Mise en place d'une mesure de protection

Tutelle ou Curatelle ? En France plusieurs centaines de milliers de personnes majeures bénéficient d’une mesure de protection juridique. Pourtant, si le terme de « tutelle » est assez connu, les notions de « curatelle » ou de « sauvegarde de justice » sont, elles, très peu connues du grand public.

Ce dossier présente les principes et modalités d’une demande de mise en place d’une mesure de protection ainsi que les acteurs d’une mesure de protection tels que définis par la loi du 5 mars 2007 réformant les tutelles, entrée en vigueur le 1er janvier 2009.

Sommaire

1. Introduction
2. Les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité
3. Les différentes mesures de protection
4. La demande de mise en place d’une mesure de protection
        a. Qui peut demander une mesure de protection
        b. Comment demander une mesure de protection
        c. Le contenu de la demande (requête) de protection
        d. Focus sur le certificat médical

5. Les acteurs

 

1. Introduction

    La loi détermine que tout être humain, mineur ou majeur, français ou étranger, est titulaire de droits civils attachés à sa personne et à son patrimoine.

    Mais une personne peut se trouver dans l'incapacité d’exercer ses droits, c'est-à-dire d'accomplir les actes de la vie civile, d'exercer ses droits personnels, de gérer son patrimoine.

    Les mineurs

    Les personnes mineures sont, de plein droit, protégées du fait de leur minorité. Quelqu’un doit donc les représenter légalement pour exercer en leur nom leurs droits civils, qu’il s’agisse de défendre leur personne comme leur patrimoine. En règle générale la situation est « transparente », les parents assurant directement ce rôle. Ils exercent l’autorité parentale et l’administration légale de leurs biens. Toutefois, dans certaines situations, il est nécessaire de mettre en place un régime de tutelle pour l’enfant quand les parents ne peuvent plus exercer l’autorité parentale :

    • Décès des deux parents ,
    • Impossibilité des deux parents de manifester leur volonté ,
    • Retrait de l’autorité parentale aux deux parents
    • Incapacité des parents d’assurer l’administration légale, décision du juge.

    Il est à noter que la loi autorise un parent d’un enfant mineur qui a besoin d’une protection à sa majorité à commencer des démarches pour la mise en place d’une mesure de protection dans la dernière année de la minorité de celui-ci, (Article 429 du code civil)

    Voir aussi : Tutelle d'un mineur : démarches et organisation - Démarchesadministratives.fr

    Les majeurs (et les mineurs émancipés)

    A 18 ans la personne devient majeure et peut dès lors exercer elle-même ses droits. Toutefois certains adultes sont dans l’impossibilité de pourvoir seuls à leurs intérêts en raison de l’altération de leurs facultés mentales ou physiques de nature à empêcher l’expression de leur volonté.

    L’altération des facultés mentales est, de loin, la cause majoritaire d'ouverture de mesures de protection. Quant à l'altération des facultés corporelles, elle doit, pour justifier une mesure de protection, empêcher l'expression de la volonté. 

     

    2. Les principes de nécessité, subsidiarité et proportionnalité

    Les possibilités de protection juridique d'un majeur ne doivent être utilisées qu'en dernier recours. En effet, bien qu'elles soient prononcées dans l'intérêt du majeur, elles restreignent par définition son autonomie civile. Une telle restriction doit être limitée au strict nécessaire et pour s'en assurer la loi pose dans l'article 428 du Code Civil trois principes fondamentaux : la nécessité, la subsidiarité et la proportionnalité.

    La nécessité 

    - la personne se trouve dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts. L’altération des facultés mentales ou physiques empêchent l’expression de la volonté de la personne . C’est le principe de nécessité.

    Cette ouverture de la mesure de protection doit donc répondre à une double condition donnée par l’article 425 du code civil : une altération médicalement constatée...de nature à empêcher l’expression de sa volonté.

    La subsidiarité

    - l’impossibilité de protéger les intérêts de la personne par d’autres règles comme les droits et devoirs entre époux, le mandat de protection future,...C’est le principe de subsidiarité.

    La proportionnalité

    - l’appréciation de l’état et des besoins de la personne à protéger afin de mettre en place une mesure de protection adaptée à cet état. C’est le principe de proportionnalité.

