Les limites de l'application du principe de la priorité familiale

Arrêt rendu par la Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 5 Janvier 2023 ou 24 mars, 21-10.573

 

Aux termes d’un arrêt rendu le 5 Janvier 2023, la Cour de Cassation rappelle que le principe de priorité familiale peut être écarté lorsque le tuteur familial est au cœur d’un conflit familial persistant et que la gestion des comptes du majeur protégé apparaît opaque.

Dans le cas d’espèce, l’époux, tuteur à la personne du majeur protégé, conteste l’arrêt rendu par la Cour d’Appel ayant désigné un organisme tiers à la famille, et transformé la tutelle à la personne en une tutelle aux biens et à la personne ; l’époux invoquant à cet effet, le principe de priorité familiale.
La Cour de Cassation a rejeté son pourvoi en rappelant que la priorité familiale n’a vocation à s’appliquer que pour autant que la désignation des membres de la famille du majeur protégé ne heurte pas les intérêts de ce dernier.

L’appréciation de ces derniers éléments relève du pouvoir souverain du juge du fond, lui imposant de motiver sa décision, et impliquant donc d’exposer en quoi les circonstances de l’espèce constituent un obstacle au fait que les membres de la famille exercent la mesure dans l’intérêt du majeur.
La Jurisprudence interprète, en effet, strictement ces dispositions, la Cour de Cassation exigeant des juges du fond une motivation stricte des décisions de ne pas confier la mesure de protection à la famille ou à un proche.
Il convient de rappeler que la désignation d’un tuteur ou d’un curateur est régie par un ordre établi par la loi défini aux articles 448 à 450 du Code civil, à savoir, en premier lieu, et sauf si l’intérêt du majeur commande de l’écarter, la personne désignée par anticipation par le majeur lui-même, puis en second lieu et à défaut, un proche du majeur (conjoint, partenaire de PACS, concubin), et enfin, un parent, un allié, et la personne avec laquelle le majeur entretient des liens étroits et stables.

Or, dans le cas d’espèce, en ce qui concerne la tutelle à la personne, la Cour de Cassation a considéré que la décision de la Cour d’Appel était légalement justifiée, aux motifs qu’il existait une situation de conflit familial au moment de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel, et que ce contentieux subsistait, et, qu’en raison de l’opposition manifeste de l’époux à l’intervention des différents intervenants, ce positionnement était incompatible et nuisait au bon déroulement de la gestion de la mesure de protection.
S’agissant, par ailleurs, de la tutelle aux biens, la Cour de Cassation a relevé que le défaut de production de justificatifs par l’époux du majeur protégé de l’utilisation d’une somme d’environ 50 000 euros durant les deux dernières années, ainsi que l’opacité des comptes, ne permettait pas de s’assurer que celui-ci avait agi conformément au respect de l’intérêt du majeur, de sorte que ces éléments justifiaient la désignation d’un organisme tiers en qualité de tuteur aux biens.

Pour ces différentes raisons, et au cas d’espèce, la Cour de Cassation a procédé à l’éviction de l’application du principe du primat de l’entourage familial, en rappelant que celle-ci apparaît justifiée dès lors qu’elle se trouve motivée par l’intérêt de la personne protégée, et que la priorité familiale ne présente pas un caractère absolu. 

 

Caroline Nouvian
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