Les règles du mariage

Si un conjoint se trouve dans l’impossibilité imprévue de prendre une décision concernant ses biens personnels ou concernant les biens du couple, l’autre peut prendre les mesures qui s’imposent dans l’urgence et représenter ainsi son conjoint selon les règles de la gestion d’affaires.

La gestion d’affaires ne s’applique pas spécifiquement aux époux. Pour les couples mariés, d’autres solutions, spécifiques, propres, existent.

Voir article : la gestion d’affaires

Sommaire

1. Le mandat entre époux
2. Les règles du mariage
3. L'autorisation et la représentation judiciaires
4. Les articles 1426 et 1429 du code civil

1. Le mandat entre époux

Ce mandat est prévu à l’article 218 du code civil qui précise « qu’un époux peut donner mandat à l’autre pour le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue ». Il peut également le révoquer.

Ainsi, cet époux peut confier à son conjoint l’accomplissement d’un acte soumis à la cogestion, la gestion d’un bien commun relevant de ses pouvoirs exclusifs ou celle de ses biens propres.

Ce mandat conventionnel est applicable à tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial. Il nécessite que l’époux qui signe le mandat soit capable d’exprimer sa volonté pour consentir ce mandat au conjoint.

2. Les règles du mariage

Le mariage crée des droits et des devoirs entre époux. On y trouve des règles concernant la vie commune, le devoir de secours, d’assistance (article 212 du code civil). Le mariage crée aussi des règles de représentation entre époux qui s’appliquent quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux.

Il s’agit d’un statut impératif, souvent appelé régime matrimonial primaire qui vise à préserver sur le plan matériel les intérêts du couple tout en assurant, à chacun une indépendance compatible avec la communauté de vie créée par le mariage : contribution des époux aux charges du mariage, pouvoir de passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage, l’éducation des enfants (article 220 du code civil)

Il permet donc la réalisation d’un certain nombre d’actes par seulement l’un des deux époux.

L’application de ce régime dit primaire, est parfois suffisant pour gérer la vie commune même si l’autre conjoint n’est plus capable de cosigner ou consentir aux actes. L’époux qui agit seul, est présumé avoir reçu un mandat tacite de son conjoint.

Ce sont les articles 1432 ( régime de la communauté) et 1540 (régime de séparation des biens) du code civil qui créent cette présomption de mandat tacite

Mais tous les actes ne sont pas couverts par cette présomption qui ne joue que pour les actes d’administration et de jouissance, à l’exclusion des actes de disposition

Les actes couverts

- le fonctionnement du compte courant en commun
- les actes qui ont pour objet l’entretien du ménage
- la gestion des biens communs s’il s’agit d’actes conservatoires ou d’administration,...

Les actes non couverts

- les actes de disposition qui nécessitent l’accord des deux époux
- la gestion des biens propres à chaque époux qui dépend du régime matrimonial choisi : régime de la communauté des biens réduite aux acquêts quand il n’y a pas de contrat de mariage, le régime de la séparation des biens et celui de la communauté universelle.

Les biens propres selon le régime matrimonial :

Communauté de biens réduits aux acquêts : sont propres les biens acquis avant le mariage ou provenant de donations ou successions postérieures (C. Civ., art 1400 s.)
Séparation de biens : chacun est propriétaire des biens acquis pendant le mariage
Communauté universelle : les époux sont propriétaires l’un et l’autre de tous les biens de chacun

Hors mariage, la loi ne prévoit aucun mandat entre concubins ou partenaires. Ils sont soumis aux règles de droit commun de la représentation qui priment sur les mesures de protection judiciaire (art. 428 du code civil).

L’existence d’un mandat général couvrant les actes d’administration ou la signature d’une procuration bancaire au bénéfice du partenaire ou du concubin peuvent éviter l’ouverture d’une mesure de protection.

3. L’autorisation et la représentation judiciaires

La loi a prévu qu’il puisse y avoir des situations où l’application du régime primaire ne soit pas suffisant pour pallier à des situations difficiles, bloquantes, lorsque l’un des deux époux est « hors d’état d’exprimer sa volonté » et où il faut permettre à l’un des époux de représenter l’autre. Le code civil à a prévu des aménagement des pouvoirs résultant de l’application des régimes matrimoniaux. C’est l’application des articles 217 et 219 du code civil qui n’entraîne aucune incapacité juridique du conjoint empêché. Ces demandes sont de la compétence du juge des contentieux de la protection.

