L'indémnisation de la tierce personne

L’INDEMNISTATION DE LA TIERCE PERSONNE

Souvent, le Majeur Protégé est une personne qui s’est trouvée lourdement handicapée, tant physiquement que psychologiquement, suite à un accident lui donnant droit à une indemnisation.

La Jurisprudence, en matière d’indemnisation notamment suite à des accidents de circulation, est pléthorique.

Il y a quelques années, la Cour de Cassation a mis en place une nomenclature dite DINTHILAC, qui a reclassifié et précisé les différents postes de préjudices susceptibles d’être indemnisés.

Lorsque la victime se retrouve être un Majeur Protégé, cela signifie que l’accident a laissé des séquelles graves, et qu’elle est devenue malheureusement dépendante.

Dans ce cas, il en général nécessaire qu’elle soit assistée d’une tierce personne.

Dans le cadre familial, les parents ou le conjoint deviennent de facto, la tierce personne, de même qu’ils sont souvent désignés comme Curateur et/ou Tuteur.

Or, il faut éviter que cette situation pratique fasse perdre au Majeur Protégé une indemnisation à la charge du responsable de son état et qu’elle ne pèse pas sur ses proches.

Les Tribunaux ont d’ailleurs pris conscience de l’injustice de cette situation et la jurisprudence a évolué pour y pallier.

Une décision de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation du 22 novembre 2012 (n°11-25494) a rappelé un certain nombre de principes fondamentaux en la matière.

Tout d’abord, cette jurisprudence rappelle fermement que l’indemnisation doit être calculée selon les besoins du blessé en aide humaine, et n’est pas subordonné à la justification des dépenses exposées.

En effet, à partir du moment où, l’Expert Judiciaire, dans le cadre d’un rapport qui a été homologué par une Juridiction, reconnait la nécessité d’une tierce personne, avec le nombre d’heures et/ou de jours pour ladite tierce personne, même si aucune dépense n’est faite parce que la famille joue le rôle de tierce personne, l’indemnisation est due.

L’Assureur ne peut donc opposer à la victime la non-justification de dépenses.

Dans le cadre de l’espèce, objet de l’arrêt de la Cour de Cassation évoqué supra, le rapport d’expertise avait conclu à la nécessité de l’assistance 24h/24 en raison de la gravité du handicap subsistant après consolidation.

La Cour de Cassation a confirmé la décision de la Cour d'Appel d’AGEN qui avait estimé qu’il n’y avait pas simplement lieu à rembourser les factures produites correspondant d’un prestataire durant seulement 12h, mais bien de fixer le montant de la réparation à l’équivalent d’une intervention pendant les 24h requises.

La Cour de Cassation a donc, pour la première fois de façon aussi explicite, posé le principe selon laquelle l’indemnisation au titre de la tierce personne ne saurait être réduite en cas d’assistance familiale.

Jusqu’ici, dans les décisions antérieures (Cassation Criminelle 21 février 1991, Cassation 2ème Chambre Civile 16 novembre 1994, Cassation 2ème Chambre Civile 5 juin 2003 etc.), les choses n’étaient pas aussi claires et ont permis aux Assureurs de continuer à s’opposer à ce mode de calcul.

Au-delà, il est possible, à partir du moment où le membre de la famille n’est pas le Curateur ou le Tuteur (car dans ce cas là il conviendrait que soit désigné un Curateur ou un Tuteur ad’ hoc), qu’un contrat de travail soit signé avec ce membre de la famille qui s’en occupe de manière régulière, comme le ferait un salarié du Majeur Protégé lourdement handicapé.

On pourrait aussi envisager, toujours avec la nécessité de la signature d’un document par un Tuteur ou un Curateur ad’hoc si le seul membre de la famille est le Tuteur ou le Curateur en titre, un défraiement.

En revanche, il faut faire attention : le défraiement ne peut être que l’indemnisation de frais et non un salaire pour lequel des charges sociales ne seraient pas réglées.

Il convient d’être prudent face à une éventuelle requalification par l’URSAFF.

Cet arrêt de principe de la Cour de Cassation a aussi rappelé que la victime, c'est-à-dire le Majeur Protégé, dispose du libre choix à un recours à une assistance extérieure, sous la forme d’un prestataire de service.

Ce point est important lorsque le Tuteur ou le Curateur d’une personne lourdement handicapée doit décider avec les indemnités perçues, soit de prendre un salarié (voire plusieurs s’il y a nécessité d’une prise en charge 24h/24) ou une Société (ou Association) de prestations de services.

Il est clair que si on fait appel à un prestataire de services extérieur, le coût peut être plus élevé, mais ainsi que le rappelle la doctrine en la matière, on ne peut imposer à une victime (et lorsqu’il s’agit du Majeur Protégé à son représentant), la lourdeur du salariat.

Le système du prestataire de services extérieur offre en général plus de souplesse, même si son coût est plus important.

Si la personne est salariée, le taux horaire retenu doit tenir compte de l’intégralité du coût de ce salarié (congés payés, charges sociales etc.).

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Les Assureurs ont cherché à limiter cette indemnisation, dans un cas où la victime, Majeur Protégé, avait intégré un logement adapté qui permettait de neutraliser l’aide humaine et donc qui n’imposait plus à cette personne d’avoir un tiers pour le prendre en charge.

Pour autant, elle avait un droit à une tierce personne, et donc un droit à l’indemnité.

La Cour de Cassation, par la décision du 13 décembre 2012 (n°11-27218) a donc rejeté le Pourvoi fait par la Compagnie d’Assurance.

Ce droit à l’indemnisation est aujourd’hui fermement établi et doit être pris en compte dans le cadre des procédures indemnitaires qu’un Tuteur ou Curateur doit suivre pour le Majeur Protégé, victime d’un grave accident.

SCP E. Moncho - E. Voisin-Moncho
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