Assistance de la personne protégée en garde à vue

Obligation pour les enquêteurs de prévenir le tuteur ou le curateur du placement en garde à vue dans les 6 heures 

On sait l’importance de la garde à vue et des révélations qui peuvent y être faites. La personne en garde à vue est privée de liberté et se trouve le plus souvent dans une situation extrêmement déstabilisante. Jusqu’à présent, lorsqu’une personne protégée était placée en garde à vue, aucune disposition n’imposait aux services de police d’aviser son protecteur. Or une personne dont les facultés mentales sont altérées risque d’opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard de son droit à garder le silence ou au regard de la possibilité de s’entretenir avec un avocat et d’être assisté par lui au cours de ses auditions et confrontations

 Un majeur placé en garde à vue avait certes la possibilité de faire prévenir une personne de son choix, parmi lesquels son tuteur ou son curateur. Mais ceux-ci n’étaient pas obligatoirement avisés de la garde à vue.

C’est pourquoi, le Conseil constitutionnel a jugé le 14 septembre 2018 que les dispositions en vigueur méconnaissaient les droits de la défense, en ce qu’elles ne permettaient pas dans tous les cas à la personne protégée d’être assistée dans l’exercice de ses droits.  Deux nouveaux articles relatifs aux personnes protégées ont donc été introduits dans le code de procédure pénale par la loi du 23 mars 2019. (article 706-12-1 et 706-12-2).

Depuis le 1er juin 2019, en cas de placement en garde à vue, l’officier ou l’agent de police judiciaire doit systématiquement demander à la personne majeure si elle fait l’objet d’une mesure de protection.  Si tel est le cas, ou si l’information apparaît à un autre titre dans la procédure, les services de police ont l’obligation d’aviser le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial au plus tard dans un délai de 6 heures à partir du moment où est apparue l’existence d’une mesure de protection, sauf décision contraire du procureur de la République. Le curateur, le tuteur ou le mandataire spécial peut désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit commis d’office. Il peut également demander que la personne soit examinée par un médecin pour vérifier si son état est compatible avec la garde à vue.

L’obligation d’aviser le protecteur dans le délai de 6 heures a pour objectif de permettre à la personne protégée d’être assistée dans l’exercice de ses droits. Elle participe par conséquent de l’exercice des droits de la défense. Le non-respect de cette obligation est une cause d’annulation de la procédure.

La loi nouvelle aurait bien sûr pu aller beaucoup plus loin dans la protection effective de la personne vulnérable en garde à vue, en imposant par exemple aux services de police de vérifier avant toute audition l’existence d’une mesure de protection, en édictant une obligation d’informer le protecteur dès le début de la mesure, ou même en imposant l’assistance de l’avocat pour toutes les personnes protégées placées en garde à vue. Des considérations budgétaires et sécuritaires ont pesé dans cette réforme a minima. Il est toutefois essentiel que les mandataires judiciaires s’en emparent et puissent réagir dès lors qu’ils sont avisés du placement en garde à vue de leur protégé, afin que cette disposition nouvelle ne reste pas une mesure purement théorique dans une situation pouvant être lourde de conséquence pour la personne vulnérable privée de liberté.

Michèle DELESSE, Avocate à Paris
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