    Ainsi, une mesure de protection constitue une garantie pour ces majeurs vulnérables face aux risques d'actes préjudiciables à leurs intérêts de même qu’au risque d’une inaction tout aussi préjudiciable.
    Attention, cela ne signifie pas qu’elles ne sont plus titulaires de leurs droits civils ! Leurs droits restent intacts mais les conditions d’exercice de ces droits sont modifiées et s’opèrent en partie par l’intermédiaire d’autres personnes. C’est ce que pose l’article 415 du code civil

    Ces trois principes se retrouvent tout au long de la loi et des règles de fonctionnement des mesures. A titre d'exemples :

    1. Le principe de nécessité conduit à exiger un certificat médical pour la mise en place d'une mesure (article 430)
    2. La principe de subsidiarité se retrouve de la manière la plus explicite qui soit dans l'article 440 : "La curatelle n'est prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante. [...] La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante."
    3. Le principe de proportionnalité induit l'article 471 ("A tout moment, le juge peut, par dérogation à l'article 467, énumérer certains actes que la personne en curatelle a la capacité de faire seule ou, à l'inverse, ajouter d'autres actes à ceux pour lesquels l'assistance du curateur est exigée.") et l'article 473 (" [...] le juge peut, dans le jugement d'ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l'assistance du tuteur.")

    Enfin, au-delà de la seule loi, chaque curateur et tuteur devra avoir à cœur d'appliquer au quotidien ces principes respectueux de la personne protégée.

    Parmi ces trois principes, le plus difficile à appliquer est le principe de proportionnalité puisqu'il pourrait conduire à avoir autant de mesures de protection différentes que de personnes protégées. Il serait alors bien difficile de s'y retrouver ! C'est pourquoi le législateur a défini trois types de mesures de protection. Elles servent de point de référence commun autour desquelles le juge peut faire varier le périmètre exact de chaque mesure. 

     

    3. Les différentes mesures de protection

    La loi définit trois régimes principaux destinés à assurer la protection des majeurs :

    La sauvegarde de justice qui est un régime provisoire

    Une telle mesure peut être instituée préalablement à l'organisation d'un régime de protection durable ou mise en œuvre pour le majeur atteint d'une altération provisoire de ses facultés personnelles.

    Voir article : la sauvegarde de justice

    La curatelle qui est un régime d’assistance

    Il permet de protéger le majeur qui a seulement besoin d'être assisté et contrôlé dans les actes les plus importants de la vie civile. Le majeur protégé reste le principal moteur des actes réalisés. Mais en imposant la double signature du majeur protégé et du curateur pour la réalisation des actes importants, ce régime permet d’éviter tout dérapage ou influence malhonnête.

    Voir article : la curatelle

    La tutelle qui est un régime de représentation

    Il permet de protéger le majeur qui doit être représenté de façon continue dans la plupart des actes de la vie civile. Il permet au tuteur de réaliser seul les actes de la vie civile pour le compte du majeur protégé. Celui-ci ne pouvant contrôler l’activité du tuteur, ce contrôle est assuré par le juge des tutelles dont l’accord préalable est nécessaire pour tous les actes importants.

    Voir article : la tutelle  

     

    4. La demande de mise en place d’une mesure de protection

    La demande de mise en place d’une mesure de protection judiciaire suppose plusieurs conditions selon les dispositions des articles 425 et 428 du code civil vus ci-dessus : une altération des facultés, médicalement constatées, de nature à empêcher l’expression de la volonté, la nécessité de cette mesure de protection ainsi que la recherche par le juge des tutelles d’un éventuel mécanisme plus souple pour le majeur à protéger.

    A. Qui peut demander une mesure de protection ?

    Seule la personne elle-même, sa famille au sens strict, mais aussi l’entourage proche, qui entretient avec la personne concernée des «liens étroits et stables » ou le procureur de la République sont habilités à demander au juge des tutelles la mise en place d’une mesure de protection. Les personnes qui peuvent saisir le juge sont précisées dans l’article 430 du code civil.

    Les autres, les tiers (services sociaux, médecins, voisins,…), peuvent adresser un signalement au procureur de la République.

    B. Comment demander  une mesure de protection ?

    Une demande de mesure de protection ne porte pas sur une mesure particulière. Il appartient au juge des tutelles de décider de la nature de cette mesure de protection.

    La forme de la requête est libre mais le contenu est encadré, strictement prévu par les textes ( articles 1217 à 1219 du code de procédure civile).

