Les règles générales de mise en cause de la responsabilite civile des organes de la mesure de protection judiciaire

LES RÈGLES GÉNÉRALES DE MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITE CIVILE DES ORGANES DE LA MESURE DE PROTECTION JUDICIAIRE

La loi du 5 mars 2007 (n°2007/308) a restructuré les règles de la responsabilité civile de l’ensemble des organes de la mesure de protection judiciaire (les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, les tuteurs familiaux, mais aussi le Juge des tutelles et les Greffiers concernés).

Nous sommes en l’état de deux articles (421 et 422 du Code civil) qui ne sont que des applications spécifiques des règles générales de la responsabilité civile prévue par les articles 1382 et suivants dudit Code.

L’article 421 du Code civil prévoit :

« Tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque qu’ils commettent dans l’exercice de leurs fonctions. Toutefois, sauf cas de curatelle renforcée, le curateur et le subrogé curateur n’engagent leur responsabilité, du fait des actes accomplis avec leur assistance, qu’en cas de dol ou de faute lourde ».

L’article 421 ne prévoit pas une distinction qui existe en matière de mandat (article 1992 du Code civil qui distingue le mandat bénévole du mandat rémunéré) mais fait une distinction totalement différente en fonction de la catégorie de mesure.

En ce qui concerne la tutelle et la curatelle renforcées, toute faute causant un préjudice peut entraîner une action en responsabilité alors qu’elle n’est possible pour la curatelle simple que pour les fautes lourdes ou le dol.

Le dol est la manœuvre frauduleuse.

Cette notion se retrouve dans de nombreuses règles juridiques notamment en matière contractuelle où le dol rend nulle la formation d’un contrat « lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ».

Le dol est bien un acte frauduleux mais aussi un acte intentionnel.

La faute lourde, qui n’a pas de définition légale mais de nombreuses définitions jurisprudentielles, est caractérisée par la négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission (arrêt de la Chambre mixte de la Cour de Cassation du 22 avril 2005).

L’article 422 prévoit une responsabilité de principe de l’Etat (responsabilité qui, à titre exceptionnel, sera tranchée par les juridictions judiciaires et non les juridictions administratives).

L’article 422 du Code civil prévoit :

« Lorsque la faute à l’origine du dommage a été commise dans l’organisation et dans le fonctionnement de la mesure de protection par le Juge des tutelles, le Greffier en Chef du Tribunal d'Instance ou le Greffier, l’action en responsabilité diligentée par la personne protégée ou ayant été protégée ou par ses héritiers est dirigée contre l’Etat qui dispose d’une action récursoire ».

L’alinéa 2 de l’article 422 précise :

« Lorsque la faute à l’origine du dommage a été commise par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, l’action en responsabilité peut être dirigée contre celui-ci ou contre l’Etat qui dispose d’une action récursoire ».

Il y a donc une responsabilité de l’Etat en cas de disfonctionnement ou de mauvaise décision du Juge des tutelles (qui aurait statué d’une façon fautive par exemple en autorisant ou en n’autorisant pas un acte), de son Greffier (problème de notification ou de recours) ou du Greffier en Chef (qui est en charge du contrôle des comptes de la mesure de protection).

Une action conjointe où l’Etat dispose d’une action récursoire est prévue dans le cas d’une faute des Mandataires Judicaires à la Protection des Majeurs, c'est-à-dire dans le cas de professionnels.

On relèvera que si l’article 421 du Code civil concerne tous les organes de la mesure de protection (y compris les tuteurs ou curateurs non professionnels), l’article 422 ne concerne que des professionnels (dépendant du monde judiciaire ou ayant un statut proche de celui d’un auxiliaire de justice, c'est-à-dire les MJPM).

En outre, l’action contre l’Etat de l’article 422 n’est possible que par la personne protégée (soit qu’elle ait retrouvé sa capacité d’action seule, soit avec l’assistance ou la représentation d’un nouvel organe de la mesure de protection) ou ses héritiers.

Les tiers ne peuvent pas agir dans le cadre de cette responsabilité.

En revanche, dans le cadre de la responsabilité générale de l’article 421, les tiers lésés (cocontractants habituels par exemple bailleurs, salariés, etc.) peuvent agir.

Nous sommes, tant dans le cadre de l’article 421 que de l’article 422 du Code civil, en présence d’une responsabilité civile quasi-délictuelle (dont les règles générales sont posées par les articles 1382 et suivants du Code civil).

Le point est important : il ne peut pas y avoir de limitation à l’indemnisation comme en matière de responsabilité contractuelle où des clauses spécifiques peuvent jouer.

Le délai d’action est de cinq ans à partir de la fin de la mission (article 423 du Code civil).

Enfin, l’article 424 du Code civil prévoit que pour les mandats de protection future et l’habilitation familiale, ce sont les règles du mandat (c'est-à-dire une responsabilité contractuelle) qui jouent.

Les règles sont donc différentes puisque l’on renvoie aux textes du mandat qui notamment distinguent entre le mandat bénévole et le mandat rémunéré.

SCP E. Moncho - E. Voisin-Moncho
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