquelle une décision en matière médicale est à prendre en urgence, par exemple (articles 457-1 à 463 du code civil).
Les personnes pouvant être désignées comme mandataire spécial sont les mêmes que le juge peut désigner comme curateur ou tuteur.
Cette ordonnance de sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial n’est pas susceptible d’un recours. Seuls le choix du mandataire ou le contenu de ses mission peut faire l’objet du recours, recours possible dans les quinze jours de sa notification.
La mission du mandataire spécial se limite à ce qui est prévu dans l’ordonnance. Elle cesse lorsque les actes prévus sont accomplis, quand la sauvegarde de justice cesse, à tout moment si le juge le décide pour mettre fin au mandat ou remplacer le mandataire spécial.
Le mandataire spécial doit rendre compte de l’exécution de son mandat en établissant un compte de gestion, accompagné des pièces justificatives (articles 510 à 514 du code civil)
Voir article : mise en place d’une mesure de protection
2 . La sauvegarde de justice autonome
Le législateur a créé en 2007 une sauvegarde de justice, temporaire, différente de la sauvegarde de justice précédente. Cette dernière permet, par une mesure de protection ponctuelle, d’éviter de mettre en place une mesure de protection à long terme. (art. 433, al. 1 du code civil)
Elle s’adresse principalement aux familles qui, s’occupant d’un majeur vulnérable, se trouvent à un moment donné dans l’impossibilité d’accomplir un ou des actes déterminés parce qu’il s’agit d’actes de disposition, actes qui nécessitent la signature du majeur lui-même.
Elle peut aussi s’appliquer à des situations dans lesquelles une personne peut se trouver dans une incapacité momentanée, provisoire d’exprimer sa volonté, victime d’un coma, d’un traumatisme crânien,…
Comment faire la demande
Comme pour toute demande d’ouverture d’une mesure de protection, la requête doit obligatoirement être accompagnée d’un certificat médical circonstancié (art. 431 du code civil). Son contenu est précisé à l’article 1219 du code de procédure civile. Son coût est fixé à 160 € par décret auquel peut s’ajouter des frais de déplacement. La demande d’ouverture peut être adressée au juge par les personnes mentionnées à l’article 430 du code civil en précisant l’identité de la personne à protéger et les faits qui la motivent et dont le contenu est fixé à l’article 1218-1 du code civil.
Un formulaire de la requête est disponible : cerfa n° 15891, « Requête en vue d'une protection juridique d'un majeur (habilitation familiale ou protection judiciaire) » accompagné d’une notice explicative.
Avant 2007, la seule solution aurait été d’engager une procédure de mise sous protection judiciaire complète sur le long terme.
Cette nouvelle procédure, plus légère pour les familles, - qui n’empêche pas le juge de mettre en place une sauvegarde de justice pendant l’instruction de la demande, ouvre par jugement et non ordonnance, une mesure de protection, avec désignation d’un mandataire spécial afin d’accomplir le ou les actes déterminés dans le jugement.
La procédure de sauvegarde de justice autonome est la même que pour la sauvegarde de justice classique précédente : instruction du dossier de demande, auditions des parties concernées, désignation d’un mandataire et décision.
La sauvegarde de justice autonome prend fin lorsque les actes ont été accomplis et la mesure menée à son terme. Elle prend fin également si une mesure de tutelle ou curatelle est mise en en place, la sauvegarde de justice se révélant insuffisante.
La sauvegarde de justice prend fin, au plus tard, un an après son ouverture mais peut être prolongée de la même durée d’un an par décision du juge (article 439 du code civil) . Un certificat médical établi par un médecin figurant sur la liste dressée par le procureur devra attester de la nécessite de ce renouvellement.
Un recours contre la décision d’ouverture peut être envisagé. Si la décision d’ouverture d’une mesure de sauvegarde de justice n’est en soi pas susceptible de recours (article 1249 du code civil), la désignation d’un mandataire avec autorisation d’effectuer certains actes est soumise à un recours.
Inconvénients de la sauvegarde de justice autonome
Une fois le jugement rendu, il n’est pas possible de le modifier pour y introduire d’autres actes nécessaires. Il faut refaire une procédure.
Si les actes prévus dans le jugement n’ont pas pu être effectués dans le délai des deux ans (durée initiale plus renouvellement), une nouvelle requête sera nécessaire, mais cette fois-ci pour une mesure de protection complète.
Raison pour laquelle, l’habilitation familiale, pour certaines situations est préférable.
Voir article : habilitation familiale
3. La sauvegarde médicale
Le juge des tutelles n’intervient pas pour sa mise en place. Elle peut être déclenchée par un médecin dans les conditions prévues par l’article L. 3211-6 du code de la santé publique et article 434 du code civil. Plusieurs situations.
Déclaration par le médecin traitant
Le médecin traitant constate que son patient se trouve dans la situation prévue à l’article 425 du code civil, il peut faire une demande de mise sous protection au procureur de la République mais il n’en a pas l’obligation. La déclaration place d’office la personne sous sauvegarde justice. La déclaration du médecin traitant doit être accompagnée de l’avis conforme d’un psychiatre.
Déclaration par le médecin en cas de séjour dans un établissement de santé
Lorsque la personne est hospitalisée et dès lors que le médecin hospitalier constate que son patient se trouve dans la situation prévue à l’article 425 du code civil, il doit en faire la déclaration au procureur de la République.
Il en va de même pour le médecin d’un établissement social ou médico-social depuis la loi n° 2015-1778 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, pour les personnes hébergées dans son établissement.
Le procureur de la République doit en informer le préfet du département (article L.3211-6 du code de la santé publique).
La personne protégée peut introduire un recours amiable auprès du procureur de la République pour obtenir la radiation de cette sauvegarde.
Cette déclaration est inscrite sur un registre spécial ne peut être consulté que par les professionnels de la justice et la famille proche. Cette protection fait bénéficier le majeur protégé de la protection minimale du régime de sauvegarde, une protection contre les actes lésionnaires. Elle ne vaut pas demande de mise sous un régime autre de protection. Elle prend fin par déclaration de cessation, et en tout état de cause au bout d’un an. Elle peut être renouvelée une fois pour la même durée d’un an.
La publicité de la sauvegarde de justice judiciaire ou médicale
La mise en place de la sauvegarde de justice est mentionnée sur un registre spécial tenu par les services du procureur de la République. Les personnes ayant accès à ce registre sont précisées à l’article 1251-1 du code de procédure civile.
En revanche la mesure n’est pas portée au répertoire civil, cette mesure de protection étant provisoire et laissant à la personne protégée sa capacité juridique