    Si une échéance importante est prévue, faites la demande de mise sous protection plusieurs mois avant. Exemples d'échéances pouvant être anticipées: cas d'un mineur ayant un handicap mental et qui sera bientôt majeur, personne âgée dépendante qui devra bientôt être placée en établissement avec nécessité de vendre son domicile, etc.

    C. Contenu de la demande (requête) de mise sous protection

    Les informations obligatoires

    La requête prévue à l'article 1218 du CPC aux fins de prononcé d'une mesure de protection d'un majeur comporte, à peine d'irrecevabilité :

    1° Le certificat médical circonstancié prévu à l'article 431 du code civil ; L’article 1219 du CPC, lui, prévoit de manière très précise les informations qui doivent figurer dans le certificat médical.

    2° L'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui appellent cette protection au regard des articles 428 et 494-1 du même code civil.

    Les informations souhaitables

    La requête mentionne également les personnes appartenant à l'entourage du majeur à protéger énumérées au premier alinéa de l'article 430 et à l'article 494-1 du code civil ainsi que le nom de son médecin traitant, si son existence est connue du requérant. Celui-ci précise, dans la mesure du possible, les éléments concernant la situation familiale, sociale, financière et patrimoniale du majeur, ainsi que tout autre élément, relatif notamment à son autonomie. (article 1218-1 du CPC)

    En outre on peut considérer que les informations nécessaires pour contrôler la qualité du requérant sont également obligatoires, à savoir l'identité du requérant (état-civil complet) et la relation entre le requérant et la personne à protéger et tout document permettant de la prouver

    Une fois les éléments de la demande de protection réunis, la requête doit être "remise ou adressée au greffe de la juridiction de première instance" (CPC Art.1217) de la résidence habituelle de la personne à protéger ..." (CPC Art.1211).

    La date de remise de la requête étant un élément susceptible de devoir être prouvée, il est conseillé de constituer cette preuve :

    - soit en adressant la requête par lettre recommandée avec accusé de réception (LR-AR)
    - soit en demandant un récépissé daté lors de la remise au greffe (mais le greffe n'est pas tenu de vous remettre un tel récépissé)

    Voir aussi : Comment se déroule la procédure de demande de protection d’un majeur - Service public.f

    D. Focus sur le certificat médical

    L'objectif principal du certificat est de permettre au juge des tutelles de décider si une mesure de protection est nécessaire et laquelle.

    - si la personne est "dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté" (CC Art.425), condition nécessaire pour qu'elle puisse bénéficier d'une mesure de protection juridique ;

    - si le besoin porte sur " la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci ", ou s'il ne porte que sur " l'une de ces deux missions" (CC Art.425) ;

    - si la personne "sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile" (CC Art.440 : condition pour ouvrir une curatelle) ;

    - ou si la personne ", pour l'une des causes prévues à l'article 425, doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile" (CC Art.440 : condition pour ouvrir une tutelle) ;

    - ainsi que toute information permettant au juge des tutelles d'étendre ou restreindre la mesure qui sera mise en place afin qu'elle soit "proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé." (CC Art.428).

    Auditionner ou non l'intéressé

    Un second objectif du certificat est d'éviter "de procéder à l'audition de l'intéressé si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ou s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté." (CC Art.432).

    Déterminer la durée de la mesure

    Enfin, le certificat doit également permettre de déterminer si la durée de la mesure doit être limitée à 5 ans (cas général) ou si elle peut être supérieure (cas dérogatoire lorsque "l’altération des facultés personnelles de l’intéressé décrite à l’article 425 n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science." - CC Art.441)

    Le contenu du certificat se déduit aisément des objectifs présentés ci-dessus. C'est ce que fait le code de procédure civile en son article 1219 qui indique que :

    "Le certificat médical circonstancié prévu par l'article 431 du code civil :

    1° Décrit avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger ou protégé ;
    2° Donne au juge tout élément d'information sur l'évolution prévisible de cette altération ;
    3° Précise les conséquences de cette altération sur la nécessité d'une assistance ou d'une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel.

    Le certificat indique si l'audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté." (CPC - Art.1219)

    Il serait utile d'ajouter que, le cas échéant, le certificat précise et justifie que "l’altération des facultés personnelles de l’intéressé n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science."

    Quel médecin peut établir le certificat ?