L’autorisation de l’article 217 du code civil

Le conjoint peut-être autorisé à passer un acte seul s’il s’agit d’un acte ponctuel pour lequel le consentement des deux époux est requis et que l’un d’entre eux ne peut, ou ne veut, pas donner son consentement. L’acte doit être précis, les conditions connues.

Article 217 du Code civil

« Un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d'état de manifester sa volonté ou si son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la famille.

L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorisation de justice est opposable à l'époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu'il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle. « 

Deux cas sont prévus :

L’époux est « hors d’état d’exprimer sa volonté », le conjoint doit saisir le juge des contentieux de la protection

L’époux refuse de passer un acte et son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille, le conjoint doit saisir le juge aux affaires familiales. (Art 1286 du CPC)

Avec cette autorisation, l’époux est en mesure de procéder à un ou plusieurs acte(s) de disposition (vendre un bien).

Cette autorisation porte toujours sur un bien commun ou indivis entre les époux. Elle peut être donnée pour un ou plusieurs actes précis. Elle n’est jamais générale. Sont exclus les actes relatifs aux biens propres et personnels du conjoint hors d’état de manifester sa volonté. Dans ce cas, c’est l’article 219 du code civil qui s’applique.

La représentation de l’article 219 du code civil

Cette situation est différente de l’autorisation de l’article 217 car le le juge autorise le conjoint à représenter son conjoint de manière générale pour accomplir tous les actes nécessaires à la gestion des intérêts de la famille, ou l’autorise à faire seul un acte déterminé. Il a le pouvoir d’agir sur l’ensemble des biens propres ou communs.

L’habilitation générale ne peut pas être délivrée pour réaliser des actes de disposition. Elle ne peut porter que sur les actes de gestion courante. S’il s’agit d’un acte de disposition (vendre un bien immobilier) une habilitation expresse est nécessaire.

Article 219

« Si l'un des époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté, l'autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge.

A défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l'autre ont effet, à l'égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires. »

La procédure d’habilitation ne permet pas de remplacer son époux pour les actes personnels. Mais il est admis, qu’un époux habilité à gérer les biens de l’autre grâce au régime matrimonial ou à l’habilitation pouvait être investi d’une mesure de tutelle limitée aux actes personnels (Cour d’appel de Douai, 2 février 2012, RG n° 11-05.594)

Modèle de requête : Demande d’habilitation judiciaire aux fins de représentation du conjoint

4. Les articles 1426 et 1429 du Code civil

D’autres mécanismes entre époux mariés sous le régime de la communauté peuvent s’appliquer mais ne sont pas de la compétence du juge des contentieux de la protection. Ce sont les articles 1426 et 1429 du code civil.

Les articles 1426 et 1429 du code civil permettent à un époux dont le conjoint est hors d’état de manifester sa volonté de manière durable ou qu’il met les intérêts de la famille en péril, de lui être substitué.

Les dispositions de l’article 1426 s’appliquent aux situation suivantes. Le conjoint :

- est durablement hors d’état de manifester sa volonté
- n’est pas apte à gérer le patrimoine commun
- commet des actes nuisibles aux intérêts communs

Article 1426

« Si l'un des époux se trouve, d'une manière durable, hors d'état de manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l'inaptitude ou la fraude, l'autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l'exercice de ses pouvoirs. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande….[….] »

Les dispositions de l’article 1429 s’appliquent aux situations suivantes. Le conjoint :

- est durablement hors d’état de manifester sa volonté
- laisse dépérir ses biens propres au préjudice de la famille
- met en péril les intérêts de la famille en dissipant ou détournant les revenus qu’il retire de ses biens propres

Article 1429

« Si l'un des époux se trouve, d'une manière durable, hors d'état de manifester sa volonté, ou s'il met en péril les intérêts de la famille, soit en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu'il en retire, il peut, à la demande de son conjoint, être dessaisi des droits d'administration et de jouissance qui lui sont reconnus par l'article précédent. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande...[….] »

Pour ces demandes, la représentation par avocat est obligatoire. La demande doit être publiée au Répertoire civil tenu par le tribunal et le jugement publié en marge de l‘acte de naissance de l’époux défaillant (articles 1291 et 1292, al. 2 du code de procédure civile)