Les mesures de protection, leur anticipation, les alternatives

« La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, chacun est capable d'exercer les droits dont il a la jouissance ». Ce principe porté par l’article 414 du code civil, affirme un principe de pleine capacité juridique qui permet au majeur de prendre toutes les décisions nécessaires le concernant en pleine autonomie.

L’allongement de l’espérance de vie, un accident, la maladie, un handicap peut mettre à mal cette autonomie. Avec l’avancée en âge, la volonté de gérer son quotidien peut venir à manquer. Un besoin d’assistance se fait alors sentir. On peut également manquer de discernement à un moment suite à une hospitalisation, une maladie. Mais parfois, on peut aussi se trouver empêché de pourvoir seul à ses intérêts suite à une altération de ses facultés physiques et intellectuelles.

La législation a prévu un ensemble de règles qui permettent  de faire face à ces différentes situations. On peut les anticiper.

1.  L’anticipation de sa vulnérabilité
2. Les règles du mariage
3. L’habilitation familiale
4. Les mesures de protection judiciaire

1. L’ anticipation de sa vulnérabilité

Le législateur privilégie l’autonomie des individus avec la liberté d’anticiper sa vulnérabilité et sa protection. Cette anticipation peut concerner la protection des biens et/ou de la personne. Elle peut être partielle ou globale.. On y trouve :

- le mandat de protection future qui permet d’organiser sa propre protection pour le futur en désignant un tiers chargé de s’occuper de ses intérêts
- le mandat conventionnel qui peut être une procuration bancaire, une procuration pour des actes concernant la gestion des affaires courantes ou du patrimoine.
- la désignation anticipée de son tuteur ou de son curateur

Parmi l’éventail des possibilités pour anticiper sa vulnérabilité, certaines dispositions sont axées sur la personne.

- les dispositions anticipées comme la désignation d’une personne de confiance dans le champ sanitaire et/ou médico-social et les directives anticipées de fin de vie.

Ces mesures d’anticipation doivent avoir été envisagées par l’individu quand il avait une conscience suffisante pour le faire.

Voir articles : le mandat de protection future ; le mandat conventionnel ; la désignation anticipée du tuteur ou du curateur ; les dispositions anticipées

2. Les règles du mariage

Dans le cadre du mariage, il existe également plusieurs règles juridiques de représentation entre époux pour pallier à des situations difficiles lorsque l’un des époux est « hors d’état d’exprimer sa volonté » et que les règles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux ne suffisent plus. Il s’agit des règles des régimes matrimoniaux, règles de demandes d’autorisation de l’article 217 et d’habilitation de l’article 219 du code civil. Ces demandes sont de la compétence du juge des contentieux de la protection, nouvelle appellation du juge des tutelles.

D’autres règles, également, sont applicables entre époux avec les dispositions des articles 1426 et 1429 du code civil. Ces demandes sont de la compétence du juge aux affaires familiales.

Voir article : les règles du mariage

3. L’habilitation familiale

L’habilitation familiale, créée en 2015, est une mesure de protection juridique, de la compétence du juge des contentieux de la protection, dédiée à des situations simples, dans un cadre familial non conflictuel, consensuel. Cette mesure qui concerne les situations où la personne à protéger est  hors d’état d’exprimer sa volonté est une procédure plus légère avec un contrôle réduit du juge des tutelles

Voir article : l’habilitation familiale

4. Les mesures de protection judiciaire

Ce sont les articles 425 et 428 du code civil qui posent les conditions de ce régime de protection qui est un régime d’incapacité et de protection pour la personne devenue vulnérable. Dans le souci de préserver les droits et libertés des personnes, les conditions nécessaires pour la mise en place d’une mesure de protection sont strictes : une condition d’altération des facultés mentales ou physiques médicalement constatée , une condition de nécessité, et enfin qu’il soit impossible de mettre en place un mécanisme plus léger.

Article 425

Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre.
S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions.

Article 428

La mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par la mise en œuvre du mandat de protection future conclu par l'intéressé, par l'application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217, 219, 1426 et 1429 ou, par une autre mesure de protection moins contraignante.

La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé.

 

Le caractère subsidiaire des mesures de protection est visé à l’article 428 du code civil. Le juge des tutelles doit donc vérifier qu’aucun mécanisme plus souple ne permet de faire face à la situation du majeur à protéger comme :

- un mandat de protection future signé par la personne à protéger
- les règles du droit commun de la représentation notamment par le jeu de procurations
- les droits et devoirs respectifs des époux et les règles des régimes matrimoniaux
- ou une autre mesure moins contraignante comme l’habilitation familiale

Article 440

La personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
La curatelle n'est prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
La personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.

La aussi le principe de subsidiarité entre les régimes de protection judiciaire est affirmé. Le juge ne pourra prononcer une mesure qu'après avoir vérifié qu'une mesure moins incapacitante n'apporterait pas une protection suffisante. L'ouverture d'une curatelle ne sera donc possible qu'en cas d'insuffisance d'une sauvegarde de justice, et l'ouverture d'une tutelle en cas d'insuffisance d'une sauvegarde et d'une curatelle.

Voir article : Mise en place d’une mesure de protection ; la sauvegarde de justice ; la curatelle ; la tutelle