    Pour l'ouverture d'une mesure, le certificat doit être "rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République" (CC - Art.431). Ce médecin peut solliciter l’avis du médecin traitant de la personne qu’il y a lieu de protéger. Cette liste est disponible auprès du tribunal dont dépend le majeur protégé :

    - soit auprès du procureur
    - soit auprès du service des tutelles
    - parfois sur le site internet du tribunal

    Qui doit faire établir le certificat ?

    Il appartient à l'émetteur de la demande de faire établir ce certificat.

    Quel est le niveau confidentialité ?

    "Le certificat est remis par le médecin au requérant sous pli cacheté, à l'attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles." (CPC - Art.1219)

    Quel est le coût du certificat ?

    Le coût de l'établissement de ce certificat incombe à la personne protégée.

    Le coût du certificat établi par le médecin "spécialiste" (inscrit sur la liste du procureur) est fixé par décret. Il est de 192 € TTC . Si le médecin n'a "pu établir ce certificat du fait de la carence de la personne à protéger ou protégée", alors il perçoit une indemnité de 30€ (Code de Procédure Pénale Art.R217-1). Des frais de déplacement peuvent s’ajouter.

    Voir aussi : Demande de tutelle, curatelle,etc… comment obtenir le certificat médical - Service-public.fr

     

    5. Les acteurs

    Le cœur d’un dispositif de protection est constitué du binôme formé par le majeur protégé et son curateur ou tuteur. Il est donc essentiel que se tissent des relations de confiance et de respect entre ces deux personnes.

    Le curateur ou tuteur est la personne désignée pour mettre en œuvre au quotidien la mesure de protection. Il sera choisi prioritairement parmi les membres de la famille à qui la loi du 5 mars 2007 donne un rôle prépondérant en rappelant que "la protection d'une personne vulnérable est d'abord un devoir des familles, et subsidiairement une charge confiée à la collectivité publique".

    Dans ce dernier cas, le curateur ou tuteur est désigné parmi les professionnels habilités à assurer cette fonction et dont la liste est établie par le procureur de la république. Il faut noter qu’il est possible de désigner plusieurs tuteurs, chacun étant chargé de fonctions particulières, par exemple la protection de la personne pour l’un et celle du patrimoine pour l’autre.

    - La famille et les proches, quant à eux, jouent un rôle particulier dans le cadre d’une mesure de protection. En dehors de l’éventuel tuteur nommé au sein de la famille, ils n’ont pas de rôle différent de celui qu’ils ont habituellement c’est à dire d’entourer, aider et accompagner le majeur dans la vie courante et notamment sur le plan affectif. Pourtant, bien que son rôle ne soit pas modifié, la famille est souvent perturbée par la mise en place d’une mesure de protection. L’organisation de la communication entre le tuteur et la famille ou un proche est un sujet souvent défaillant. Thème sensible, compliqué, et sujet à divergence de vues ou d’intérêts, c’est une des raisons pouvant conduire le juge des tutelles à confier la mesure à un professionnel. C’est aussi un des points les plus fréquemment reprochés aux professionnels : communiquer insuffisamment avec la famille...Cependant, la famille et les proches sont aussi des relais importants pour le mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

    Les autres principaux acteurs d’une mesure de protection sont :

    - Le juge des tutelles, qui décide de la mise en place d’une mesure de protection et désigne la ou les personnes à qui sera confiée sa mise en œuvre.

    - Le Directeur des services de greffe judiciaires qui assure notamment le contrôle du bon déroulement de la mesure de protection par l’intermédiaire des rapports annuels de gestion que doit fournir le tuteur ou curateur.

    - Le procureur de la République, qui répertorie et contrôle les mesures de sauvegarde de justice, peut saisir le juge des tutelles lorsqu’il a connaissance d’un besoin de protection, ordonne des actes conservatoires en cas de besoin, fait annuler les actes excessifs passés par le majeur protégé, et inscrit ou radie les personnes habilitées à exercer la charge de Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs.

    - Le médecin spécialiste, inscrit sur une liste établie par le procureur de la république, établit les certificats médicaux obligatoires pour les actes principaux tels que la mise en place d’une mesure de protection, ou la location ou vente du domicile du majeur protégé (qui nécessite la certitude que son état de santé ne lui permettra pas de retourner à domicile).

    - L’assistante sociale, qui a pris un rôle prépondérant de nos jours dans l’accompagnement des personnes démunies, en particulier pour tenter de les réinsérer et de mettre à leur disposition les différents systèmes existant d’aide sociale.