La gestion de tutelle bénévole (tout ou partie) n'est pas évoquée par la loi, mais cela ne signifie pas qu'elle est interdite !
Sur certains points, la loi est très claire, en particulier sur les pré-requis pour être MJPM. En voici deux exemples :
Les conditions de formation
En dehors des tuteurs familiaux, seuls les mandataires judiciaires à la protection des majeurs peuvent gérer une mesure de tutelle ou curatelle. Donc être bénévole ne dispense pas de remplir les conditions de formation, d'âge, etc.
Les conditions d'exercice
Là aussi être bénévole ne change rien. Les trois cas prévus par l'article L471-2 du CASF peuvent s'appliquer :
- Les services [...] ("MJPM délégués à la tutelle" )
- Les personnes agréées [...] ("MJPM à titre individuel" )
- Les personnes désignées [...] ("MJPM hospitaliers" )
Mais attention, tout bénévole qu'il soit, le MJPM exerçant selon un de ces trois statuts doit respecter les règles associées.
En particulier les procédures d'agrément, la souscription à une assurance RC professionnelle et, pour les personnes exerçant à tire individuel, l'inscription à l'URSSAF...
En revanche sur les aspects financiers la loi présente certaines ambigüités, en particulier du fait de la dissociation entre la contribution du majeur et la rémunération du MJPM. Analysons quelques passages :
Le code civil dit :
Art 419 - Si la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles.
==> Jusque là, le financement (ce que paye le protégé) découle du coût (principalement la rémunération du MJPM). Rien n'empêche à un MJPM bénévole de dire "le coût est nul puisque je ne demande rien". Et donc dans ce cas le financement à charge du majeur est nul également...
Le CASF précise :
Art.L471-5 : Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs [...] est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources. Lorsqu'il n'est pas intégralement supporté par la personne protégée, il est pris en charge dans les conditions fixées par les articles L361-1, L472-3 et L472-9.
Art.L471-9 : Les modalités d'application de l'article L. 471-5 [...] sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
==> Là encore le montant à charge du protégé découle du coût de la mesure. Donc en agissant à la baisse sur le coût, le MJPM peut agir également sur la contribution du majeur protégé.
Mais le décret d'application (n° 2008-1554 du 31 décembre 2008) indique quant à lui que :
Art.R471-5-2 - Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs [...] n'est pas à la charge de la personne protégée lorsque le montant des ressources qu'elle perçoit est inférieur ou égal au montant annuel de [l'AAH ...].
Dans le cas contraire, un prélèvement est effectué à hauteur de : 7 % pour la tranche [...], 15 % pour la tranche [...], 2 % pour la tranche [...].
==> C'est ce texte qui induit un problème pour la question du bénévolat posée à l'origine de cette conversation.
En effet on observe à présent que la contribution du majeur ne découle plus du coût de la mesure. Elle est fixée telle quelle, sans condition. Donc même si le MJPM agit sur le coût de la mesure en décidant de travailler bénévolement, l'application à la lettre de ce décret conduit à prélever malgré tout la même contribution sur les ressources du protégé...
Donc le MJPM peut être bénévole, mais la contribution du protégé sera la même. Voici une situation bien paradoxale !
Si le MJPM bénévole exerce dans une association, ce paradoxe peut se résoudre via le budget de l'association et la dotation globale. Mais le bénévolat profite alors à l'Etat et non pas aux protégés...
Et si le MJPM exerce à titre individuel... alors il n'y a pas vraiment de solution. Il doit donc théoriquement prélever la contribution selon le barème établi et se rémunérer avec. Libre à lui de faire des dons ensuite à ses protégés, mais l'URSSAF et le FISC se seront servis au passage...
Veuillez noter que ceci n'est qu'une analyse théorique et rapide des textes légaux. La position des juges peut, à l'usage, s'avérer différente. Tant il est vrai qu'il semble aberrant d'interdire à quelqu'un d'aider bénévolement quelqu'un d'autre...
Pour finir par des informations plus pratiques, pensez que vous disposez, au-delà du barème, de nombreux autres leviers pour minimiser le coût pour votre protégé.
Le simple fait de garder à votre charge les frais administratifs engagés pour lui représentera déjà un "cadeau" conséquent. Et sans risque de re-qualification par l'URSSAF ou le Fisc.
Le fait d'assurer vous-même la gestion locative d'un bien est également un manière efficace de lui restituer de la valeur en lui faisant économiser environ 6 à 8% des loyers.
De tels leviers sont nombreux...
... sans compter que vous pouvez également
augmenter la qualité au lieu de réduire les coûts. Si vous pensez qu'un protégé paie beaucoup par rapport à la charge de gestion qui le concerne, vous pouvez passer plus de temps avec lui, l'emmener faire des courses, le faire plus participer à la gestion, organiser des loisirs, etc. Le majeur protégé appréciera souvent cela beaucoup plus qu'une économie de 30 ou 50€ de frais de tutelle par mois dont il ne sera parfois même pas conscient...
Nous espérons que ces informations vos aideront à trouver un mode de fonctionnement qui vous satisfassent.
N'hésitez pas à informer la communauté des éventuels retours que vous aurez de la part des juges et de l'administration.
pour Tutelle Au Quotidien,
l'équipe Entraide et Assistance